Comme tous ceux qui l’ont précédé à la tête du pouvoir exécutif aux côtés du chef de l’Etat, le gouvernement Fakhfakh, qui vient d’entrer en fonction, il y a une semaine, a pris des engagements et formulé des promesses qu’il risque de ne pas pouvoir tenir, du moins pour une bonne partie d’entre elles.

Tout en s’étant, visiblement, efforcé de paraître rassurant, le nouveau chef du gouvernement sait sans aucun doute qu’il largue les amarres du navire Tunisie, alors que la mer est houleuse, que l’embarcation est à bout et que l’équipage n’est pas réellement solidaire, contrairement à ce qu’a prétendu, sur ce point précis, son chef dans son discours devant les représentants du peuple.    

Ressemblant plutôt au discours inaugural d’une campagne électorale, celui du nouveau chef du gouvernement s’est voulu rassembleur, positif, optimiste et rassurant. Voulant ratisser  large, il a interpellé toutes les forces vives du pays et mis le doigt sur bon nombre de sujets brûlants.

Il a, cependant, donné l’impression qu’il possédait la potion magique, alors que les contraintes politiques, sociales, financières et autres sont très fortes et très urgentes, et que les problèmes que son gouvernement doit affronter et essayer de résoudre sont très graves et très profonds et que son équipe ne semble pas prête à relever de tels défis.

Nous sommes, en effet, devant un gouvernement conçu à la hâte par un Parlement et un président de la République-eux-mêmes engendrés par la peur d’un peuple qui ne sait plus quoi faire. Il s’agit, rappelons-le, d’une équipe venue au monde après moult frictions et marchandages et surtout sous la menace constitutionnelle de la dissolution de l’institution représentant le pouvoir législatif.   

Né au forceps  après une longue période de flottement qui semble trouver un réel plaisir à s’étirer dans tous les sens, le nouveau gouvernement s’apprête à se mouvoir sur un terrain glissant, car n’ayant pas bénéficié, d’abord, d’une large et solide confiance, au sein du Parlement, et ne jouissant pas, ensuite, d’une bonne marge de manœuvre.

Né, oui, mais ayant face à lui une opposition en majorité atteinte d’une overdose de populisme, qui peine à cacher l’appétit électoraliste de ses auteurs et dont une bonne partie semble décidée à le faire tomber coûte que coûte afin de prouver à l’«opinion publique» la justesse de ses thèses, avec pour entre autres objectifs de se refaire une virginité.

Le nouveau gouvernement est aussi né dans une atmosphère explosive que nous n’avons pas hésité, l’autre jour, de qualifier, sur ces mêmes colonnes, de guerre civile verbale généralisée, extrêmement violente  qui pourrait dégénérer,  si rien n’est fait pour l’arrêter.

Il est aussi né alors que plusieurs organisations militant pour les droits sociaux et économiques du peuple exprimaient leur ras-le-bol face à des situations devenues extrêmement intolérables pour bon nombre de catégories sociales. Celles-ci continuent, en effet, de souffrir de l’absence d’un minimum de droits pouvant préserver un semblant de dignité, dont l’accès à l’eau potable.

Rappelons que la période de flottement, évoquée plus haut,  dure depuis 2015, c’est-à-dire avec les pouvoirs issus des élections de 2014, les premières dans la vie de la deuxième République, naissante , celle censée concrétiser les objectifs de le révolution de la liberté et de la dignité.

Une période tumultueuse, car ayant débuté dans les contradictions et les conflits, à l’image d’une société qui subit les affres d’une adolescence difficile, elle-même survenue après une très longue enfance, malheureuse et chargée de frustrations qui s’est étalée sur plus d’un demi-siècle.

Flottement qui s’est accentué avec le décès en exercice de l’ancien chef de l’Etat, le 25 juillet dernier, l’élection houleuse d’un président fort du point de vue de la popularité, mais qui peine à convaincre sur le terrain, l’élection d’un Parlement en patchwork évoluant dans une atmosphère lourde et dont l’action est ponctuée de frictions et de clashes et un gouvernement mort-né, celui qui a précédé l’actuel.

C‘est dire la misère politique et sociale d’une Tunisie, par ailleurs exsangue, sur le plan économique avec un peuple au moral à zéro, ne voyant que du flou et profondément atteint dans son amour, propre depuis une indépendance de façade et traité par tous les gouvernements nés après cette date comme un cobaye et depuis les élections de 2011 comme les arrivistes traitent un parent pauvre.

Or, c’est la misère politico-morale, intellectuelle et culturelle dans laquelle baigne notre pays, depuis des décennies et  dont la facture est extrêmement salée qui est à l’origine de sa misère économique. Sachant  que des forces dépourvues de tout sentiment patriotique ont  tout fait pour le maintenir dans cet état honteux et continuent de le faire.

Nous avions précisé en avril dernier et sur ces mêmes colonnes que le peuple était dans une situation de flou et de peur telle qu’il ne pourrait pas exercer convenablement sa souveraineté et qu’il sera totalement perdu lors des élections qui approchaient et qu’il faudrait, avant tout, rétablir la vérité que les forces réactionnaires, et elles sont nombreuses et bien armées, ont essayé et parfois réussi à voiler.  Comment Fakhfakh, qui a brandi l’arme de la clarté et du rétablissement de la confiance, pourrait-il tenir cette double promesse,  alors qu’il n’est pas question selon le discours qu’il a prononcé de rétablir la vérité, puisque pour lui la transition politique a bien eu lieu ?

 

Foued ALLANI

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