Grogne sociale à la Mornaguia : Les prisonniers de la soif !

Située à une trentaine de kilomètres de la capitale, La Mornaguia mène toujours son combat pour revendiquer l’un des droits les plus essentiels : avoir accès à l’eau potable. Une lutte qui a provoqué une effervescence sociale inédite dans cette ville rattachée au gouvernorat de La Manouba. La solution sécuritaire n’a pas tardé pour rétablir la paix, mais la grogne des citoyens assoiffés ne cesse de monter. Résultat : nombre de jeunes ont été arrêtés sur fond de protestations sociales et de blocages de routes. Fallait-il plutôt se pencher sur une solution radicale pour assurer de l’eau potable à une population dont le ras-le-bol est plus que manifeste ? En tout cas, la société civile est entrée en scène en appelant les autorités à libérer les « prisonniers de la soif » !

Comme chaque été, plusieurs localités, délégations et même des villes sont privées d’eau potable dans des conditions météorologiques et sanitaires exceptionnelles. Indispensable pour lutter contre la pandémie du coronavirus mais aussi pour combattre la canicule, l’eau devient une monnaie rare dans certaines localités à l’intérieur du pays, comme dans le Grand-Tunis. Cet été, c’est la ville de La Mornaguia qui a été considérablement touchée par les coupures fréquentes d’eau et la dégradation de la qualité de ce produit vital fourni par la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux. Ses habitants mènent, depuis plusieurs semaines, une lutte acharnée pour accéder à ce qu’ils appellent un «droit évident». Protestations, coupures de routes et confrontations avec les forces de l’ordre qui se sont trouvées bloquées entre l’enclume de la colère des habitants et le marteau de la nécessité de préserver la paix sociale, telle a été l’image, ces derniers jours, dans cette ville. Une situation qui a conduit à l’arrestation d’un nombre de jeunes notamment pour blocage de routes et atteinte à l’ordre public. Doublement sanctionnés, ces jeunes sont soutenus par la société civile qui appelle à la libération des «prisonniers de la soif».

C’est dans ce contexte tendu que la Ligue tunisienne des droits de l’Homme (Ltdh), section de La Manouba, a appelé dernièrement à la libération immédiate des personnes arrêtées dans ”l’affaire de l’eau” de La Mornaguia. La section qui a exprimé son soutien aux habitants de la délégation dans leur combat légitime pour le droit à l’eau, dénonce le recours aux solutions sécuritaires, aux arrestations et aux jugements à l’égard de citoyens qui manifestent pacifiquement.

Retour sur un épisode de tension

Pendant cet été, les habitants de La Mornaguia avaient manifesté à maintes reprises contre les coupures et la dégradation de la qualité de l’eau potable, depuis presque deux mois. Conscients que la lutte allait être longue et même interminable, ils avaient formé une coordination pour encadrer leurs mouvements de protestation et revendiquer leur droit à une eau potable de qualité. Ces habitants avaient mené des protestations pour exiger l’amélioration de la qualité de l’eau potable et le retour de l’approvisionnement de la région en eau du barrage de Béni Mtir, estimant que la qualité de l’eau a été affectée après le changement de sa source et son approvisionnement depuis Ghedir El Kolla.

D’ailleurs, une centaine d’habitants de 18 quartiers environnants avaient décidé d’entamer une grève de la faim en signe de protestation contre les coupures interminables de l’eau potable. Selon le maire de La Mornaguia, Faisal Dridi, les protestations sont pacifiques et portent sur un droit légitime, soulignant que la municipalité a déposé une plainte contre la société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede).

Pour sa part, la Sonede a expliqué que le changement de la source d’eau est causé par les travaux de renforcement du débit d’eau et que l’eau potable alimentant actuellement La Mornaguia est la même eau contrôlée qui alimente le Grand-Tunis et certaines zones de Nabeul.

Au début de l’été, la Sonede avait signalé que des difficultés de distribution d’eau potable sont attendues durant les pics de consommation dans différents gouvernorats du pays. Le réseau de distribution de la société en question fait face à d’innombrables problèmes d’usure, ce qui nécessite, selon les responsables de la Sonede, de grands budgets pour l’entretenir. En 2019, l’Instance supérieure du contrôle administratif et financier avait fait remarquer une dégradation de la qualité de l’eau distribuée par la Sonede. Ces manquements résultent de la situation difficile que connaît ladite société.

Laisser un commentaire