Accueil A la une Adnane Ben Halima, vice-président chargé des relations publiques pour la région Méditerranée de Huawei-Afrique du Nord, à La Presse : « La cybersécurité est notre priorité absolue »

Adnane Ben Halima, vice-président chargé des relations publiques pour la région Méditerranée de Huawei-Afrique du Nord, à La Presse : « La cybersécurité est notre priorité absolue »

La polémique enfle autour de la 5G et les enjeux de cybersécurité s’y rapportant. Pour faire la lumière sur ce sujet, La Presse a sollicité M. Adnane Ben Halima, vice-président en charge des relations publiques pour la région Méditerranée au bureau régional de Huawei Northern Africa, qui a piloté la mise en place de plusieurs nouveaux réseaux 2G, 3G, 4G, THD fixe et plateforme Cloud avec les opérateurs télécoms de plusieurs pays du continent pour débattre de la question.

Peut-on revenir sur les débuts de Huawei en Tunisie ?

Nous sommes installés en Tunisie depuis 1999 et on y a célébré l’année dernière les 20 ans de Huawei. Nous avons eu un parcours assez intéressant dans le pays car au cours des 20 dernières années, les services fournis à nos partenaires locaux ont beaucoup évolué.

Huawei-Tunisie emploie 200 personnes, la plupart sont des ingénieurs. D’ailleurs, Huawei apprécie énormément la qualité des ingénieurs tunisiens. C’est pour cela qu’à part les ingénieurs destinés au marché tunisien, Huawei emploie aussi un groupe d’ingénieurs qui travaillent pour les pays voisins. C’est-à-dire que Huawei emploie des ressources humaines qui sont formées sur les technologies Huawei et qui sont capables de travailler dans d’autres pays, étant donné leurs compétences techniques, leur maîtrise des langues, leur faculté d’adaptation aux autres cultures et leur culture d’entreprise assez enracinée leur permettant de développer les projets de Huawei un peu partout.

En Tunisie, nous sommes partenaires avec les trois opérateurs. On a fourni plusieurs technologies : 2G, 3G, 4G, ADSL, etc.

Pourquoi la Tunisie ?

Au fait, Huawei est implantée dans 170 pays dans le monde. On fournit la téléphonie et l’infrastructure dans pratiquement tous les pays du monde. C’est tout naturellement que nous nous sommes installés en Tunisie également.

Comment se présente la situation à l’échelle du continent africain ? Quels sont les besoins en matière de nouvelles technologies ?

La situation diffère d’un pays à l’autre, il y a des pays où on trouve la 3G, la 4G et même la 5G comme en Afrique du Sud. Il y a des pays qui, comme la Tunisie, ont la 4G et préparent la 5G. Mais il y a des pays qui viennent à peine de lancer la 4G, à l’instar de la Mauritanie.

Cette différence est liée à plusieurs facteurs. L’on citera le pouvoir d’achat, la capacité d’accès aux « Devices » (smartphones, tablettes, etc.), à l’électricité dans certains pays et au niveau éducatif des personnes. Nous sommes donc dans une phase technologique qui dépend de l’ensemble de ces facteurs dans chaque pays.

Qu’offre le 5G ?

Elle apporte trois choses simultanément. La 5G offre un débit beaucoup plus important. On parle d’un débit dix fois supérieur à la 4G. Elle permet aussi des connexions en temps réel avec une latence quasi nulle. Dans certaines applications en temps réel, nous avons besoin par exemple d’actionner des objets à distance sans latence, sans délai.

Cela est très utile dans des scénarios B to B pour commander des machines à distance, pour piloter des voitures à distance ou si un chirurgien veut commander un robot à distance pour un acte chirurgical.

Un délai de quelques secondes dans de pareils cas peut causer des accidents ou le décès d’un patient. C’est donc un point très important pour la 5G. Certes, il faut encore quelques années pour parfaire ces solutions mais c’est un exemple des possibilités offertes par la 5G.

La télémédecine est d’ores et déjà possible pour lire des radios, offrir des consultations à distance. Pour le reste, il faut attendre aussi l’adaptation du cadre législatif aux évolutions technologiques. A titre d’exemple, pour les voitures autopilotées, il faut changer la signalisation, adapter le cadre réglementaire en matière de responsabilité civile, etc.

C’est donc la maturité de l’écosystème qui pourrait définir si ces use cases sont applicable sur le terrain ou non.

Enfin, la 5G offre aussi la possibilité de connexions à grande échelle. Auparavant, on parlait de connexion entre les personnes. Maintenant même les objets peuvent se connecter entre eux. Cela va engendrer une hausse exponentielle. Pour sept milliards de personnes sur la planète, il y a plus de cent milliards d’objets dans le monde. Du coup, le nombre de connexions entre les personnes et les objets entre eux sera gigantesque. Seul la 5G permettra cela. Elle est très utile dans le B to B pour la gestion, la logistique, le transport, etc. Les objets vont communiquer entre eux de façon intelligente. Ce sont les possibilités que la 5G offre et qui toucheront à tous les secteurs : le transport, l’éducation, la santé, les smart-cities, les finances, etc. Le digital est transverse dans tous les domaines et c’est pour cela qu’il prend plus d’ampleur et est mis sous les projecteurs.

Et pour la Tunisie ?

Au fait, le trend technologique est inévitable et la 5G sera prête dans peut-être deux ou trois années, car cela dépend de l’écosystème, de la disponibilité des devices sur le marché, de l’accessibilité des prix, des scénarios d’application, de la disponibilité de la bande passante, de la disposition des opérateurs à investir, etc.

Quel est le bilan de la 4G en Tunisie et pensez-vous que l’écosystème est favorable à la migration vers la 5G ?

Le bilan de la 4G en Tunisie est très positif. Nous observons une consommation exponentielle de la data chez les Tunisiens. Le chemin est donc clair, surtout qu’en Tunisie, la connectivité fixe a encore des lacunes, la connectivité mobile allège la pression sur le fixe.

A ce jour, la 4G peut encore faire l’affaire. Il y a certes quelques goulots d’étranglement qu’il faudra débloquer mais je pense qu’il faut se préparer pour migrer vers la 5G pour pouvoir profiter de cette bande passante plus importante. A mon avis, nous avons encore du temps avant de lancer la 5G.

Huawei a la réputation d’être un fournisseur très bon marché. Est-ce que cela ne risque-t-il pas d’affecter la qualité des équipements et des produits ?

Je ne sais pas d’où vient cette réputation, peut-être sur la partie device car on a révolutionné le monde des smartphones. En effet, nos téléphones sont d’une qualité exceptionnelle à des prix abordables. D’ailleurs, on a fait un bond exponentiel et on est classé deuxième sur le plan mondial. L’évolution a été très rapide grâce à la qualité de nos produits qui provient de l’avancée technologique.

En effet, Huawei investit énormément dans la recherche- développement. D’ailleurs, nous avons plus de 94 mille ingénieurs qui ne font que la recherche-développement. Et chaque année, Huawei investit plus de 15 milliards de dollars en recherche-développement. C’est le vrai secret de la réussite de Huawei, ce qui permet d’avoir une longueur d’avance sur les concurrents et permet de construire ce rapport de confiance avec nos clients, développer et préparer des produits très rapidement et être fort sur le développement de nouvelles fonctionnalités. D’ailleurs, en termes de brevets déposés, Huawei est extrêmement active.

Mais en termes de sécurité, est-ce que les infrastructures et les devices Huawei sont fiables contre les cyberattaques, les intrusions et autres failles ?

Je peux vous répondre à deux niveaux. Le premier se rapporte à notre niveau de collaboration avec les organismes internationaux de standardisation. Nous avons des laboratoires dans lesquels on expose nos produits pour qu’ils soient homologués selon les normes requises à Berlin, à Bruxelles, à Londres, pour tester en toute transparence la qualité de nos produits externes de cybersécurité.

Par exemple, en 2019 nous avons eu 385 demandes acceptées par le 3GPP, ce qui a fait de Huawei le plus gros contributeur, en termes de brevets, pour renforcer la cybersécurité dans le monde.

Nous essayons d’être le plus transparent possible, le plus conforme aux standards et de créer même de nouveaux standards de sécurité. On a des brevets déposés auprès des organismes internationaux mandatés à cet effet.

C’est ce que nous faisons pour valider nos produits. Mais en même temps, le test grandeur nature qui démontre la fiabilité de nos équipements provient de ces trois milliards d’utilisateurs qui transitent sur des réseaux Huawei existant dans 170 pays à travers le monde. A ce jour, il n’y a aucun incident de cybersécurité lié à des équipements Huawei dans ces pays.

Nous croyons fermement que les Ntic jouent un grand rôle dans la vie des personnes, que ce soit au niveau privé ou au niveau professionnel. Et cette demande est en train d’augmenter en volume horaire et en volume de consommation data. Du coup, nous portons beaucoup d’attention à la protection des utilisateurs et des équipements et on les place en tête de nos priorités absolues. Cela passe avant tous nos intérêts commerciaux. La cybersécurité, c’est notre ligne rouge. Depuis des années, nous avons tout un système à travers lequel on gère la cybersécurité et celui-ci compte plusieurs volets. Cela va de la bonne gouvernance aux règles en passant par les process, la recherche-développement, la logistique, la fabrication, les services et l’intégration des clients, la traçabilité, les ressources humaines. Nous sensibilisons nos ingénieurs pour augmenter leur prise de conscience et leur capacité à gérer ce genre de risque, sans parler des opérations d’audit qui se font de manière continue.

Concernant la gouvernance de la cybersécurité à Huawei, on a ce qu’on appelle le GSPO qui est la plus haute instance de contrôle et qui rapporte directement au CEO de Huawei.

C’est ainsi que nous avons gagné la confiance de nos partenaires. Ils ont des compétences tout à fait capables de gérer les réseaux et des ingénieurs capables de détecter des problèmes ou des failles. Nous refusons la remise en cause de nos capacités et de nos talents qui exercent dans 170 pays de par le monde. Nous préférons franchement parler de faits réels et techniquement palpables plutôt que tenir un discours politique nuisible à l’ensemble de l’écosystème. Je tiens par ailleurs à souligner que nous sommes ouverts pour travailler avec tout type d’entreprise à travers le monde sans considération de nationalité, qu’elle soit américaine ou autre, chose que nous faisons déjà d’ailleurs. Nous considérons chez Huawei que plus l’écosystème est riche de par sa diversité, plus il pourra évoluer et performer.

Mais est-ce que vous avez à Huawei cette culture de la protection des données personnelles et privées ?

Quand je parlais de cybersécurité, je ne parlais pas uniquement d’attaques ou de failles sur les réseaux. La cybersécurité pour nous est également la fiabilité des réseaux, la fiabilité et la protection des informations. C’est un volet qui englobe tout cela où la lutte contre les cyberattaques ne représente qu’un des volets. Encore une fois, la cybersécurité est notre priorité absolue. Les réseaux construits au profit des opérateurs sont livrés clés en main à nos clients. Nous n’avons plus accès à eux sauf mandat spécifique visant à effectuer des opérations via un process clair et rigoureux. Nous n’avons plus accès à des réseaux que nous avons construits et livrés à nos clients.

En matière d’intelligence artificielle que peut ajouter cette nouvelle tendance à l’économie tunisienne ?

L’intelligence artificielle peut nous permettre d’être plus efficace, de traiter les informations d’une façon plus rapide et d’anticiper des risques. Jusqu’à maintenant, on se base sur des compétences humaines pour traiter des informations et des données mais avec ce flux de données qui nous bombarde, il faudra automatiser, avoir des outils d’aide à la décision et pouvoir prévoir des évènements. Par exemple, en matière de circulation, il y a des algorithmes qui peuvent prévoir les goulots d’étranglement, ce qui permettra aux mairies d’envisager la construction de nouveaux ponts ou de nouvelles routes.

Quelles sont les autres activités de Huawei qui ne sont pas connues en Tunisie ?

Notre métier de base est le travail des infrastructures avec les opérateurs, l’autre volet ce sont les projets pour les organisations et les entreprises de grande ou de moyenne taille, telles que les banques, les ministères. Le 3e est la téléphonie. Nous avons également des programmes sociaux à travers lesquels nous essayons de dynamiser l’écosystème en faisant un focus sur l’éducation. Que ce soit à travers les programmes Tech 4 all, ICT Academy ou seeds of the future, nous ne lésinons sur aucun moyen pour promouvoir la formation des talents.

Bien sûr, en période Covid nous avons participé à la lutte contre la pandémie et  accompagné la Tunisie dans sa transition digitale. Ce n’est plus un choix, c’est un trend mondial. Il y a une course entre les pays en matière de nouvelles technologies et une transformation profonde des économies dans le proche avenir. Prendre ce virage est très important. C’est un must et une opportunité. Si nous prenons cette direction comme étant une ligne stratégique, nous pouvons nous transformer et booster notre croissance.

Le time to market pour avoir ces technologies en place n’est pas long. Notre croissance est faible car notre économie est classique. Il faut la moderniser à travers la technologie. En faisant cela, on peut enfin jouer notre rôle de hub régional. Notre situation géographique nous le permet. Nous sommes au Sud de l’Europe, au Nord de l’Afrique et à deux pas du Moyen-Orient. Le continent africain est très demandeur et la Tunisie doit savoir en tirer profit.

Quels sont les projets phares de Huawei pour les années à venir ?

Nous continuerons à avancer main dans la main avec nos partenaires locaux. Les Tunisiens sont des consommateurs gourmands en data, il y a donc un travail à faire pour stabiliser les réseaux. La période de confinement a été un accélérateur montrant à quel point nous étions dépendants de l’infrastructure numérique. Cette période a également montré que la digitalisation était une opération simple, contrairement à d’autres types d’infrastructures comme les routes, l’électrification ou les ports, qui représentent des investissements lourds et qui exigent du temps pour atteindre les objectifs assignés.

Ce qui s’est passé pendant le confinement et les projets qui ont été mis en place, on aurait mis des années pour décider de les faire en temps normal. La concrétisation pourrait être rapide. Il y a des secteurs qui doivent profiter de cette évolution technologique et l’éducation à distance en fait partie.

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