Accueil A la une Affaire de l’intoxication au métahnol : Le désespoir qui tue

Affaire de l’intoxication au métahnol : Le désespoir qui tue

La région de Hajeb El Ayoun enregistre un taux très élevé de chômage parmi les jeunes

Dans le gouvernorat de Kairouan, les établissements hospitaliers se vident petit à petit de leurs compétences à cause de nombreuses défaillances et carences surtout en ce qui concerne les équipements de pointe, le staff médical et paramédical, les médicaments, les locaux exigus et les soins adéquats. Cela sans oublier les dettes auprès des fournisseurs de l’hôpital Ibn El Jazzar qui s’élèvent à 14 milliards alors que son budget annuel est de 17 milliards.

En outre, beaucoup de projets d’extension et de création de nouveaux services sont bloqués et le fameux projet de l’hôpital universitaire du Roi Salman, financé par un don de l’Arabie Saoudite, ne verra pas le jour avant 2024 dès lors que  les études techniques et architecturales ont été plusieurs fois reportées. D’où la colère des citoyens mobilisés au sein de la coordination «Winou Sbitar?».

Dans le gouvernorat de Kairouan, il y a plus de 200 points de vente illicites de bière et de vin…

D’autre part, comme il n’existe pas dans tout le gouvernorat de Kairouan de service de réanimation médicale, on continue de transférer les cas urgents vers d’autres gouvernorats mieux lotis et il arrive que les patients décèdent en cours de route. Cela, nous l’avons constaté une fois de plus, lors de la récente intoxication au méthanol  de 71 personnes dont 7 sont décédées, 42 ont été transférées vers différents hôpitaux tunisiens et 24 ont été soignées à l’hôpital El Jazzar.

Huit patients kairouanais ont été transférés à Monastir et à Sousse. Jusqu’à quand allons-nous rester dépendants des autres régions?

«Jusqu’à la réalisation de l’hôpital universitaire du Roi Salman..», a répondu le directeur régional de la santé à cette question posée par une animatrice de Sabra FM… Sans commentaire!

Assistance psychologique et matérielle aux familles endeuillées

Une commission comportant des responsables des Directions régionales de la santé et des affaires sociales s’est réunie récemment afin de mettre au point une stratégie d’intervention psychologique et matérielle pour les familles de Hajeb El Ayoun dont les enfants sont soit décédés, soit devenus aveugles. Ainsi, outre la visite de 4 spécialistes en psychologie et en psychiatrie,   ces familles démunies, dont certains membres n’ont même pas de carte d’identité, bénéficieront de cartes de soins, d’aides matérielles et autres dons.

La  délégation de Hajeb El Ayoun, située à 70 km  de Kairouan, souffre de la régression socioéconomique, de la marginalisation, de la fermeture de ses usines, du taux élevé du chômage qui touche surtout les jeunes dont 3.000 sont des diplômés, du taux important de l’abandon scolaire et du suicide et de la faiblesse de l’infrastructure de base surtout dans les villages reculés.

En outre, l’hôpital local manque de médecins, d’infirmiers, d’équipements et de médicaments.

Et même la nouvelle ambulance acquise il y a plus de 3 ans n’a jamais fonctionné, faute de personnels paramédicaux. D’où les nombreux transferts vers l’hôpital Ibn El Jazzar pour les accidentés et les accouchements difficiles.

Je ne vois pas franchement ce qui pourrait m’empêcher de succomber encore une fois à la tentation de vouloir m’échapper du réel. A moins que de nouveaux horizons m’aident à voir le bout du tunnel…

Nous avons rencontré deux jeunes rétablis après leur intoxication au méthanol afin de voir leur état d’âme suite à ce fâcheux incident.

Je ne vois pas franchement ce qui pourrait m’empêcher de succomber encore une fois à la tentation de vouloir m’échapper du réel. A moins que de nouveaux horizons m’aident à voir le bout du tunnel…

Karim, 22 ans, qui a été soigné à Tunis, nous confie  qu’il a abandonné ses études à l’âge de 14 ans et qu’il a commencé à s’initier à l’eau de cologne depuis l’âge de 16 ans  : «Quand je me réveille le matin et que je vois la misère  de ma famille qui vit sans eau et sans électricité, sans emploi stable et sans aides sociales, je me sens alors si déprimé que j’ai envie de me supprimer tout à fait. En fait, je me trouve tous les jours seul, sans aucun but, sans aucun recours… Tous les lieux me semblent hostiles… Je ne vois que des sachets  en plastique et de la poussière bien que notre délégation fourmille d’endroits paradisiaques, de sources naturelles, de Hammams à la vapeur et de vergers. Mais vu sa marginalisation par l’Etat depuis des décennies, le désespoir et la misère ont fini par l’emporter et nous voyons partout des jeunes désœuvrés. Il m’arrive de pleurer, mon cœur se vide à grands frissons de sa chaleur. Si je pouvais me suicider  ça serait mieux. Retrouverai-je un jour le sourire?  Je ne le pense pas car je  ne peux rien, ni pour moi, ni pour personne…».

A la question de savoir s’il compte sombrer de nouveau dans l’alcoolisme après avoir frôlé la mort, Karim nous répond : «Bien qu’un de mes amis qui était avec moi lors de cette beuverie nocturne ait trouvé la mort et que j’ai beaucoup souffert à l’hôpital, je ne vois pas franchement ce qui pourrait m’empêcher de succomber encore une fois à la tentation de vouloir m’échapper du réel.

A moins que de nouveaux horizons m’aident à voir le bout du tunnel…».

Son copain Ali, rétabli lui aussi mais profondément touché par l’état de deux de ses voisins devenus aveugles car leur nerf optique a été endommagé. «Le mal-vivre dans notre délégation est aggravé par les mauvaises conditions socio-économiques et par l’absence de soutien aux jeunes. C’est pourquoi  on devient de plus en plus dépendants à certains produits tels que le cirage, les diluants, la «takila» et l’eau de cologne, qui sont accessibles sur le marché et qui ne sont pas chers. S’il y avait eu des points de vente légaux de boissons alcoolisées comme cela existe dans tous les autres gouvernorats, il y aurait moins de trafiquants et de contrebandiers qui vendent dans toute les délégations d’une manière illicite ces boissons à des prix exorbitants. Sachez que dans le gouvernorat de Kairouan, il y a plus de 200 points de vente illicites de bière et de vin…

L’absence de perspectives pousse  très tôt les jeunes dans les travers de la délinquance. Ces derniers s’adonnent à la consommation de drogues avant de devenir des dealers. Un enfer à ciel ouvert.

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Un commentaire

  1. Liberte

    8 juin 2020 à 13:35

    Pour moi la CELTIA c’est la bière la plus savoureuse du monde, alors savourez et buvez avec modération. Les jeunes qui sont au chômage la bière est subventionnée par agence nationale pour l’emploi.

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