ALORS que le pays est secoué par l’épidémie de coronavirus, onze députés de Qalb Tounès ont présenté leur démission du groupe parlementaire du parti auprès de la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple. Une démission sur fond d’intensité rarement atteinte, mais qui ne manque pas de rappeler un certain lundi 9 novembre 2015 quand 32 députés du parti au pouvoir en ce temps là, Nida Tounès, avaient démissionné pour protester contre la mainmise du fils du président Béji Caïd Essebsi sur le parti. Depuis, une grave crise interne s’est emparée du parti allant jusqu’à le reléguer aux derniers rangs au niveau de la représentation à l’ARP.
Il semble même que les démissionnaires au sein de Qalb Tounès n’aient même pas pris le temps de la réflexion. Ne se retrouvent-ils pas dans la ligne et la méthode du parti ? Qalb Tounès, qui a connu une ascension éclair, serait-il aujourd’hui en proie aux dissensions après avoir obtenu 38 sièges au Parlement lors des dernières élections législatives ? La démission de 11 députés, ayant ainsi sauté du train en marche, mais qui jette aussi un nouveau discrédit sur le Parlement, sera-t-elle pleine et entière ? Autant d’interrogations qui suscitent une autre question non des moindres : comment siégeront désormais les démissionnaires ?
Quand on parle du discrédit parlementaire et qu’on évoque les démissions sous l’hémicycle, l’on pense automatiquement à la transhumance parlementaire qui a souvent conditionné l’équilibre des forces en présence. Un petit rappel historique indique que les députés ont toujours abordé cette question sous un angle bien différent. Alors que 120 députés avaient rejeté le 18 juin 2019 la proposition d’amendement stipulant l’interdiction de la transhumance parlementaire, une première mouture qui voulait que tout député qui démissionne de son parti ou de sa coalition perde son siège, le nouveau président de l’ARP, Rached Ghannouchi, a annoncé, lors d’un discours prononcé après l’élection de ses deux vice-présidents, qu’il est temps d’amender le règlement interne de l’ARP, dans le but de mettre fin à ce qu’il appelle le phénomène du nomadisme parlementaire. Même son de cloche chez la députée de Qalb Tounès et première vice-présidente de l’ARP, Samira Chaouachi, qui avait déclaré que l’actuel parlement est appelé à interdire la transhumance parlementaire. Chaouachi considérait que la mobilité politique représente un véritable danger sur la stabilité du parlement et du pays.
Dans sa nouvelle version, le Parlement semble prématurément intégré dans la sphère des démissions. Il est soumis à tous les aléas et à toutes les contraintes. De nouvelles pratiques voient le jour et contribuent à entretenir la polémique. Cette nouvelle donne menace l’équilibre parlementaire, de surcroît par des procédures loin de pouvoir répondre aux aspirations des électeurs qui ont placé les députés là où ils sont aujourd’hui. Mais aussi et surtout par une gestion le plus souvent mal orientée. Tout ce qui entoure la vie parlementaire s’est transformé en une obsession de polémique incontournable qui occulte tout le reste.
Le point de non-retour est-il atteint à Qalb Tounès ? La rupture est-elle vraiment consommée ? Les interrogations n’en finissent pas et le parti risque de ne plus disposer que de 27 sièges au Parlement. Ce qui a poussé certaines voix à s’élever pour appeler à attiser les tensions et à réhabiliter au plus vite l’union sacrée au sein de ce parti.