Alors que la Tunisie a atteint le stade II de la lutte contre le coronavirus avec la découverte d’un premier cas de « contamination locale », les inquiétudes des citoyens, mais aussi des autorités, commencent à grandir. Six cas au total sont, jusqu’à présent, confirmés, mais les cas soupçonnés d’être contaminés par ce virus mortel se comptent par centaines et les analyses et tests de dépistage sont opérés quotidiennement. En tout cas, pas de panique, comme le confirment les autorités, la situation reste toujours maîtrisable en dépit des risques grandissants de propagation de ce virus sur le territoire national.
En effet, le directeur général des soins de santé de base au ministère de la Santé, Chokri Hamouda, a annoncé, hier, qu’un nouveau cas de coronavirus a été enregistré en Tunisie. Il s’agit d’un proche du premier cas enregistré à Boumerdas à Mahdia, déclaré positif au Covid-19 il y a quelques jours, portant ainsi le bilan des cas confirmés à l’échelle nationale à six. Ce dernier avait également contaminé son épouse, donc sur les six cas enregistrés, trois sont de la même famille. «Ce nouveau cas est déjà placé en isolement médical à son domicile et son état de santé est hors de danger», a-t-il affirmé.
Lors d’une conférence de presse tenue, hier, pour faire le point sur l’avancement de la situation de la propagation du coronavirus, Nissaf Ben Alaya, directrice de l’Observatoire des maladies nouvelles et émergentes, a tenu à préciser que la situation n’est pas inquiétante en Tunisie même si nous sommes passés au stade II de la lutte contre ce virus. «Tous les cas contaminés se portent actuellement bien et nous rassurons les citoyens que la situation n’est pas actuellement inquiétante en Tunisie», a-t-elle noté.
Revenant sur ce cas confirmé, originaire de Bizerte, qui s’est rendu lundi dernier à Strasbourg où il est installé Nisaf Ben Alaya a indiqué qu’il a préféré se déplacer dans ce pays pour se soigner, niant le fait qu’il y ait eu des dysfonctionnements protocolaires à ce niveau. «Personne n’est responsable de ce qui s’est passé, mais il s’agit d’un manque de responsabilité observé chez ce patient dans la mesure où il a exposé la santé des autres personnes aux risques de contamination», a-t-elle expliqué, et d’affirmer que ce patient s’est montré coopératif au début de sa prise en charge avant de décider de quitter le pays sans alerter les autorités.
A cet effet, elle a insisté sur la nécessité de respecter les mesures préventives, notamment en ce qui concerne la mise en quarantaine et l’auto-isolement médical qui contribuent à atténuer les risques de contamination. «Le non-respect du confinement est passible d’emprisonnement conformément au Code pénal tunisien. D’ailleurs, une circulaire gouvernementale sera prochainement publiée pour rappeler ces procédures», a-t-elle encore noté.
Fiche de renseignements numérique
Elle a rappelé dans ce sens que les protocoles médicaux de contrôle concernent tous les touristes et les Tunisiens de retour de l’étranger et que le ministère a mis en place une nouvelle application électronique sous forme d’une fiche de renseignements pour collecter toutes les données de ces personnes, de suivre leur situation et de les notifier et leur rappeler les mesures et procédures à respecter. «Cette nouvelle méthode nous permettra de construire une base de données actualisée sur les personnes de retour des zones à haut risque de contamination», a-t-elle noté.
Hier, le ministre de la Santé, Abdelatif Mekki, s’est montré inquiet face aux risques de propagation du coronavirus en Tunisie, compte tenu des «agissements de certaines personnes et leur refus de se conformer aux protocoles de l’isolement médical». Pour lui, même si la situation est pour le moment sous contrôle, il faut s’attendre à une hausse considérable du nombre de cas contaminés par ce virus. Il a appelé dans ce sens tous les citoyens à se conformer à ces protocoles médicaux afin d’éviter une propagation rapide du virus.
Soupçonnées d’être infectées par le virus, plusieurs centaines de personnes sont actuellement placées en quarantaine. Jusque-là, depuis le 2 mars dernier, plus de 2.200 personnes ont été placées en confinement, confirme une source bien informée auprès du ministère de la Santé, et plus de 1.400 cas suspects sont toujours sous contrôle. Parmi eux, une dizaine de personnes qui ont été soumises, hier, à l’auto-isolement, au Kef, à titre préventif, alors qu’une vingtaine de personnes ont été également placées en quarantaine à Nabeul et plus de 26 autres dans le gouvernorat de Sidi Bouzid. Plusieurs dizaines de personnes qui étaient en contact avec des voyageurs de retour d’Italie ou de France ont également subi des protocoles médicaux de ce genre dans le Grand Tunis.
Le stade II, c’est quoi ?
Si le passage au stade II de la lutte contre la propagation du coronavirus s’est déclenché par la découverte d’un cas de contamination autochtone, le ministère de la Santé a annoncé de nouvelles mesures pour faire face à une éventuelle épidémie provoquée par ce virus, dont notamment l’avancement des vacances scolaires et universitaires, la suspension des vols et des traversées avec l’Italie, le report d’événements culturels, sociaux, académiques et sportifs et la suspension des visites et des stages à l’étranger pour les différents représentants de ministères et d’administrations.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, ce stade correspond à la découverte de foyers à différents endroits du territoire avec des regroupements de patients, appelés clusters. Le but à ce stade est de freiner la propagation du virus et de laisser le temps aux établissements de santé de se préparer pour faire face à l’épidémie et un potentiel passage au stade III. Les patients identifiés comme des cas suspects ou avérés doivent être pris en charge dans des établissements habilités pour le traitement du Covid-19. Les mesures prises à ce stade portent notamment sur la fermeture d’établissements scolaires, la limitation des déplacements, l’annulation de manifestations publiques et surtout la mise en quarantaine en cas de risque d’exposition au virus. Mais en Tunisie, jusqu’à présent on ne peut parler de foyers ou de clusters de ce virus, mais de quelques cas isolés repartis sur quatre gouvernorats : Tunis, Mahdia, Sousse et Gafsa.
Que risque-t-on en cas de non-respect du confinement ?
Les procédures et mesures médicales dans le cadre de la lutte contre le coronavirus ont été malheureusement accompagnées de certains comportements et agissements irresponsables de la part de cas suspects ou de malades atteints par ce virus. Des agissements qui ont suscité l’indignation de tous les Tunisiens dans la mesure où ils mettent en péril la sécurité et la santé de toute la population. Le ministère de la Santé, premier responsable de la gestion de cette situation de crise, ne cesse de rappeler que ces comportement sont passibles de sanctions conformément au Code pénal. En effet, l’article 312 du Code pénal relatif aux infractions intéressant la santé publique est clair à ce sujet : « Est puni de six mois d’emprisonnement et de cent vingt dinars d’amende, quiconque aura contrevenu aux interdictions et mesures prophylactiques ou de contrôle ordonnées en temps d’épidémie ». Mais selon des spécialistes en droit, l’application de cet article reste relativement difficile et tributaire des différentes situations sur le terrain, dans la mesure où il n’identifie pas les autorités compétentes qui seront chargées d’appliquer ces dispositions.
(crédit photo : Ministère de la santé وزارة الصحة)