Dans cette affaire, c’est le traitement médiatique qui a posé problème, notamment pour la coalition Al-Karama qui s’est inscrite encore une fois dans une campagne contre les médias. N’était-il pas plus judicieux d’attendre la version du ministère de l’Intérieur qui a d’ailleurs écarté la piste terroriste ou d’un assassinat politique, avant de se prononcer sur le motif de cette agression ?
La Tunisie a-t-elle connu une nouvelle tentative d’assassinat politique ? C’est en tout cas ce que pense le bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (Arp) après l’agression du député de la coalition d’Al-Karama Ahmed Mouha. Mais selon la version du ministère de l’Intérieur, il s’agit d’un braquage à main armée, d’autant plus que les agresseurs ne connaissaient pas l’identité de leur victime.
Mohamed Mouha, député d’Al-Karama, très peu médiatisé et peu connu par l’opinion publique, a été agressé par deux inconnus munis d’un couteau sabre à l’aube du 28 septembre dernier à sa sortie d’une mosquée à Bizerte après avoir effectué sa prière.
En effet, le député, qui affirme ne pas connaître ses agresseurs, a reçu un coup au niveau de la tête lui causant de graves blessures entraînant son hospitalisation immédiate, une intervention chirurgicale et vingt points de sutures étaient nécessaires. Les agresseurs ont été rapidement arrêtés par les forces de sécurité.
D’après le ministère de l’Intérieur, qui a donné hier, mercredi, sa version des faits, les deux agresseurs ignoraient, au moment des faits, l’identité de la victime ou s’il s’agissait d’un député. En effet, selon le communiqué du département de l’Intérieur, les deux agresseurs planifiaient de commettre un braquage à main armée d’autant plus qu’ils visaient dans un premier temps les clients d’une boîte de nuit avant de prendre la direction de cette mosquée et de commettre ce forfait. «Les agresseurs ont renoncé à voler la victime au vu de la gravité de ses blessures, mais aussi suite aux cris qu’elle a lancés», a-t-on communiqué. Ainsi, pour le ministère de l’Intérieur et selon les premières données de l’enquête et les aveux des agresseurs, la piste terroriste ou celle portant sur un éventuel plan d’assassinat politique sont à écarter. Les deux agresseurs ont été, d’ailleurs, inculpés pour «grave agression à l’aide d’outil tranchant».
Pourtant, le chef du bloc parlementaire d’Al Karama, Seïf Eddine Makhlouf, criait dès le début de cette affaire au «plan terroriste visant une personnalité politique». Tenant tout de même à remercier « le chef du gouvernement, le ministre de l’Intérieur et le directeur de la sécurité générale ainsi que toutes les unités sécuritaires pour les efforts déployés afin de procéder rapidement à l’arrestation des agresseurs». Il a insisté sur le fait qu’il s’agit bel et bien d’un plan d’assassinat politique et même d’un acte terroriste.
Le bureau de l’ARP, réuni mardi dernier, a également estimé que l’agression perpétrée contre le député Al Karama, Ahmed Mouha, à Bizerte peut être considérée comme une «tentative d’assassinat politique», ajoutant qu’il s’agit d’une agression commise contre l’Etat et contre le processus démocratique dans le pays. N’était-il pas plus judicieux d’attendre la version du ministère de l’Intérieur avant de se prononcer sur cette affaire ?
Campagne contre les médias
Au fait, dans cette affaire, c’est le traitement médiatique qui a posé problème, notamment pour la coalition Al-Karama. D’ailleurs ladite coalition s’est inscrite dans une nouvelle campagne contre les médias, accusant certains journalistes et entreprises médiatiques d’avoir volontairement ignoré cette agression bien qu’elle cache une «tentative d’assassinat politique» et que leur traitement médiatique aurait été différent s’il s’agissait d’un député issu d’un autre parti politique.
Le bloc Al Karama est allé jusqu’à adresser, mardi dernier, une correspondance à la présidence de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) demandant la suspension des abonnements aux journaux qui n’ont pas couvert l’affaire de l’agression de son député, Ahmed Mouha.
La coalition Al Karama a, également, demandé à la présidence du Parlement de ne plus lui faire parvenir des copies des journaux qui ont boycotté la couverture de cette agression, que le parti considère comme une tentative d’assassinat politique. Des agissements hostiles à la liberté d’expression mais qui relèvent aussi d’une ingérence dans les choix et décisions rédactionnels de ces entreprises médiatiques d’autant plus que certains médias ont préféré attendre la version du ministère de l’Intérieur qui a en effet écarté la piste terroriste ou d’un assassinat politique, avant de traiter cette affaire.