Le mouvement Ennahdha a tenu, hier, sa session exceptionnelle du Conseil de la choura, qui a été axée sur un seul point, à savoir la position politique à adopter à l’égard du gouvernement Elyès Fakhfakh en relation avec le dossier de conflit d’intérêts qui l’entoure et les possibilités d’élargir le gouvernement. En attendant la confirmation aujourd’hui lors d’une conférence de presse, le Conseil de la choura aurait décidé de charger le président du parti, Rached Ghannouchi, d’entamer des pourparlers notamment avec le Président de la République, en vue de remplacer le Chef du gouvernement Elyès Fakhfakh et fixer les mécanismes adéquats pour mettre fin à son règne.
Une réunion tant attendue si on sait que ses résultats et décisions en diront long sur la suite de la situation politique en Tunisie qui s’annonce très compliquée et même conflictuelle au vu des derniers rebondissements à l’hémicycle. En effet, à l’issue de plusieurs heures de discussions et même de divergence, le Conseil de la choura est, comme à chaque fois, passé au vote pour se décider sur le sort de l’actuel gouvernement.
Une conférence de presse est prévue aujourd’hui en vue d’officialiser cette position à l’égard du gouvernement Fakhfakh, alors que certaines voix au sein de ce Conseil ont insisté sur la nécessité d’appeler les ministres nahdhaouis à se retirer du gouvernement et d’autres ont carrément opté pour une motion de censure visant le gouvernement Fakhfakh.
Outre le scénario de retrait des ministres appartenant au mouvement Ennahdha du gouvernement, le Conseil de la Choura a également examiné la possibilité de recourir à l’article 97 de la Constitution qui concerne les mesures de retrait de confiance au gouvernement. Ce scénario évoque la possibilité de présenter une motion de censure contre le gouvernement Elyès Fakhfakh, tout en proposant son remplaçant. L’autre scénario qui a été également à l’ordre du jour de cette réunion consiste à attendre les résultats de l’enquête de la commission parlementaire sur les soupçons de conflit d’intérêts visant le chef du gouvernement Elyès Fakhfakh, mais finalement le Conseil de la choura semble avoir tranché, en appelant à remplacer Elyès Fakhfakh à l’issue de concertations avec le Chef de l’Etat.
Même si cette position s’annonce en relation avec le suivi des enquêtes sur des soupçons de conflit d’intérêts pesant sur le chef du gouvernement ayant, selon Ennahdha, indubitablement nui à l’image de la coalition gouvernementale, pour certains partis, il ne s’agit que d’une pure manœuvre politique visant à imposer les choix d’Ennahdha. D’ailleurs, c’est la position exprimée par Attayar et Echaâb qui ont tous deux insisté sur le fait qu’Ennahdha mène une opération de «chantage politique» contre le Chef du gouvernement pour inclure Qalb Tounès dans le gouvernement même si ce dernier avait explicitement annoncé son refus de faire partie de cette coalition gouvernementale.
Si Ennahdha tient en main son moyen de pression de taille pour imposer ses choix stratégiques, elle bénéficie également d’une alliance stratégique, mais précaire, formée avec le parti Qalb Tounès qui veut également régner en maître dans ce paysage politique mouvant et instable, et la coalition Al-Karama. Ennahdha, tente, en effet, de « forcer la main » à Elyès Fakhfakh pour élargie la composition gouvernementale à d’autres formations politiques, notamment Qalb Tounès et la Coalition Al-Karama. Les multiples tentatives d’Ennahdha se sont avérées vaines et face au refus catégorique du Chef du gouvernement, Ennahdha tente, à présent, une autre approche, plus radicale.
Bras de fer et équilibre des forces
Mais hier, la nouvelle session du Conseil de la choura qui a été axée, rappelons-le, sur le seul sujet, à savoir la position politique à adopter à l’égard du gouvernement Elyès Fakhfakh a été largement secouée par les derniers rebondissements politiques qui renvoient à un éventuel retrait de confiance au président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) Rached Ghannouchi. Effectivement, en coulisses, un rapprochements politique ponctuel entre Attayar et Echaâb d’une part et le Parti destourien libre (PDL) commençait à prendre forme avec pour seul objectif : retirer la confiance à Rached Ghannouchi ou du moins faire pression pour équilibrer les forces. D’ailleurs, c’est le porte-parole d’Attayar, Mohamed Ammar, qui a fait hier l’annonce, en expliquant que quatre blocs parlementaires, à savoir le bloc démocratique (Attayar et Echaâb), le bloc de la réforme, le bloc national et le bloc de Tahya Tounès ont tous entamé la procédure pour retirer leur confiance à Rached Ghannouchi.
Force est de constater que les derniers développements politiques ressemblent beaucoup plus à un bras de fer engagé entre Ennahdha et ses nouveaux alliés, et d’autre part Attayar et Echaâb qui visent à alléger la pression autour du Chef du gouvernement Elyès Fakhfakh. Ces deux nouveaux camps sont constitués sur la base des intérêts politiques et des manœuvres de chantage et de pression, car d’une part Ennahdha et Qalb Tounès se sont engagés dans une action combinée politico-juridico-parlementaire pour atteindre leurs objectifs politiques et, d’autre part, les alliés Attayar et Echaâb mettent en œuvre un plan de contre-attaque pour desserrer l’étau autour de Fakhfakh. Ce dernier semble jusqu’à présent résister aux pressions qui viennent de toutes parts et refuse d’obéir aux revendications du parti Ennahdha mais ses positions inflexibles lui seraient-elles utiles pour se défendre face à ses contempteurs et leur offensive ciblant ses soupçons de conflit d’intérêts ?
Il est à rappeler qu’après avoir montré son soutien au gouvernement, le bureau exécutif d’Ennahdha avait relevé la désunion de la coalition gouvernementale, soulignant que les soupçons de conflit d’intérêts à l’encontre du Chef du gouvernement ont nui à l’image de la coalition gouvernementale, « ce qui nécessite une réévaluation de la position du mouvement à l’égard du gouvernement et de la coalition ».