Accueil Actualités Décès d’un citoyen dans la démolition d’un kiosque anarchique à Sbeïtla : A qui la faute ?

Décès d’un citoyen dans la démolition d’un kiosque anarchique à Sbeïtla : A qui la faute ?

Comme à l’issue de chaque drame en Tunisie, un long débat s’ouvre autour des responsabilités à assumer jusqu’à ce que l’affaire se calme et n’intéresse plus ou peu l’opinion publique. La tragédie de Sbeïtla ayant coûté la vie à un homme suite à la démolition d’un kiosque anarchique dans lequel il dormait nous rappelle ce triste constat. A qui la faute ? Pourquoi sommes-nous arrivés à une situation où la vie humaine est facilement exposée à de tels risques? Que faut-il faire pour éviter que ce genre de drame ne se reproduise plus ?

L’incident est tellement grave, choquant et injustifié que plusieurs médias internationaux ont rapporté l’histoire de ce père de famille qui a perdu la vie écrasé sous les décombres d’un kiosque anarchique démoli, alors qu’il y dormait, par la police municipale. Si les différents intervenants se sont désengagés de toute responsabilité dans cette affaire, les décisions sont immédiatement tombées : gouverneur, délégué et autres responsables démis, arrestation du chef de la police municipale à Sbeïtla et ouverture d’une enquête pour revenir sur les circonstances de ce drame ayant provoqué une vive tension et même des affrontements dans cette délégation.

Au fait, cette tragédie ne fait que rouvrir le débat autour de l’application de certaines procédures en Tunisie, mais surtout autour de l’expérience des collectivités locales en relation avec les autorités régionales et centrales. Si le gouverneur démis de ces fonctions a réfuté toute responsabilité dans cette affaire, allant jusqu’à publier sa conversation avec le maire de Sbeïtla, ce dernier affirme ne pas être au courant du timing de l’exécution de ces décisions. En tout cas, selon le ministre de l’Intérieur, dépêché par le chef du gouvernement sur les lieux, seule la justice est habilitée à trancher, d’autant plus que les différentes parties réfutent toute responsabilité dans cette affaire. En effet, en déplacement à Kasserine, le ministre a indiqué avoir ordonné d’engager une enquête « sérieuse » pour déterminer les responsabilités et dévoiler toute la vérité sur cet incident tragique. « Sur les plans constitutionnel et juridique, seule la justice est habilitée à trancher cet incident et à rendre des jugements », a-t-il encore expliqué.

Sauf que quelques heures après, la justice a ordonné la mise en garde à vue du chef du poste de la police municipale de Sbeïtla. En effet, c’est le juge d’instruction près le Tribunal de première instance de Kasserine qui a ordonné, mardi soir, de le placer en garde à vue après son interrogatoire sur la mort de ce citoyen. Une enquête a été ouverte pour « meurtre prémédité », a laissé entendre le porte-parole de cette juridiction.

Si la décision de démolition vise à consacrer le respect des règles légales en matière de construction, son exécution pose toujours problème en Tunisie. Qui est habilité à émettre ce genre de décision ? Comment sont-elles appliquées ? Sont-elles soumises à un protocole d’exécution particulier ?

Que dit la loi ?

Selon la législation tunisienne, dont notamment le Code des collectivités locales, le président de la commune est compétent pour accorder les autorisations d’occupation du sol, les décisions de lotissement, les permis de bâtir et les permis de démolir en l’occurrence. L’article 258 dudit code autorise en effet le président de la commune de délivrer les permis de construction, de lotissement et de démolition sur avis des commissions techniques compétentes et conformément à la législation relative à l’aménagement et à l’urbanisme sous réserve du respect du principe de la libre administration. Il est procédé à la convocation des représentants de tout ministère ou entreprise publique concerné par l’autorisation. Le président de la commune prend sa décision dans un délai ne dépassant pas un mois à compter de la date de réception de l’avis de la commission. Sauf que le code de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme autorise également le gouverneur à émettre et exécuter des décisions de démolition sans délai, tout en ayant recours à la force publique. « Dans tous les cas où une construction est érigée sans permis ou si elle est érigée sur un terrain issu d’un lotissement n’ayant pas fait l’objet d’une demande d’approbation ou dans des zones nécessaires à la réalisation de la voirie, et réseaux divers, des 58 places publiques et des espaces verts, le gouverneur ou le président de la municipalité, selon le cas, est tenu d’inviter le contrevenant pour audition dans un délai maximum de trois jours à compter de la date de notification de sa convocation sur chantier et ce, par l’intermédiaire des agents cités à l’article 88 du présent code, et de prendre par la suite un arrêté de démolition, de l’exécuter sans délai en ayant recours le cas échéant à l’assistance de la force publique et de procéder à tous les travaux nécessaires aux frais du contrevenant », stipule l’article 84 dudit code.

Vu leur sensibilité, l’exécution de ces décisions impliquent en effet la présence de la force publique, de la police et notamment la police municipale, un organisme qui n’est pas toujours sous tutelle des conseils municipaux. La Confédération tunisienne des maires avait d’ailleurs appelé à placer cet organisme sous tutelle des conseils municipaux pour garantir  l’application de la loi et le respect des décisions municipales, notamment en matière de lutte contre les constructions et les étalages anarchiques dans les différentes régions du pays

Le chauffeur de la tractopelle sort du silence

On ne sait pas toujours tout sur le drame survenu à l’aube du mardi dernier à Sbeïtla. Sauf que le témoignage du chauffeur de la tractopelle ayant exécuté la décision de démolition, a apporté quelques éléments de réponse aux circonstances de ce drame. En effet, livrant son témoignage, cet agent municipal a expliqué qu’au moment de l’exécution de cette décision, cinq autres agents municipaux étaient chargés d’inspecter les lieux avant de lui donner le signal et de procéder à l’ordre de démolition. « Je ne procède à l’acte de démolition que lorsqu’on me donne le signal », a-t-il insisté.

Dans la nuit de lundi à mardi dernier, les autorités locales de Sbeïtla ont procédé, rappelons-le, à l’application d’une décision de destruction d’un point de vente illégal de journaux et de tabac. Or le père du propriétaire dormait à l’intérieur. Il meurt au cours de cette opération. Son fils explique que les agents de la municipalité n’ont pas vérifié si le kiosque était vide.
Dans des déclarations médiatiques, il a même accusé le maire d’avoir demandé un pot-de-vin de deux mille dinars pour pouvoir construire ce kiosque.

Des manifestations se sont déroulées mardi à Sbeïtla, où plusieurs habitants ont bloqué les routes et sont entrés en affrontement avec les forces de l’ordre. Les forces armées ont dû intervenir pour sécuriser les établissements sensibles.

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