L’augmentation du nombre de personnes contaminées et l’apparition de foyers de contamination étaient assez prévisibles en Tunisie, surtout que des citoyens continuent à transgresser les mesures préventives contre la propagation de ce virus mortel sur le sol tunisien dont notamment le couvre-feu et le confinement total.
C’était inévitable au vu de la situation épidémiologique, la Tunisie est passée officiellement au stade 3 de la lutte contre la pandémie du coronavirus. Ceci s’explique par l’apparition de plusieurs foyers de contamination appelés également clusters, répartis sur plusieurs gouvernorats du pays. Selon les premières données annoncées par le ministère de la Santé, au moins trois foyers de contamination ont été découverts sur le Grand Tunis: Les Berges du Lac, La Marsa et La Soukra, ainsi qu’un seul à Djerba dans le gouvernorat de Médenine.
Ces foyers de contamination ne correspondent pas à un grand nombre de cas contaminés, mais plutôt à des cas dont l’origine d’infection reste inconnue. C’est ce qu’on appelle la contamination horizontale, le cas où le patient 0 n’est pas connu, ce qui suscite un grand travail d’investigation, comme l’expliquent les différents responsables du ministère de la Santé. C’est dans ce sens que le ministre de la Santé, Abdellatif Mekki, a indiqué, hier, dans des déclarations médiatiques, que les spécialistes en maladies pandémiques délimiteront les zones de ces foyers de contamination et que « les citoyens ne pourront plus y accéder jusqu’à ce que les recherches soient effectuées à travers le suivi des cas de contamination afin d’éradiquer ce virus ». Pour lui, l’apparition de clusters ou foyers de contamination est due à un manque d’application des mesures préventives contre la propagation du coronavirus sur le sol tunisien, dont notamment le confinement. « J’appelle tous les habitants de ces zones à rester chez eux, à faire preuve de vigilance et à respecter la décision de mise en quarantaine afin de les protéger », a-t-il insisté.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au stade 3, le virus circule sur l’ensemble d’un territoire, l’objectif étant donc d’atténuer les effets de la vague épidémique. C’est l’augmentation rapide du nombre de cas qui signe le début de la vague épidémique. Le stade 3 marque l’arrêt de la surveillance individuelle des cas par l’Institut de veille sanitaire. Il s’agit alors de limiter la contagion par des mesures barrières et de réduire la charge sur le système de santé.
Le premier cluster est apparu, selon le ministère de la Santé, dans un quartier de Djerba, où un premier cas à source inconnue a été détecté. De grandes opérations d’investigation et des tests de dépistage ont été alors opérés pour remonter à la source initiale de la contamination, toute l’ile a été d’ailleurs placée en confinement général, certaines issues ont été carrément bouclées. La directrice de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes (Omne), Nisaf Ben Alya, a annoncé dans ce sens que toute l’île de Djerba a été déclarée un foyer de contamination.
A La Soukra, dans le gouvernorat de l’Ariana, le foyer de contamination serait lié à l’infection de toute une clinique privée suite à une opération chirurgicale d’un patient positif au covid-19. Fairouz Jerbi, maire de La Soukra, a affirmé, dans ce sens, que la clinique de la ville a été fermée après que des cas de coronavirus ont été détectés chez des membres du cadre médical et paramédical de la clinique. « Ces personnes ont été contaminées par un patient étranger qui a été opéré récemment dans cette clinique », a-t-elle précisé, appelant tous les habitants à se conformer aux mesures du confinement total.
Le désarroi du pouvoir local
L’annonce des ces villes comme zones et foyers de contamination a provoqué le désarroi des représentants du pouvoir local. Dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux, le maire de La Marsa, Moez Bouraoui, a réagi à l’annonce du ministère de la Santé, indiquant qu’il n’a même pas été informé par cette nouvelle avant son annonce. « Le ministère de la Santé n’a pas coordonné avec la municipalité, avant d’annoncer la nouvelle, nous n’étions pas au courant de la situation », a-t-il insisté, affirmant qu’après vérification, il s’est avéré que La Marsa renferme entre six et neuf cas de coronavirus, dont notamment des personnes de retour de l’étranger.
Idem pour la municipalité de la Soukra qui s’est montrée étonnée après avoir appris la nouvelle à travers les médias. Fairouz Jerbi, maire de la Soukra, a, en effet, fait part de son étonnement quant à la décision des autorités de classer la Soukra comme foyer de contamination « d’autant plus que trois cas seulement de coronavirus ont été recensés ».
L’augmentation du nombre des personnes contaminées et l’apparition de foyers de contamination étaient assez prévisibles en Tunisie surtout que des citoyens continuent à transgresser les mesures préventives contre la propagation de ce virus mortel sur le sol tunisien dont notamment le couvre-feu et le confinement total décrétés, il y a quelques jours par le président de la République. L’ancienne ministre de la Santé, Samira Meraï, avait d’ailleurs prédit dans un entretien accordé à «La Presse» et publiée samedi dernier le passage à la troisième phase de la propagation du coronavirus. Pour elle, tout le mal et le danger résident dans l’apparition de cas à source inconnue, ce que prouve que le virus a commencé sa propagation horizontale sur le sol tunisien. Elle avait mis en garde, dans ce sens, contre l’incapacité du système hospitalier tunisien à faire face à un flux énorme de patients contaminés en cas de généralisation de la contamination.
Chokri Hammouda a, en tout cas, évoqué les mesures préventives du Covid-19 prises par le ministère de la Santé dans les hôpitaux et la société en général. Il a évoqué à cet effet un plan de prévention réalisé en coordination avec le secteur public. Selon le responsable, la Tunisie est entrée dans une phase développée de sa guerre contre la pandémie du coronavirus, ce qui exige un partage des responsabilités de toutes les parties. De larges prérogatives seront données aux directeurs régionaux afin de prévenir la propagation du virus à une large échelle, a-t-il dit à l’agence TAP.
Jusqu’à la rédaction de ces lignes, plus de 80 cas de contamination par ce virus et trois morts ainsi qu’une guérison ont été recensés en Tunisie. Le ministre de la Santé avait mis en garde contre une catastrophe sanitaire en Tunisie si les citoyens ne respectent pas fermement les mesures préventives contre le coronavirus. « Si l’ignorance et le manque de discipline des personnes qui doivent respecter l’auto-isolement se poursuivent, la Tunisie risque une catastrophe sanitaire », avait-il averti, il y a quelques jours.
(Image par Tumisu de Pixabay )