Fakhfakh a donc présenté sa démission. Il est le sixième chef de gouvernement à «rendre le tablier» depuis janvier 2011 .Six en un peu moins d’une décennie, c’est beaucoup. Mais, rappellent les historiens, ce sont les «moyennes révolutionnaires». Plutôt variables, instables et frileuses. Peu de révolutions «sociales-libérales», à «vocation démocratique», réussissent vite à choisir leurs gouvernants. Elles flambent généralement d’emblée, et dans leur désir de prendre revanche sur des dictatures, se trompent d’alternatives et, le plus souvent, d’élus.
Le cas de la révolution tunisienne se complique, lui, d’une opposition idéologique tenace. Modernistes contre islamistes.Laics contre religieux. Les «chapelles» sont si tranchées que toute entente, tout compromis même, demeurent improbables.
Les six gouvernements de la révolution tunisienne ont manqué d’alternative, de dirigeance, ils ont surtout failli par «clanisme» idéologique et politique. Chaque succession y était une rupture ; jamais une continuité, jamais un relais.
Nos analystes déplorent la crise économique actuelle, l’attribuant principalement à l’érosion d’un ancien système, à la corruption. Ils auraient pu y ajouter que, durant ces presque dix années de gouvernance, pratiquement aucun ministère de l’Economie, des Finances, du Commerce, de l’Industrie et des Investissements n’a pu garder place. Instabilité des décideurs. Incontinuité des idées et des projets. Et à chaque fois, le plus souvent, pour seule raison partisane. Pour un simple «choix de clan».
L’exemple de la Culture intrigue. Huit ministres déjà, et un(e) neuvième, bientôt. Les disparités idéologiques et/ou politiques ne peuvent tout expliquer. Elles ont pu compter au début, avec Bachaouech et Mehdi Mabrouk, puis en 2014, avec Latifa Lakhdar, mais pour le reste (Mourad Sakli, Sonia M’barek, Mohamed Zinelabidine et Chiraz Laâtiri), les «critères» ont sûrement différé.
Critère de compétence personnelle? Sans doute, oui. Quatre grands spécialistes, quatre grands diplômés.
Autres, de vision globale, de plan d’avenir ? Moins. Beaucoup moins.
Les courtes «échéances» ne plaident, d’abord, nullement pour les projets à long terme. Les mandats de un, deux, ou trois ans, voire de quelques mois, sont voués aux «affaires courantes». Excluent les projections, les ambitions.
Il y a ensuite le milieu des Arts et de la Culture et ses rivalités. Celles-ci jouent dans la trop rapide succession des ministres. De même que dans l’adoption et l’abandon précipités des dossiers. Les universitaires de l’ISM n’ont pas la cote auprès de la profession musicale. Et cela est reproduit dans le théâtre et la littérature. De sorte que tout changement de gouvernement est toujours une aubaine. Propice à nomination.
Les partis se positionnent en politique; presque toujours aux détriments de l’économie. De l’intérêt du pays.
Les gens de Culture ne font, hélas, pas mieux. Même schéma : ils se disputent des pouvoirs plus que des Arts. Et c’est autant de dommages pour la collectivité.