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La déchirure !

L’Assemblée des représentants du peuple s’est transformée hier en champ de bataille. On s’y attendait depuis que la tension est montée d’un cran suite à l’intervention du député Al Afès où il s’en est pris aux acquis de la femme tunisienne en la rabaissant, en l’insultant et en la traitant d’une manière trop humiliante. Au nom de la liberté d’expression, les autres membres de sa coalition ont haussé le ton et menacé de s’en prendre à tous ceux qui ont fustigé sa position à l’égard des femmes. Mais la polémique a tourné au combat. On en est venu aux mains hier à l’hémicycle. Tout le monde s’est indigné d’assister à un combat de coqs alors que la crise sociale et économique bat son plein en Tunisie. En voyant les problèmes économiques et sociaux relégués au second plan, plusieurs Tunisiens ont manifesté leur colère sur les réseaux sociaux et les plateaux télé. Pourtant, la mosaïque politique peu harmonieuse au sein de l’ARP est l’expression du peuple qui s’est traduite à travers leur vote lors des dernières élections législatives. Son choix avait enchanté les gagnants, étonné les observateurs et choqué les perdants. Cependant, quel que soit le sentiment qu’on éprouve, on n’a pas d’autres choix que de s’incliner devant le verdict des urnes.  Certes, il faut être dupe pour croire que les députés des différentes sensibilités politiques vont barboter dans un bain de miel. Mais faut-il pour autant baisser les bras et se laisser gagner par le désespoir ? Au contraire, il faut accepter ce qui s’est passé pour mieux aborder la phase qui va suivre. Car en démocratie, tout est possible. Il n’y a pas un seul choix, une seule alternative. Un bon démocrate doit accepter le fait que élus se détournent de lui et s’expriment autrement que selon ses aspirations. Et ce qui s’est passé hier est le pur fruit du vote des Tunisiens. Ce n’est pas un autre peuple qui a voté pour nous. C’est notre peuple, nos propres concitoyens et parmi eux nos frères, nos sœurs, nos parents. Mais si les résultats ont été ce qu’ils ont donné, c’est qu’il y a des électeurs, et ils sont nombreux, pour ne pas dire la majorité, qui ont choisi de rompre avec les idées, les habitudes et les comportements du passé. Autrement dit, le peuple a choisi le changement. Un changement de gouvernants, de discours et de style de gouvernement. Pour cela, il a sacrifié la plupart des partis classiques sur l’autel des promesses «révolutionnaires», «islamistes» ou «populistes».  Certes, ce changement est loin d’être rassurant étant donné la diversité des couleurs politiques où les hérauts des idées modernistes et centristes n’y figurent pas en pole position. Mais il ne faut pas oublier que les nouveaux élus sont dans l’obligation de mettre en œuvre le mandat qu’ils ont reçu du peuple au profit du peuple sans exclusion aucune. Et non pas à passer leur temps à se chamailler, à se cogner dessus. Et parce que la Tunisie en a besoin, ces élus devront s’acquitter de leurs devoirs dans un esprit d’union et de fraternité. Le pays a envie de souffler, de respirer une brise d’air frais. Et on a besoin de reprendre espoir pour des lendemains meilleurs afin que le pays reprenne des couleurs et retrouve sa superbe. Car ce qui s’est passé, ne doit pas être perçu comme la victoire d’une Tunisie contre une autre. Mais encore une fois, une victoire, l’unique, non pas celle des hommes mais celle de la démocratie. Celle des valeurs qui nous unissent, celle de l’idéal qui nous rassemble. Il s’agit donc de tout mettre en œuvre pour que les Tunisiens par-delà leurs partis, leurs croyances, aient toujours envie de se parler, de se comprendre pour que le pays se remette en mouvement. Cet incident déplorable à tous points de vue ne doit pas être un alibi pour se laisser enfermer dans l’intolérance et le sectarisme. Au contraire, il faut qu’il nous pousse à nous ouvrir aux autres, à ceux qui ont des idées différentes, à ceux qui ont d’autres convictions. Car c’est ça la démocratie et c’est pour cela qu’elle ne doit pas nous faire peur.

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