Le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh a finalement obtenu l’aval des députés de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) qui ont voté pour une délégation de leur pouvoir législatif en sa faveur en vue de répondre aux circonstances exceptionnelles provoquées par la pandémie de coronavirus, et cela selon l’alinéa 2 de l’article 70 de la Constitution, activé par le gouvernement.
En effet, lors d’une séance plénière tenue hier, 178 députés ont voté pour la délégation au chef du gouvernement du pouvoir de publier des décrets-lois, 17 députés ont voté contre, alors que deux autres se sont abstenus. Prévue vendredi, cette plénière exceptionnelle, qui s’est tenue sous le dôme de l’ARP mais aussi à distance, pour voter ce projet de loi a misé sur la technologie pour éviter les risques de contamination parmi les députés. En dépit de quelques lacunes techniques, le vote s’est déroulé selon plusieurs modes, certains députés ont voté d’une manière habituelle, c’est-à-dire en se présentant en chair et en os, alors que d’autres ont eu recours à une application digitale ou à travers leurs adresses électroniques pour exercer leur droit de vote.
A l’ouverture des travaux, le président de l’ARP, Rached Ghannouchi, a affirmé que la tenue de cette plénière à distance, qui constitue selon ses dires une première dans le travail parlementaire, a pour objectif d’assurer la continuité de l’action parlementaire conformément aux dispositions exceptionnelles adoptées le 26 mars dernier, en raison de la pandémie de coronavirus.
Pour sa part, le chef du gouvernement, Elyes Fakhfakh, a tenu à expliquer, lors d’une allocution devant les députés, que cette délégation de pouvoirs législatifs permettra au gouvernement d’assurer pleinement ses responsabilités, soulignant l’attachement à la loi et à la Constitution, et cela en adoptant 13 décrets-lois déjà élaborés promulgués pour combattre notamment la spéculation.
«Ce projet de loi soumis au parlement explique les raisons qui sont derrière l’adoption du texte dont essentiellement la lutte contre le Covid-19. Je comprends pleinement les craintes exprimées par certains députés, mais l’institution législative bénéficie d’un pouvoir qui lui permet de contrôler l’action du gouvernement et de retirer la délégation en cas de déviation», a-t-il noté, soulignant que cette mesure ne s’inscrit pas dans une lutte de prérogatives entre le gouvernement et le parlement.
L’union nationale face à la pandémie
Si certains députés ont exprimé leurs craintes de voir le gouvernement dévier du principal objectif de cette délégation de pouvoirs, qui n’est autre que la lutte contre le coronavirus, d’autres ont souligné la nécessité de combattre ce virus dans le cadre de l’union nationale. En effet, les présidents des blocs parlementaires ont convenu lors de cette plénière que l’étape actuelle nécessite une union nationale ainsi que l’unification des positions pour faire face à la pandémie de coronavirus.
Jeudi dernier, un accord a été trouvé, rappelons-le, entre les représentants du gouvernement et les chefs des blocs parlementaires portant sur la délégation de certains pouvoirs législatifs à Elyes Fakhfakh après avoir rectifié des points et apporté des modifications relatives aux domaines d’application de ces prérogatives législatives ainsi que la durée de la délégation de pouvoir qui s’étalera désormais sur deux mois. Cet accord a largement facilité l’adoption, hier, de ce projet de loi.
La commission du règlement intérieur, de l’immunité, des lois parlementaires et des lois électorales avait pour sa part approuvé fin mars 2020 la version finale de ce projet de loi qui va permettre au gouvernement de promulguer des décrets-lois en vue de lutter contre la propagation du Covid-19 et, par là même, faire face aux conséquences de cette pandémie.
Une meilleure gestion de la crise
Le projet de loi, proposé par le gouvernement et soumis au parlement le 25 mars dernier, vise à mieux gérer la crise en accélérant la promulgation de décrets-lois visant à lutter contre la pandémie de coronavirus et à tenter de limiter ses répercussions, en hâtant la mise en place des mesures nécessaires, notamment en ce qui concerne le dédommagement des citoyens et entreprises lourdement impactés.
L’article 70 de la Constitution habilite le chef du gouvernement à légiférer, pendant un délai de deux mois, par ordonnances. Il dispose que «l’Assemblée des représentants du peuple peut, aux trois cinquièmes de ses membres, habiliter par une loi le chef du gouvernement, pour une période ne dépassant pas deux mois et, en vue d’un objectif déterminé, à prendre des décrets-lois dans le domaine relevant de la loi. A l’expiration de cette période, ces décrets-lois sont soumis à l’approbation de l’Assemblée».
Le 22 mars dernier, au début de la crise sanitaire et économique provoquée par la propagation du coronavirus, dans une adresse aux Tunisiens, le chef du gouvernement Elyes Fakhfakh avait appelé à l’activation de l’article 70 de la Constitution au regard du contexte sanitaire crucial et exceptionnel que vit le pays. Dans sa dernière interview accordée récemment à la première chaîne nationale, Elyes Fakhfakh a souligné que cette délégation de pouvoirs législatifs vise essentiellement à accélérer les mécanismes de remboursement des sociétés et des citoyens impactés par cette crise, ainsi que la mise en place de mesures et dispositifs de lutte contre le coronavirus.