Tous les Tunisiens le savent. Notre population est certes sortie indemne des effets directs de la pandémie du Covid-19, mais les dommages collatéraux occasionnés par la bataille contre le méchant petit virus sont énormes et la guerre qui vise à en finir avec lui risque de s’étirer dans le temps.
Et comme après chaque épreuve, il devient plus que vital, pour nous, tous, d’entreprendre une bonne et sérieuse évaluation, disons post-traumatique de la situation afin de pouvoir en tirer les enseignements. Chose que ni le gouvernement ni le Parlement, occupé à se créer des querelles intestines, n’ont entreprise.
Et même si, à travers plusieurs interventions médiatiques successives, le chef du gouvernement a essayé pour sa part de tirer quelques conclusions au sortir de la crise, une évaluation sérieuse et approfondie de la situation est à entreprendre sans plus tarder.
A ces dégâts collatéraux, il faudrait ajouter tous les abcès, blessures, maladies chroniques et autres traumatismes hérités des différentes époques par lesquelles est passé le pays, qui se sont accumulés avec le temps et qui continuent de menacer l’organisme sociétal, institutions comprises, dans sa survie. Ce qui ne semble pas arranger les choses.
Sortis physiquement indemnes de ladite infection, nous nous sommes retrouvés, hélas, en plein dans une situation politique, économique, sociale et culturelle infecte. Sur le plan économique, la croissance sera pour cette année nettement négative (-4,3 selon les dernières prévisions officielles). Un coup dur qui résultera entre autres d’un environnement international lui-même en difficulté sur bien des plans, celui lié à l’économie en premier.
Trois mois de paralysie au double niveau de la production et des échanges, traversés par une grave hémorragie de dépenses nécessaires à la lutte contre le virus, ont fini, en effet, par mettre à genoux l’économie mondiale.
Le PIB mondial «diminuera, en effet de 5,2% cette année, selon la Banque mondiale, ce qui représente la plus forte récession planétaire depuis la Seconde Guerre mondiale». Pour la première fois depuis 1870, poursuit la BM, «un nombre sans précédent de pays vont enregistrer une baisse de leur production par habitant». Alors qu’en janvier dernier la BM tablait sur 2,5% de croissance.
N’oublions surtout pas qu’en contrepartie d’une petite bouffée d’oxygène pour ses finances, la Tunisie a été soumise par ses dirigeants, encore une fois, aux diktats du FMI et de ses consignes qui ne peuvent qu’aggraver la crise économique et sociale et compromettre ainsi la stabilité du pays, condition sine qua non pour la relance de l’investissement.
L’engagement pris tout récemment par le chef du gouvernement de ne plus recourir à l’endettement extérieur est plus que louable, encore faut-il avoir les moyens de l’honorer, sachant que notre pays est tenu au cours du mois courant de rembourser un important emprunt (1.260 MD) et pour les années 2020 et 2021 (un milliard de dollars environ chaque année) et que le fardeau des entreprises publique est devenu très lourd.
Rien, côté volet politique et social, n’augure de bon dans l’immédiat. En effet, l’hémicycle abritant le pouvoir législatif, censé donner l’exemple en matière de démocratie de vivre ensemble et de bonne gouvernance, s’est transformé ses derniers jours en un véritable cirque pour combats de gladiateurs.
Dans l’arène publique, la scène est non moins houleuse. Des mouvements sociaux éclatent, en effet, un peu partout dans le pays, auxquels viennent s’ajouter des gesticulations de certaines têtes brûlées conduisant des groupuscules qui poussent vers le chaos. Cela sans oublier certains médias qui versent l’huile sur le feu et des réseaux sociaux qui regorgent de fake news et d’appels à la haine et à la confrontation.
D’où la nécessité de calmer tous les jeux malsains, d’éviter de gaspiller nos énergies et d’assainir l’ambiance générale du pays. D’où la nécessité aussi de faire perdurer le formidable élan de solidarité et d’engagement citoyen, né dès le début de la crise.
Il y a lieu aussi de revoir la gestion du dossier relatif à l’éducation, à la formation professionnelle et à l’enseignement supérieur au cours de la crise engendrée par le Covid-19. Le gouvernement est tenu ici de trouver des solutions efficaces et rapides afin de remédier à l’atteinte grave au niveau de nos élèves et étudiants à la suite de la clôture, en queue de poisson de l’année académique.
Le gouvernement doit, certes, bénéficier d’une bonne trêve sociale, mais il est tenu d’élargir son champ de consultation et faire participer tout le monde au sauvetage du pays. Les professionnels de la santé ont tenu admirablement le gouvernail, donnons leur chance aujourd’hui aux professionnels du management et des finances, avec pour principal objectif de sauver nos entreprises en difficulté.