Cette semaine, nous avons assisté à des événements assez tristes, liés à la disparition de deux grandes figures de l’intelligentsia tunisienne : Lina Ben Mhenni et Bady Ben Naceur.
Pas la peine de dire ce que ces deux personnages représentaient pour la Tunisie, pour le progrès et pour les droits de l’homme. Je ne veux même pas m’y attarder dessus à cause de la douleur due à leur disparition qui m’a beaucoup affectée.
Tout le monde les connaissait, aimés par les progressistes, démonisés par les obscurantistes…comme cela arrive souvent pour les êtres hors du commun…
Mais ce qui frappe plus le lecteur des réseaux sociaux est la polémique moyenâgeuse liée aux obsèques de l’activiste Lina Ben Mehnni, polémique d’un temps révolu, certes, et utilisée à des fins purement populistes, incitant à la haine contre la Femme, contre les lois de la République et contre la modernité.
Inacceptable et mesquin !
Alors, je me demande, à partir de quand le droit va l’emporter sur les traditions du pays ?
Il peut paraître étrange de nos jours, de parler encore et dans un pays moderne comme la Tunisie, des rapports du Droit et de la Tradition. En ligne générale, nous sommes tous conscients que le Droit l’emporte sur la Tradition, mais cette règle n’est pas forcément la règle de tous les pays du monde. Nous en sommes d’autant plus étonnés lorsqu’on s’aperçoit que, de nos jours, les juristes ont tendance à oublier de légiférer sur les traditions et sur le poids écrasant que ces traditions peuvent avoir au sein d’une société qui souvent nous enseigne à ne pas faire beaucoup plus qu’à faire.
Pendant des millénaires, le droit était fondé sur les traditions et les coutumes, il est l’ensemble des règles sociales obligatoires et à respecter par la communauté. Tout cela ne l’empêche pas d’évoluer, même si son rythme peut être assez lent et parfois nécessite plusieurs générations.
La tradition, par contre, omniprésente et parfois plus respectée par rapport à une loi, n’a jamais trouvé de place dans le domaine juridique, et avec le temps, on se rend compte que la tradition, toujours présente et si forte dans certaines sociétés, sert de limitation à l’élaboration et à l’application des normes juridiques.
C’est d’autant plus vrai qu’il est plus facile pour un juriste de légiférer sur le droit commun, plutôt que sur une tradition, et ce, parce que la tradition est orale et liée souvent à la sphère du sacré et donc du religieux, de la sociologie, de la psychologie et de la superstition.
Tous ces facteurs seraient-ils donc responsables du retard dans la promulgation et/ou la réforme de certaines lois ?
Comment se libérer donc de toutes ces traditions obsolètes qui représentent un lourd fardeau pour une société qui a la prétention de se définir une société moderne ?
Faire d’un cortège funéraire un sujet de débat national ne serait-il pas contre toute sorte de respect pour le défunt, pour l’individu et pour Celui qui nous a créés ? Comment pouvons-nous expliquer à nos enfants ce manque de respect de la mort, de la douleur, par des franges conservatrices et extrémistes ?
Les traditions, qui ne sont pas des institutions juridiques, ont-elles le droit de nous infliger tout cela ? La réponse est NON!
La tradition et le traditionalisme, qui en deviennent souvent la valeur suprême, doivent être revus, améliorés et adaptés à la vie d’une communauté.
Les sociétés modernes ne peuvent plus se permettre de se faire phagocyter par les traditions considérées comme la «transmission de toute la culture d’un groupe ou d’une société». Ce caractère totalisant et destructeur n’a jamais été complètement vrai, sinon aucune société n’aurait pu évoluer et détruire ces germes de conflits sociétaux qui se développent dans l’esprit des plus démunis et des plus ignorants.