Vendredi dernier, on a cru au dénouement de la crise qui a mis à mal tout l’appareil judiciaire lorsque l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a annoncé la signature d’un accord avec le gouvernement, mais quelques heures plus tard, le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) annonce son refus catégorique de l’accord en question !
Grève, tension, accusations et contre-accusations, appareil judiciaire paralysé et autres, la Justice tunisienne ne connaît certainement pas ses meilleurs jours. Après l’affaire d’échanges d’accusations entre deux hauts magistrats, voilà que le troisième pouvoir s’enfonce dans une crise sans issue.
En effet, tout a commencé par une grève de cinq jours à travers laquelle les magistrats voulaient interpeller la branche exécutive sur les conditions détériorées dans lesquelles ils s’activent. Mais après un mois, l’appareil judiciaire est toujours à l’arrêt alors que les intérêts des Tunisiens sont mis en jeu. Au début, l’image ressemblait à un bras de fer entre les magistrats, d’une part, et le ministère de la Justice et la présidence du gouvernement, d’autre part, mais progressivement, la situation s’est transformée en une véritable crise impliquant plusieurs acteurs.
Vendredi dernier, on a cru d’ailleurs au dénouement de la crise qui a mis à mal tout l’appareil judiciaire lorsque l’Association des magistrats tunisiens (AMT) a annoncé la signature d’un accord avec le gouvernement, annonçant également la fin de la grève. Mais quelques heures après, le Syndicat des magistrats tunisiens (SMT) annonce son refus catégorique de l’accord passé entre l’Association des magistrats et le gouvernement et a décidé de poursuivre la grève observée depuis le 16 novembre dernier.
Selon la présidente dudit syndicat, les magistrats ont été unanimes à rejeter cet accord le qualifiant d’inconséquent et en deçà de leurs attentes.
Au fait, le SMT fustige son exclusion de la discussion de cet accord, signalant «l’absence de nouvelles solutions dans le texte de l’accord», faisant observer que le montant qui sera alloué à la mutuelle des magistrats n’est autre que des dettes du gouvernement envers cette structure. Pour le syndicat, la grève, toujours en cours, ne concerne pas les exceptions relatives aux demandes de libération, aux visites des détenus ainsi que les affaires de terrorisme et de corruption économique et financière et les affaires pressantes.
Retour à la case départ ?
L’accord signé vendredi entre le gouvernement et l’AMT avait pourtant annoncé la fin de cette crise.
C’est en tout cas ce que confirmait le président de l’AMT, Anas Hamadi, en annonçant la levée de la grève des magistrats. S’exprimant en conférence de presse, Hamadi a appelé tous les magistrats à reprendre leur travail dans les tribunaux à partir d’aujourd’hui. Il s’est d’ailleurs félicité de l’accord passé avec le gouvernement qui garantit, selon ses dires, la protection sanitaire et l’adaptation de la situation financière des magistrats aux standards internationaux.
Cet accord avait pourtant bénéficié de l’appui de plusieurs structures de magistrats, à l’instar de l’Association des magistrates tunisiennes, l’Union des magistrats de la Cour des comptes et l’Union des magistrats administratifs. Mais suite à la réaction du syndicat, on redoute un retour à la case départ, d’autant plus que l’activité de la branche judiciaire est toujours paralysée.
A son tour, l’Association tunisienne des jeunes magistrats a également rejeté cet accord, appelant les juges à poursuivre leur grève. Dans un communiqué rendu public, l’Association appelle le gouvernement à s’adresser aux juges en tant que pouvoir et non pas de simples fonctionnaires rattachés au ministère de la Justice. Idem pour les agents judiciaires qui ont appelé également à la poursuite de la grève jusqu’à satisfaction de leurs revendications. «Cela ne nous engage en rien», postait sur sa page Facebook Hattab Ben Othman, patron du syndicat des agents judiciaires, annonçant que leur grève se poursuivra.
Revendications légitimes, mais !
Les agents judiciaires avaient décrété une grève ouverte il y a un mois, ils réclament notamment l’homologation des diplômes des agents et cadres du ministère de la Justice ainsi que des primes liées à la nature de leur travail.
Au fait, cette division syndicale ne peut que nuire aux intérêts des juges mais aussi des Tunisiens. Jusqu’où peut aller cette situation d’absence d’entente ? En tout cas, pour le gouvernement l’affaire est close, en signant cet accord avec l’AMT, le Chef du gouvernement affirmait qu’il s’agit d’un accord définitif. Or, la divergence syndicale dans la branche judiciaire met à mal tout l’appareil de la justice, notamment dans ces conditions exceptionnelles que connaît le pays.
En vérité, si les revendications des juges sont amplement légitimes, notamment en ce qui concerne les conditions de travail «désastreuses» dans les tribunaux en plus de la détérioration de leurs conditions matérielles et du retard observé dans le traitement du dossier de la réforme judiciaire, ce blocage du pouvoir judiciaire ne bénéficie en rien à personne. La voix de la sagesse doit primer pour, en effet, trouver une issue à cette crise inédite.