Accueil A la une Intégration de l’économie parallèle dans le Projet de loi sur la relance économique : Enjeux et paradoxes…

Intégration de l’économie parallèle dans le Projet de loi sur la relance économique : Enjeux et paradoxes…

Les différentes lectures de ce projet de loi ne sont pas unanimes sur sa capacité à relancer l’économie, combattre la corruption et intégrer l’économie parallèle. Certains estiment même qu’il s’agit d’une tentative de « blanchiment de la corruption ».

Si la situation sanitaire ne cesse d’empirer en Tunisie, les autorités font actuellement face à une difficile période économique. Parvenir à des équilibres financiers indispensables à la continuité du fonctionnement de l’administration, se pencher sur la loi de finances complémentaire et notamment préparer la loi de finances pour l’exercice 2021 qui s’annonce une rude épreuve.

Sauf qu’un nouveau défi vient s’imposer au gouvernement Mechichi, celui de la « loi de relance de l’économie », qui fait actuellement débat au vu de certaines mesures relatives à l’intégration de l’économie parallèle. En tout cas, ce projet de loi déposé à l’ARP le 24 juillet 2020 portant sur la relance de l’économie et visant notamment à adopter de nouvelles mesures économiques et financières pour lutter contre les impacts de la crise sanitaire a été modifié et adopté hier, jeudi, par la commission parlementaire des finances. Place maintenant à la fixation d’une date pour discuter et adopter en plénière cette nouvelle loi.

Mais les différentes lectures de ce projet de loi ne sont pas unanimes sur sa capacité à relancer l’économie, même si les constats et le diagnostic sont partagés. Certains estiment même qu’il s’agit d’une tentative de «blanchiment de la corruption». Effectivement, c’est le cas du député indépendant Mongi Rahoui qui s’est fortement opposé à l’adoption de ladite loi en commission à l’Assemblée des représentants du peuple.

Le député démissionnaire du bloc démocratique explique dans ce sens que ce projet de loi vise essentiellement à « légitimer et banaliser la corruption, le blanchiment d’argent et la contrebande », et « non à soutenir le budget de l’Etat et créer de nouvelles ressources de financement ».  

Mongi Rahoui cite en particulier l’article 9 de ce projet qui permet, selon ses dires, aux «fraudeurs et contrebandiers» d’être graciés s’ils payent 10% de leur fortune. « Ces mesures ne peuvent relever que de pratiques de blanchiment de la corruption et de l’injustice fiscale », affirmant même que certains députés exercent des pressions pour faire passer le projet de loi en question. Au fait, pour Mongi Rahoui, « ce projet, même s’il impose aux acteurs du secteur informel un impôt libératoire sur les fonds non déclarés en contrepartie d’une amnistie qui leur permettrait d’intégrer le circuit organisé, suscite des doutes et consacre une certaine flexibilité envers la corruption et la fraude ».

Sauf que la commission parlementaire des finances, suite à la consultation des parties initiatrices du projet, a décidé de revoir et de modifier ces articles relatifs à la régularisation de la situation des fonds non déclarés, tout en consultant le Groupe d’action financière (Gafi) et les services de la Banque centrale pour éviter un nouveau blacklisting de la Tunisie.

Allégements fiscaux en vue

Le projet de loi relatif à la redynamisation de l’économie, à l’intégration de l’économie parallèle et à la lutte contre l’évasion fiscale avait été soumis à l’examen de la commission parlementaire des finances, de la planification et du développement par l’ancien gouvernement d’Elyes Fakhfakh.

Conçu principalement autour de plusieurs axes pour un total de 31 articles, le projet de loi vise essentiellement l’intégration du secteur informel et l’économie parallèle pour créer de nouvelles sources de financement aux caisses de l’Etat lourdement fragilisées par la crise sanitaire et économique.  Il est conçu également pour apporter de nouveaux allégements fiscaux en vue d’encourager l’investissement, lutter contre la fraude fiscale, soutenir et instaurer les mécanismes de decashing, tout en incluant des mesures au profit des Tunisiens à l’étranger. D’ailleurs, le ministre de l’Economie, des Finances et du soutien à l’Investissement, Ali Kooli, avait souligné l’importance du projet de loi proposé par le gouvernement depuis le mois de mai 2020, tout en demandant l’accélération de son examen par l’ARP, écartant toute possibilité de le retirer. Même son de cloche chez le président de la commission parlementaire des finances, de la planification et du développement, Iyadh Elloumi, qui a écarté la possibilité de retirer ce projet de loi.

Les Tunisiens insatisfaits

Ce projet de loi, accusé d’être une source de normalisation de la corruption, intervient dans un contexte où la lutte contre ce fléau fait débat en Tunisie. En effet, si cette loi sur la relance économique post-coronavirus ambitionne notamment d’inclure les fonds provenant de sources inconnues ou illégales dans les cercles économiques formels, lutter contre la corruption et l’évasion fiscale doit également accompagner ces nouveaux mécanismes légaux une fois adoptés.

N’empêche que la lutte contre la corruption émane de toute une culture en Tunisie, d’autant plus qu’à cet effet, les Tunisiens n’ont pas confiance en les pouvoirs publics. A la fois victime et responsable de la corruption et de la contrebande dans le pays, le Tunisien pense, selon un sondage réalisé par le cabinet One To One, que les performances du gouvernement sont insuffisantes dans la lutte contre la corruption. 63% de nos concitoyens affirment que le niveau de la corruption a augmenté « quelque peu » ou « beaucoup » durant 2020 et que pour 71% d’entre eux la corruption constitue encore un problème majeur dans le pays.

Charger plus d'articles
Charger plus par Khalil JELASSI
Charger plus dans A la une

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *