Accueil A la une L’affaire Nabil Karoui entre instrumentalisation politique et lynchage médiatique : Laisser la justice faire son travail !

L’affaire Nabil Karoui entre instrumentalisation politique et lynchage médiatique : Laisser la justice faire son travail !

Face aux différentes réactions, le bureau politique de Qalb Tounès a rappelé, dans une conférence de presse tenue à l’ARP, que le mandat de dépôt émis à l’encontre du président du parti, Nabil Karoui, «n’est pas une inculpation en soi, mais une garde à vue temporaire pendant laquelle l’intéressé bénéficie toujours de la présomption d’innocence». 

Si, en Tunisie, on parvient à tenir les affaires de justice à l’écart de l’instrumentalisation et des tiraillements politiques, la tension qui ne cesse de s’installer au sein du paysage médiatico-politique s’atténuera considérablement. En effet, dix ans après la Révolution, les politiciens et partis politiques ne parviennent toujours pas à se tenir à l’écart des affaires judiciaires. Prises de position, commentaires, accusations et contre-accusations et autres, le pouvoir judiciaire est, en effet, continuellement exposé aux tiraillements politiques.

L’affaire Nabil Karoui représente le parfait exemple de cette flagrante ingérence dans les affaires du pouvoir judiciaire déjà secoué par une crise en interne marquée par une divergence syndicale. Si cette affaire remonte à plusieurs mois, elle avait été toujours au centre de l’instrumentalisation politique notamment pendant la dernière phase électorale. Aujourd’hui, nous vivons dans les mêmes logiques de cette dangereuse instrumentalisation des affaires judiciaires, ce qui met à mal tout le pouvoir judiciaire. Les réactions à l’arrestation du président du parti Qalb Tounès, Nabil Karoui, dans une affaire de soupçons de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale viennent renforcer malheureusement ce constat. Alors que son arrestation intervient dans le cadre d’une mesure préventive et qu’il bénéficie toujours du principe de présomption d’innocence, les réactions politiques ont surgi de partout pour s’ingérer dans cette affaire de justice toujours en cours.

D’ailleurs, l’organisation «I Watch», l’ONG qui avait porté plainte contre Karoui pour soupçons de blanchiment d’argent, a alerté contre des pressions politiques pour accéder au dossier judiciaire de Nabil Karoui. En effet, dans des interventions médiatiques, le président de l’ONG Achref Aouadi a affirmé que «De hauts responsables dans l’Etat ont tenté de contacter l’organisation pour avoir accès au dossier de Nabil Karoui», appelant à tenir la justice en dehors de ces tiraillements politiques.

Qalb Tounès réagit

S’exprimant surtout sur  les réseaux sociaux, certaines figures politiques ont rapidement réagi au mandat de dépôt qui a été émis, rappelons-le, dans la matinée de jeudi dernier à l’encontre de l’homme d’affaires et politicien fondateur de Qalb Tounès, Nabil Karoui, dans une affaire de soupçons de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale.

Les premières réactions à l’arrestation du patron de la chaîne Nessma TV parviennent de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) où des députés se sont prononcés sur l’affaire Nabil Karoui, chacun selon sa position et ses intérêts. C’est dans ce contexte que le député Yassine Ayari était le premier à s’exprimer à cet égard ou plutôt à se féliciter de l’arrestation de Karoui, remerciant dans ce sens le Chef du gouvernement Hichem Mechichi.  

Que voulait dire Yassine Ayari ? Que peut-on comprendre de tels propos ? Le pouvoir judiciaire en Tunisie est-il aux mains de la branche exécutive? Existe-t-il une ingérence politique ou au contraire une couverture politique qui instrumentalise certaines affaires judiciaires ? En tout cas, à maintes reprises, le Chef du gouvernement avait insisté sur le principe d’indépendance de la justice, d’ailleurs, le dernier accord signé avec les représentants de ce secteur allait dans le sens de la protection des juges contre toute forme d’influence politique ou économique.

Pour sa part, et toujours dans le cadre de cette ingérence politique injustifiée, Hichem Ajbouni, député du Courant Démocratique, s’est également félicité de cette arrestation s’interrogeant même s’il s’agissait des «prémices d’une libération de la justice du joug des politiciens». Au fait, plusieurs députés et personnalités proches d’Attayar se sont montrés satisfaits de cette arrestation, alors que l’accusé est innocent jusqu’à preuve du contraire, un principe de base des différents systèmes judiciaires dans les pays dits démocratiques.

Face à ces réactions, le bureau politique de Qalb Tounès, a tenu une conférence de presse, toujours à l’ARP, dans laquelle il a indiqué que le mandat de dépôt émis à l’encontre du président du parti, Nabil Karoui, «n’est pas une inculpation en soi, mais une garde à vue temporaire pendant laquelle l’intéressé bénéficie toujours de la présomption d’innocence». Condamnant fermement «les campagnes médiatiques menées sur les réseaux sociaux dans le but de tenter d’orienter et d’influencer le processus de justice», le parti a réitéré sa totale confiance en le pouvoir judiciaire.

N’empêche que le leader de premier rang de ce parti Iyadh Elloumi a accusé auparavant quelques parties du Courant Démocratique d’avoir accès au dossier judiciaire de Nabil Karoui. En effet, lui qui soutient que «l’affaire de Nabil Karoui était une affaire politique par excellence», laisse savoir que le parti Attayar avait reçu en primeur les conclusions des rapports d’expertise sur fond duquel a été arrêté la président du parti Qalb Tounès. «Nabil Karoui est victime d’une grande escalade politique et médiatique», a-t-il martelé, insistant que le président de Qalb Tounès avait droit à un procès équitable.

Idem pour le président du bloc parlementaire de Qalb Tounès Oussema Khelifi, qui avait affirmé que Nabil Karoui est «politiquement ciblé». «Karoui a toujours fait face à un harcèlement, d’ailleurs, on l’a privé de mener sa campagne électorale pour la présidentielle», a-t-il rappelé, laissant présager que certaines parties politiques sont derrière son arrestation.

Lynchage sur les réseaux sociaux

Outre cette instrumentalisation politique qui commence à aller dans tous les sens, Nabil Karoui fait l’objet d’un acharnement et même d’un lynchage notamment sur les réseaux sociaux, or il bénéficie toujours de sa présomption d’annonce.

En effet, on compte par milliers les réactions qu’a suscitées l’arrestation de Nabil Karoui. Sur les réseaux sociaux, il a été littéralement lynché et accusé de corruption, de blanchiment d’argent et d’évasion fiscale. Or, l’affaire n’est qu’à ses débuts. C’est, en tout cas, ce qu’a laissé entendre le membre de son comité de défense Maître Nazih Souii affirmant, lui aussi, que des pressions politiques sont à l’origine de l’arrestation de son client. Souii qui a qualifié la décision prise par le juge d’instruction du pôle judiciaire financier d’émettre un mandat de dépôt à l’encontre de son mandataire d’«inattendue» et souligne que le dossier de son client ne concernait pas le blanchiment d’argent.

Retour sur les faits. Le juge d’instruction du pôle judiciaire économique et financier a convoqué jeudi matin le président de Qalb Tounès Nabil Karoui pour être entendu dans l’affaire de suspicion de corruption et blanchiment d’argent. Plus tard dans la journée, un mandat de dépôt a été émis à son encontre.

Son arrestation intervient, en effet, dans le cadre de l’enquête sur l’affaire dans laquelle les frères Karoui sont accusés de crimes de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale et de fraude. La plainte avait été déposée depuis septembre 2016 par «I Watch». Nabil Karoui avait été libéré le 9 octobre 2019.

Il avait fait l’objet, le 23 août 2019, d’une arrestation préventive dans cette affaire, puis avait été libéré en attendant la fin de l’inspection ordonnée par le juge d’instruction chargé de cette affaire.

Selon certaines sources, cette inspection sollicitée par la justice a montré des irrégularités compte tenu des avoirs de Nabil Karoui et notamment l’existence de grandes sommes d’argent de source inconnue, d’où son emprisonnement, chose qui a été démentie par son comité de défense.  

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