Où va-t-on ? Par où la sortie de cette crise politique inédite qui met à mal toute la classe politique, mais surtout les intérêts de la Tunisie dans cette conjoncture économique assez difficile ? Qui fera des concessions et qui persistera dans ses positions en dépit du blocage politique? Ce sont les questions que se posent aujourd’hui les Tunisiens vivement inquiets face aux derniers rebondissements qui ont secoué le processus de formation du gouvernement déjà entravé. D’ailleurs, si aucun avancement ou progrès n’est enregistré d’ici quelques heures, on se dirige bel et bien vers une situation de vide et de flou ouverte à tous les scénarios, dont notamment la dissolution du parlement et la tenue d’élections législatives anticipées.
La décision du parti Ennahdha de se retirer du prochain gouvernement a redistribué les cartes de tous les partis politiques, et notamment celles du chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh qui, après avoir annoncé une sorte de « gouvernement provisoire », a préféré, après concertation avec le chef de l’Etat, de poursuivre les tractations politiques pour trouver une issue à ce blocage politique persistant qui intervient quelques jours avant l’expiration des délais constitutionnels fixée pour le jeudi prochain. En tout cas, la journée d’hier a été marquée par la poursuite des négociations et des manœuvres politiques pour rapprocher les positions des différents protagonistes de ce processus dont notamment le chef du gouvernement désigné et le parti Ennahdha, en vue de trouver le consensus avant de passer à d’autres scénarios envisageables.
Si le bras de fer engagé dès le début des concertations, entre Ennahdha et Elyes Fakhfakh semble être plus profond que l’on croyait en raison notamment de l’attachement du parti de Rached Ghannouchi à faire participer Nabil Karoui dans le prochain gouvernement, d’autres intervenants commencent à entrer sur scène pour essayer de résoudre ce dilemme. C’est le cas de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica) qui ont volé au secours de toute la classe politique pour parvenir à un accord avant qu’il ne soit trop tard. C’est dans ce contexte que le chef du gouvernement désigné a reçu hier, le secrétaire général de l’Ugtt pour se concerter concernant les derniers développements de la situation.
Les derniers espoirs ?
Parallèlement, le chef du parti Ennahdha et président de l’Assemblée des représentants du peuple Rached Ghannouchi a reçu au siège du parlement, le président du parti Tahya Tounes Youssef Chahed toujours dans le cadre des efforts visant à faire rapprocher les points de vue et supprimer les différends qui opposent les partis concernés par ce processus. «La réunion a été l’occasion pour trouver le consensus nécessaire pour faire passer le gouvernement d’Elyes Fakhfakh. Le président de l’ARP est conscient de son rôle et de la nécessité de trouver un terrain d’entente», a-t-il déclaré à l’issue de cette rencontre.
Evoquant la question soulevée par certains dirigeants du parti Ennahdha concernant le retrait de confiance de son gouvernement, Youssef Chahed a ironiquement répondu que ceux-ci doivent cesser de regarder Netflix (plateforme de production et de diffusions de films et de séries), faisant allusion que ce scénario n’est pas possible.
Car en effet, ce scénario portant sur le retrait de confiance du gouvernement Chahed en cas de chute du gouvernement Fakhfakh a été largement évoqué, hier, même par certains dirigeants du parti Ennahdha dont notamment Abedlkarim Harouni, qui n’a pas écarté cette alternative en se basant sur l’article 97 de la Constitution pour retirer la confiance au gouvernement Chahed et désigner un nouveau chef du gouvernement, issu du parti majoritaire.
Face à ces appels, la réponse du président de la République n’a pas tardé et s’est fortement opposée à un tel scénario, car selon ses dires, il s’agit d’une mesure anticonstitutionnelle. Dans une déclaration publiée sur la page officielle de la Présidence de la République, Saied a expliqué que «chercher à retirer la confiance du gouvernement de gestion des affaires courantes constitue une action en dehors du cadre constitutionnel vu qu’il ne s’agit pas d’un gouvernement au pouvoir. Il est issu de l’ancien parlement».
Le marathon des réunions visant à trouver une issue à ce blocage politique était interminable. Encore hier, le secrétaire général de l’Ugtt, Noureddine Taboubi, s’est réuni avec le président du parti Qalb Tounès, Nabil Karoui, toujours dans le cadre des concertations portant sur l’actuelle crise politique. Ce dernier s’est directement dirigé vers le siège du parlement pour se réunir avec les différents députés du bloc parlementaire de Qalb Tounès pour poursuivre les concertations et revenir sur les derniers développements.
Entre-temps, les différents partis et même organisations nationales concernés par ce processus ont poursuivi et multiplié leurs réunions et concertations en interne pour discuter de l’actuelle situation politique qui reste tributaire des compromis de dernière minute.
Les scénarios envisageables
En tout cas, devant la persistance du mouvement dans ses positions portant notamment sur la participation du parti Qalb Tounès au prochain gouvernement, le chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh se trouve actuellement confronté à un dilemme : céder aux pressions du mouvement Ennahdha et revoir sa copie initiale en y faisant intégrer quelques noms issus du parti de Nabil Karoui, conserver cette composition initiale et s’aventurer à la présenter au parlement en dépit de l’absence du consensus, ou finalement remplacer les ministres d’Ennahdha et former un nouveau gouvernement sans ce parti. Et c’est dans ce sens que le Secrétaire général du Mouvement Echaab, Zouheir Maghzaoui, a rappelé au parti Ennahdha que le dernier délai pour les concertations sur la composition du prochain gouvernement s’achèvent le 19 courant. Et d’ajouter que «s’il n’y aura pas de progrès, les ministres d’Ennahdha seront retirés de la liste et seront remplacés par d’autres personnalités, avant de présenter le gouvernement à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) pour le vote de confiance».
En tout cas les nouveaux rebondissements attendus aujourd’hui nous diront plus sur l’actuelle crise politique et apporteront quelques éléments de réponse à ce blocage : allons-nous vers le dénouement de la crise ou pire encore nous dirigeons-nous vers le scénario de l’inconnu?
karaaka youssef
19 février 2020 à 09:19
c’est une occasion pour voir si nos politiciens sont devenus majeures faces aux défis multiples que connu le pays ou ils restent encore mineures et nécessite ainsi la tutelle.