Accueil A la une Anas Hmaidi, président de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT), à La Presse : « Il est temps de réformer le Conseil supérieur de la magistrature »

Anas Hmaidi, président de l’Association des Magistrats Tunisiens (AMT), à La Presse : « Il est temps de réformer le Conseil supérieur de la magistrature »

Les graves accusations portées par l’Association des magistrats tunisiens (AMT) concernant le mouvement annuel dans le corps des magistrats font polémique et rouvrent le débat autour des couloirs de la justice en Tunisie. Pour l’AMT, trop c’est trop, on ne tolère plus aucun « dysfonctionnement ni manquement au principe de transparence ». Mais pour le CSM aucun dépassement n’a eu lieu.

La tension ne cesse de monter entre l’Association des magistrats tunisiens (AMT) et la Conseil supérieur de la magistrature, et pour cause, ce que l’AMT appelle des dysfonctionnements majeurs ayant accompagné le dernier mouvement opéré dans le corps des magistrats.  La situation est tellement tendue que l’AMT a décidé de briser le silence en organisant une conférence de presse en vue de dénoncer de telles pratiques et rappeler à l’ordre le CSM. En outre, on reproche à ce Conseil l’opération de ce mouvement annuel en dehors des délais légaux pour la quatrième fois consécutive, soit à la fin du mois de juillet de chaque année. « Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a, délibérément, soumis le mouvement à la présidence de la République pour être publié au Jort ces derniers jours dans une démarche visant à empêcher les magistrats de faire prévaloir leur droit de déposer des recours et qui crée un climat de conflit », a regretté dans ce sens Anas Hmaidi, président de l’AMT. Toujours selon l’AMT, « le CSM continue à opérer le mouvement des magistrats sans tenir compte des principes de transparence et de redevabilité, ceci outre la non-application des décisions rendues par le Tribunal administratif concernant les recours contre le mouvement judiciaire ».

Contacté par La Presse, Anas Hmaidi a affirmé qu’aujourd’hui, et au-delà de cette polémique, l’enjeu est de réformer la Justice, mais surtout le Conseil Supérieur de la magistrature qui n’est plus en mesure de mener à bien sa mission. « Nous estimons que le CSM ne joue plus son rôle en tant que garant du bon fonctionnement du pouvoir judiciaire et parrain des intérêts des juges tunisiens. Le CSM a dévié de sa mission et nous n’avons pas mis en place une telle structure pour qu’elle se transforme en une source d’abus, de mauvaise gestion et de flagrants dysfonctionnements », a-t-il déclaré.

Le CSM réagit

Il appelle ainsi le CSM à s’adresser aux Tunisiens et à présenter ses orientations et ses programmes en matière de réforme de la justice et d’amélioration du rendement des magistrats, se montrant inquiet face à « certaines pratiques  opaques et douteuses ». « Les Tunisiens doivent savoir comment les choses se passent dans les couloirs de la Justice, le CSM est appelé à éclairer l’opinion publique sur certaines affaires », a-t-il encore indiqué. Et d’accuser le CSM de faire une pression médiatique en vue d’appliquer certaines décisions, appelant à mettre fin aux « pratiques hors-la-loi et qui font fi de la Constitution ».

Face à ces graves accusations, les réactions du Conseil supérieur de la magistrature n’ont pas tardé. Son président, Youssef Bouzakher, a estimé qu’il s’agit d’une fausse polémique dans la mesure où le retard de l’exécution de ce mouvement dans le corps judiciaire est imputé aux circonstances sanitaires exceptionnelles que connaît le pays. Pour lui, le CSM a opéré ce mouvement en toute transparence, réfutant toute accusation de dysfonctionnement, appelant à tenir le Conseil à l’écart de tout agenda. « Il est inutile de rappeler que la Tunisie a connu des circonstances exceptionnelles et c’est ce qui explique le retard accusé dans l’exécution de ce mouvement que nous avons entamé au début du mois de juillet, soit quelques jours après la levée du confinement total. Nous tenons également à affirmer que nous n’avons aucun compte à régler, et nous appelons les parties qui nous ont accusés d’expliquer davantage leurs propos », a-t-il expliqué.

Evoquant également certaines mutations ayant eu lieu dans ce mouvement opéré dans le corps des magistrats, dont notamment celle de Ichraf Chebil, épouse du Président de la République, Bouzakher a expliqué qu’elle a été effectuée dans le cadre d’une nouvelle promotion et dans le but de combler certains vides. « Lorsque Anas Hmaidi parle d’une mutation planifiée dans des chambres noires, c’est grave. Le CSM se tient à l’écart de tous les calculs politiques et des conflits entre les confrères et nous l’appelons à clarifier ses propos », a-t-il réitéré, réfutant tout soupçon de traitement de faveur ou de complaisance.

Le mouvement annuel des magistrats au titre de l’année judiciaire 2020–2021 a été rendu public le 12 août dernier.  Ce mouvement, qui concerne le 1er, 2e et 3e rang, a été publié sur la page officielle Facebook du Conseil de l’ordre judiciaire, relevant du Conseil supérieur de la magistrature (CSP).

Les nouvelles nominations prendront effet entre juillet et septembre 2020. Certaines sont déjà entrées en vigueur en octobre et novembre 2019. Des nominations, mutations et promotions interviennent dans le cadre de ce mouvement au niveau de l’inspection du ministère de la Justice et des différentes juridictions à travers la Tunisie, le parquet, le tribunal de première instance, la Cour d’appel, la Cour de cassation, les chambres criminelles, les chambres correctionnelles, etc.

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