Accueil A la une Crise politique et blocage au sein du gouvernement : Ennahdha cherche à se sortir de son propre piège 

Crise politique et blocage au sein du gouvernement : Ennahdha cherche à se sortir de son propre piège 

La Tunisie connaît actuellement l’une des crises politiques les plus profondes de son histoire. Et pour cause, une divergence à tous les niveaux entre Ennahdha, d’une part, et le Chef du gouvernement et le Chef de l’Etat, d’autre part, sur fond de l’appel du mouvement de Rached Ghannouchi à changer le gouvernement, jugé anticonstitutionnel par le locataire de Carthage.


Les retentissements du nouveau rebondissement politique de taille ne font que commencer, après que le Chef du gouvernement a annoncé son intention de procéder à un remaniement ministériel imminent qui viserait uniquement les ministres d’Ennahdha. Aussi ce parti a-t-il décidé de tenir, hier soir, une nouvelle réunion exceptionnelle de son Conseil de la Choura pour étudier les derniers développements politiques, ses décisions devraient tomber aujourd’hui.

D’ailleurs, c’est le dirigeant d’Ennahdha Samir Dilou qui a fait l’annonce, n’écartant pas la possibilité d’appeler les ministres nahdhaouis à se retirer du gouvernement. Samir Dilou, qui s’est déclaré contre le retrait de la confiance au Chef du gouvernement, d’autant plus que le pouvoir judiciaire n’a pas encore statué sur le dossier du conflit d’intérêts qui le concernerait, affirme en effet que parmi les options étudiées figure bel et bien la question du retrait des ministres appartenant au mouvement Ennahdha.

En fait, la position d’Ennahdha à l’égard du gouvernement Fakhfakh et notamment en ce qui concerne les soupçons de corruption et de conflit d’intérêts qui l’entourent ne fait pas l’unanimité même au sein du temple de Montplaisir. D’ailleurs le dirigeant d’Ennahdha Mohamed Ben Salem s’est montré contre le retrait de confiance au gouvernement Fakhfakh, affirmant qu’Ennahdha aurait dû attendre les résultats des enquêtes et investigations ciblant le Chef du gouvernement avant de faire part de n’importe quelle décision ou position.

En effet, joint par La Presse,  Mohamed Ben Salem estime qu’il était préférable d’attendre les résultats de l’enquête ciblant le Chef du gouvernement concernant le conflit d’intérêts dont il est question avant d’appeler à un changement gouvernemental. Lui qui précise qu’actuellement, le pays ne pourra supporter en aucun cas un vide gouvernemental au vu de la crise économique et sociale. Evoquant également le communiqué du Chef du gouvernement ayant annoncé son intention de procéder à un remaniement ministériel, Ben Salem pense qu’il s’agit d’un pas précipité et qu’en temps de crise, il faut faire preuve de retenue. Pour ce qui est de la position du Chef de l’Etat, Mohamed Ben Salem dit avoir apprécié au début sa position qui s’attache à la stabilité gouvernementale. «Mais s’il s’avère que c’est le Président de la République qui est derrière l’idée d’un remaniement ministériel, je pense que le pays ne peut pas supporter un tel scénario».

Guerre annoncée entre Attayar et Ennahdha

Ce qui a accentué davantage cette crise dont il est impossible de prévoir l’issue, c’est sans aucun doute le conflit si profond entre le mouvement Ennahdha et le Courant démocratique. Entre les deux partis les couteaux sont tirés, échange d’accusations, absence de dialogue et blocage politique. Joint également par La Presse, Mohamed Larbi Jelassi, dirigeant au sein du Courant démocratique, a dénoncé, dans ce sens, ce qu’il a appelé «une décision et une manœuvre politiciennes» de la part du parti Ennahdha visant à «empêcher le gouvernement d’aller jusqu’au bout dans sa guerre contre la corruption et l’économie de rente». Selon ses dires, il n’y a aucune raison politique ou autres qui puisse pousser le parti de Rached Ghannouchi à appeler au changement du gouvernement. «Le parti Ennahdha veut imposer ses choix à toute la classe politique, nous ne trouvons aucune explication qui justifie son appel à changer le gouvernement, ce n’est pas à la Choura de décider de l’avenir du pays. D’ailleurs, le Chef de l’Etat a fait preuve de son attachement à la Constitution en refusant toute négociation visant à changer un gouvernement déjà en exercice», a-t-il expliqué.

Pour sa part, le ministre d’Etat chargé de la Fonction publique, de la Gouvernance et de la Lutte contre la corruption et secrétaire général du Courant démocratique, Mohamed Abbou, a fait savoir que «parmi les éventualités attendues au cours de la prochaine période est que le gouvernement Fakhfakh soit maintenu et que le mouvement Ennahdha soit dans l’opposition, et c’est ce vers quoi nous sommes en train de pousser». S’exprimant dans des déclarations médiatiques, il affirme qu’«arithmétiquement, le gouvernement pourrait rester, autrement, c’est le mal qui l’aurait emporté sur le bien». Tirant à boulets rouges sur le mouvement de Rached Ghannouchi, il a déclaré que «personne ne peut gouverner avec Ennahdha, car il n’agit pas en parti politique, mais en confrérie».

Remaniement en vue

En annonçant un remaniement ministériel imminent, le Chef du gouvernement a voulu anticiper un éventuel retrait des ministres d’Ennahdha, mais cette décision semble avoir chambardé la scène politique et brouiller totalement les cartes. Si pour Elyes Fakhfakh, il s’agit d’une manœuvre politique indispensable au vu du blocage avec Ennahdha, pour certains observateurs, il est question d’un coup de poker dont les résultats ne sont pas garantis. D’ailleurs, un débat constitutionnel a été ouvert sur fond des intentions du Chef du gouvernement qui a voulu riposter et prendre les choses en main, portant notamment sur l’éventuelle obligation d’avoir l’aval du parlement avant d’opérer ce remaniement.

En tout cas, la Constitution à travers son 92e article, autorise le Chef du gouvernement à procéder à «la cessation de fonction d’un ou de plusieurs membres du gouvernement ou l’examen de sa démission» sans en référer au Parlement. Or, l’article 144 du règlement intérieur de l’ARP mentionne le vote pour les remaniements ministériels.

Cependant, selon les constitutionnalistes, les dispositions de la Constitution priment sur le règlement de l’ARP.  

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