Aujourd’hui, tout a changé. Des enfants sont exposés à différentes formes d’agression, allant du harcèlement à l’abus sexuel, en passant par les agressions physiques de toutes sortes qui ont des impacts funestes sur leur évolution psychologique et physique.
Le problème de la protection de l’enfance se pose avec acuité en Tunisie. Dans ce contexte, plusieurs cas de viol ont été enregistrés. On peut citer, à titre d’exemple, celui de l’Ariana où une fillette autiste a été violée par cinq individus. De nombreux jeunes, âgés entre 28 et 33 ans, ont pris pour cible une fille souffrant d’autisme, samedi dernier, pour la violer. Cette mésaventure du viol collectif de la fillette autiste a engendré un scandale. Finalement, les violeurs ont été arrêtés par la brigade de lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, relevant de la sûreté nationale de l’Ariana. Pour avoir plus d’informations sur la recrudescence des viols, nous avons contacté Mihyar Hamadi, délégué général à la Protection de l’enfance, qui a confirmé que ce drame est désastreux et que l’enquête est encore en cours. Actuellement, l’affaire est confiée à la justice. Le responsable a révélé que l’acte d’agression sexuelle sur l’enfant a des conséquences sur son équilibre psychologique, ce qui nécessite une prise en charge de la victime.
Accompagner la victime
Il est nécessaire d’accompagner psychologiquement la victime car elle passe par une phase délicate. «Ce qui compte pour nous, estime notre interlocuteur, c’est l’état psychologique de l’enfant et de ses parents». Le responsable a ajouté que les services de protection de l’enfance ont été contactés pour prendre les dispositions nécessaires en vue d’éviter à l’avenir de pareils incidents. . Cependant, cet acte constitue un crime puni par la loi et passible de poursuites judiciaires. Cet événement n’est pas nouveau en Tunisie, mais il prend de plus en plus d’ampleur. En effet, les délégués à la protection de l’enfance ont reçu 17.449 signalements d’agression durant l’année 2018 dont 1.184 sont à caractère sexuel. Par contre, 17.506 signalements ont été enregistrés en 2019 sur des filles et des garçons. A noter que 59% des enfants faisant l’objet de signalement durant l’année 2018 se trouvaient à leur domicile contre 17% dans la rue et 13% dans des établissements éducatifs. Les parents ou l’un des deux ont été les principales sources de menace à raison de 68%.
Selon le délégué de l’enfance, «dans ce contexte, nous avons organisé une campagne digitale. Vu la situation de la Covid-19, on a essayé de travailler sur des actions à travers notre page facebook «Délégué à la protection de l’Enfance» (DPE), accessible à tout le monde. Par ailleurs, on a produit trois vidéos sur les mécanismes de protection contre l’exploitation économique des enfants ainsi que sur les prérogatives du délégué à la protection de l’enfance».
Et d’ajouter : « Des campagnes de sensibilisation ont été conçues en faveur des enfants. Dans tous les cas, ce genre de viol reste un crime puni par la loi». En adoptant la loi organique n°2017-58 du 11 août 2017 relative à l’élimination de la violence à l’égard des femmes, le législateur est parvenu, sans nul doute, à donner effet à l’engagement de l’Etat, inscrit à l’article 46, alinéa 4 de la Constitution, de prendre « …les mesures nécessaires en vue d’éliminer la violence contre la femme », contribuant ainsi à prémunir la dignité humaine de la femme, de l’enfant, de la famille et de la société tunisienne dans son ensemble contre toutes les formes de violence.
Que dévoile la loi ?
Dans son étude critique parue le 11 août 2017 et intitulée «La protection pénale de l’enfant dans sa nouvelle loi organique», Hatem Kotrane, professeur à la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales, a confirmé le point de départ, en l’occurrence l’acte de viol qui a eu lieu au Kef. Cette affaire avait suscité l’émotion dans notre pays à la suite de la décision du Tribunal du Kef d’arrêter les poursuites engagées contre un homme ayant violé une fillette de 13 ans, qui est par la suite tombée enceinte. A noter que l’article 227 bis du Code pénal prévoit une peine d’emprisonnement de six ans pour celui qui fait subir un acte sexuel à un enfant de sexe féminin âgé de moins de quinze ans accomplis, en ajoutant toutefois que «le mariage du coupable avec la victime arrête les poursuites ou les effets de la condamnatio».
La loi organique prévoit également une peine de prison pour les abus sexuels à l’encontre des mineurs de sexe masculin. Toutefois, à l’issue de l’examen, le 4 juin 2010, du troisième rapport périodique de la Tunisie sur l’application de la Convention des droits de l’enfant, le Comité des Nations unies des droits de l’enfant avait relevé «que l’article 227 bis du Code pénal, qui interdit de faire subir même sans violence l’acte sexuel à un enfant… ne fait référence qu’aux enfants de sexe féminin et ne protège donc pas expressément les garçons contre pareil acte». Le Comité, en conséquence, «…recommande à l’Etat partie… d’amender l’article 227 bis du Code pénal afin d’interdire expressément de faire subir—même sans violences l’acte sexuel aussi bien aux filles qu’aux garçons… ». Quant à la peine de mort, elle a été remplacée par une peine de réclusion de 20 ans et est portée à la réclusion à perpétuité dans les cas les plus graves, à savoir quand le crime de viol est commis avec violence, usage ou menace d’usage d’arme ou avec l’utilisation de produits, pilules, médicaments narcotiques ou stupéfiants.