Accueil A la une Tension inédite et violence inouïe au parlement : Les Tunisiens regrettent-ils leurs choix électoraux ?

Tension inédite et violence inouïe au parlement : Les Tunisiens regrettent-ils leurs choix électoraux ?

Le Dr Khaled Abid, historien et analyste politique, pense que «ce qui se passe au Parlement ne renvoie pas à son rôle en tant que législateur, ces séquences interminables de tension ne font que priver l’ARP de toute légitimité auprès des électeurs», explique-t-il à La Presse. Et d’ajouter que «les électeurs tunisiens vont sanctionner au terme des prochaines élections, si elles étaient tenues, non seulement les élus, mais tout l’actuel processus politique».

Hier, sous la coupole du Bardo, toutes les limites ont été dépassées, les images que nous observons sur nos écrans attestent que l’institution législative n’est plus habilitée à poursuivre sa mission dans ces conditions.

Durant ces dernières semaines, on ne faisait que retarder la crise, qui a explosé, malheureusement, hier, lors d’une plénière consacrée au vote des différents articles de la loi de finances pour l’exercice 2021. En effet, le sang a coulé à l’Assemblée des représentants du peuple lorsque des députés de la Coalition Al Karama s’en sont violemment pris à ceux du Courant démocratique, dont notamment Anouar Bechahed qui a été agressé sauvagement au niveau du visage.

Effectivement, le visage ensanglanté, le député a accusé ceux qu’il qualifie de «terroristes», faisant allusion aux députés d’Al Karama, de l’avoir violemment agressé lors d’une réunion de la commission de la Femme qui discutait les récentes déclarations polémiques du député d’Al-Karama Mohamed Affas. Pas seulement, la députée Samia Abbou a été également agressée et elle était par terre comme on pouvait le voir dans des scènes surréalistes, diffusées en direct notamment à travers les smartphones des députés, qui témoignent de l’anarchie qui règne au Parlement. Sur fond de cette violence inouïe, le vice-président de l’Assemblée, Tarek Ftiti, a été contraint de lever la plénière qui votait pourtant les différents articles du projet de loi de finances 2021.

De mémoire d’homme, c’est pour la première fois qu’on voit ce genre de scènes s’emparer du Parlement, même aux temps de la crise de 2013, la violence et la tension n’ont jamais atteint un tel niveau dangereux à l’ARP. Car, en effet, en suivant la récente actualité parlementaire et les dernières plénières consacrées à la discussion des budgets des différents ministères, mais aussi le projet de loi de finances pour l’exercice 2021, de nombreux Tunisiens ont certainement regretté leurs choix électoraux. Discours extrémiste, accusations et contre-accusations, insultes, gestes ignobles et même violence extrême, l’Assemblée des représentants du peuple, qui n’a jamais donné l’exemple en matière d’entente et de consensus, s’enfonce de plus en plus dans une crise politique, mais surtout morale.

Ce nouvel épisode de tension et de cacophonie parlementaires trouve ses origines dans les propos, le moins qu’on puisse dire, extrémistes et dangereux du député de la Coalition Al-Karama, le très controversé Mohamed Affas. En effet, il y a quelques jours, en présence de la ministre de la Femme, de la Famille et des Personnes âgées, ce dernier ne s’est pas abstenu de traiter les mères célibataires  de «traînées et de femmes violées», avant de développer un discours misogyne et hostile à toutes les libertés personnelles, se disant attaché à «l’application des dispositions islamiques». D’ailleurs, cette intervention a provoqué une tension inédite sous le dôme de l’ARP, au point que plusieurs députés l’ont accusé d’adopter la doctrine de Daech et d’être un partisan des terroristes. C’est dans ce sens que le député du parti Echaâb, Salem Labyedh, a accusé Mohamed Affas d’avoir contribué à l’envoi des jeunes dans les zones de conflits et notamment en Syrie.

Au fait, les déclarations polémiques de Mohamed Affes ont été l’objet de plusieurs altercations entre les députés Al Karama et les autres députés dont notamment ceux du Parti destourien libre. En effet, une réunion exceptionnelle du bureau du Parlement était prévue hier pour condamner ces propos, sauf qu’elle a été empêchée par les députés Al Karama, affirme Abir Moussi, la présidente du PDL, dans une vidéo transmise en direct via Facebook. D’ailleurs, plusieurs partis et organisations nationales ont condamné ce genre de propos prononcés pourtant lors d’une séance plénière. L’Association des femmes démocrates ainsi que l’Union nationale de la femme tunisienne ont fermement condamné les propos dudit député. «Ces déclarations renforcent le dénigrement et la stigmatisation faits à l’encontre des femmes. Il s’agit d’une banalisation des réalisations des Tunisiennes et une atteinte aux droits humains et aux conventions internationales», a-t-on indiqué dans le communiqué.

Le Dr Khaled Abid, historien et analyste politique, pense que ce qui se passe actuellement au Bardo prive l’institution législative de toute légitimité aux yeux de l’opinion publique tunisienne mais surtout dans les rangs des électeurs. «Malheureusement, ce qui se passe au Parlement ne renvoie pas à son rôle en tant que législateur, ces séquences interminables de tension ne font que priver l’ARP de toute légitimité auprès des électeurs», explique-t-il. Et d’ajouter que «les électeurs tunisiens vont sanctionner au terme des prochaines élections, si elles étaient tenues, non seulement les élus, mais tout l’actuel processus politique».

Le Dr. Khaled Abid va jusqu’à dire que ces formes d’anarchie qui se sont installées au Parlement auraient des «retombées désastreuses» sur toute la population dans la mesure où, selon ses dires, il existe actuellement une rupture totale entre ce qu’il appelle la Tunisie réelle et la Tunisie officielle. «Aujourd’hui, nous avons une population affaiblie, fatiguée et appauvrie qui représente la Tunisie réelle et qui n’a aucun lien avec la Tunisie officielle représentée par l’ARP, les partis politiques, le gouvernement et les responsables officiels, c’est un grand fossé entre les deux Tunisies», soutient-il, dans une déclaration à La Presse.  

Obscénités et grossièretés

Ceux qui ont suivi la plénière de dimanche dernier, consacrée au démarrage de la discussion du projet de loi de finances pour l’exercice 2021, ont certainement observé le bas niveau de nos élus. Accusations et contre-accusations, diffamation, accrochages verbaux, grossièreté et même gestes ignobles de nos députés ont encore une fois touché le fond. C’est dans ce contexte tendu que l’élue du bloc national Mariem Loghmani s’est dite victime d’un geste ignoble commis, dimanche dernier, par un député de la Coalition Al-Karama dans le hall principal du Parlement à la suite d’un accrochage verbal.

En vérité, ce qui s’est passé lors de ces derniers jours sous la coupole du Parlement n’est pas une première en soi. Pire encore, il constitue malheureusement la continuité d’un mauvais épisode de tension et d’altercations de bas niveau. En effet, l’enceinte parlementaire a, toujours, été le théâtre de vives altercations entre députés. Mais observer des scènes aussi choquantes sous le dôme de l’ARP finira par désespérer les Tunisiens de cette classe politique et de sa capacité à susciter l’espoir et à ramener la confiance. Pourtant on s’attendait à une nouvelle année parlementaire qui rompe avec les formes d’anarchie et les agissements de bas niveau observés dès les premiers jours de travail de la deuxième législature.

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2 Commentaires

  1. Moorouf

    8 décembre 2020 à 13:55

    Quand on a la pensée façonnée et l’identité colorée, autrement dit, quand en se laisse façonner l’intellect, le loup devient doux et le mouton devient dangereux. Même MOHAMED, benidiction et paix à lui,était accusé de sorcellerie…. Et de monteur. Libérez vous du colonialisme intellectuel et identitaire. Et seulement si vous êtes libérés vous atteindrez la vérité. Mais pour atteindre la vérité vous devrez vous libérer de vos illusions.

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  2. Agatacriztiz

    10 décembre 2020 à 07:22

    Les tunisiens n’ont qu’à continuer à se mordre les doigts, lors des élections législatives, ils n’avaient qu’à se rendre aux urnes et voter… Et voilà le résultat.

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