Fort du soutien du Président de la République, mais sans aucune légitimité électorale, Elyes Fakhfakh devra faire appel à ses talents managériaux pour tenter de fédérer autour de lui le maximum d’acteurs politiques.
Journalistes, observateurs et partis politiques attendaient impatiemment l’annonce, mais ce n’est finalement qu’en fin de soirée hier que la présidence de la République a dévoilé le nom de celui qui sera chargé de former un gouvernement au plus tard le 21 février, soit 30 jours comme le précisent les dispositions de la Constitution. Entre Fadhel Abdelkéfi et Hakim Ben Hammouda, proposés par plus d’un parti, et Elyes Fakhfakh dont le nom a uniquement été proposé par Tahya Tounès, le président de la République Kaïs Saïed a finalement choisi ce dernier.
Dans son allocution à la suite de cette nomination, Elyes Fakhfakh s’est voulu fédérateur et au-dessus des confrontations politiciennes. Il a promis de former un gouvernement restreint et de se concentrer en priorité sur les chantiers à caractère économique. Donnant le cap de sa politique, Elyes Fakhfakh, fidèle à la famille social-démocrate de laquelle il se revendique, a indiqué que son futur gouvernement travaillera à l’instauration d’un Etat social qui «mette fin à des décennies de paupérisation et de marginalisation».
Ingénieur de formation, mais également détenteur d’un master en management, Elyes Fakhfakh a roulé sa bosse dans plusieurs entreprises internationales. En 2014, il devient cofondateur d’une entreprise spécialisée dans le consulting et le financement de projets d’infrastructures et de valorisation des déchets pour la région de l’Afrique du Nord. Un Curriculum Vitae qui plaide en sa faveur qui, pour autant, n’est pas forcément un gage de compétence.
«L’expérience que nous avons pu avoir avec le gouvernement de Habib Jemli nous enseigne que les CV sont une chose et que la compétence politique en est une autre, note la députée Saida Ouinissi (Ennahdha). Aujourd’hui nous avons besoin d’un chef de gouvernement capable de fédérer autour de lui pour former une large ceinture politique». Même si le Parti n’a pas tranché dans ses structures internes, les principaux ténors du parti ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne s’opposeraient pas, a priori, à un gouvernement formé par Elyes Fakhfakh. Plus mitigé, le parti Qalb Tounès, qui avait proposé les noms de Fadhel Abdelkéfi et de Hakim Ben Hammouda, n’est pas convaincu du choix du Président de la République.
«D’un côté le président fait le choix de la personnalité qui a été proposée par un seul parti, et de l’autre, il n’assume pas ses choix et nous explique que ce n’est pas le gouvernement du président», commente Iyadh Elloumi, député de Qalb Tounès. Iyadh Elloumi lui trouve par ailleurs des compétences indéniables, lorsqu’il a été deux fois ministre dans une conjoncture difficile.
Pour sa part, Hassouna Nasfi, chef de file du groupe de la Réforme Nationale, ne semble pas du tout convaincu par cette nomination et pose la question de la légitimité. Pour lui, Elyes Fakhfakh a affronté les urnes lors des élections présidentielle et a échoué à convaincre les électeurs en obtenant le score rédhibitoire de 0,34% (11.532 électeurs).
«C’est le choix du Président de la République et on lui souhaite bonne chance», dit-il avec non sans une touche d’ironie.
Le parti Al-Tayar qui a soutenu la candidature de Elyes Fakhfakh sans pour autant proposer le sien, estime pour sa part que le concerné jouit d’un préjugé favorable. Les députés du parti vont a priori voter en sa faveur.
D’autres groupes parlementaire, en revanche, attendent du chef du gouvernement désigné un programme cohérent et en harmonie avec les priorités économiques du pays. Rappelons que Elyes Fakhfakh a entamé, à Dar Edhiafa, les concertations pour la formation de son gouvernement. Il a entre autres reçu son ex-collègue du parti Al-Takatol, Lobna Jeribi, qui figurait déjà sur la liste de Habib Jemli. Elyes Fakhfekh a également reçu M. Othmen Jarandi, ex-ministre des Affaires étrangères sous le gouvernement de Ali Laârayedh.
Fort du soutien du Président de la République, mais sans aucune légitimité électorale, Elyes Fakhfakh devra faire appel à ses talents managériaux pour tenter de fédérer autour de lui le maximum d’acteurs politiques.