Inadmissible! Comment est-ce possible qu’aucun effort sérieux d’évaluation n’a été effectué à l’occasion du Xe anniversaire des événements de janvier 2011, appelés « Révolution du peuple tunisien » qui, en Tunisie, ont notablement changé le cours de l’histoire de notre pays et participé à moult changements dans la région arabe ?
Des événements qui ont fait vibrer de larges franges de la population, qui se sont parfois accélérés de façon à désarçonner plus d’un observateur vigilant et bien outillé, plus d’un expert chevronné. Des événements ayant déclenché un processus de changement parfois prononcé si ce n’est radical, dans plusieurs domaines, qui semble aujourd’hui grippé et qui ont eu un coût humain, économique et social qui reste à calculer et qui, à première vue, ne pourrait qu’être excessif pour ne pas dire exorbitant ?
Comment alors ne pas avoir procédé à cette opération vitale. Une évaluation approfondie qui aurait débouché sur un débat national aurait dû être effectuée à très haut niveau et dans un cadre très solennel à la lumière d’un travail méticuleux d’un groupe d’experts chevronnés, et ce, afin de pouvoir mesurer le chemin parcouru, tirer les leçons et proposer aux décideurs des solutions capables de sauver le pays d’une faillite totale imminente.
Débat qui aurait pu, entre autres, donner naissance à un nouveau pacte national. Un laboratoire de recherche ainsi qu’un centre de documentation spécialisé auraient dû, par ailleurs, voir le jour. Un excellent documentaire aussi. Et ce n’est pas l’imagination qui manque aux Tunisiens pour l’élaboration de mille et un projets dans ce sens.
Et évaluation ne veut pas dire, ici, un travail de mémoire, et d’analyse historique des événements, mais un travail d’analyse approfondie des causes ayant déclenché lesdits événements ainsi que les causes, internes et externes, ayant abouti à notre situation actuelle. Et ce ne sont pas les experts qui manquent.
Cela laisse réellement perplexe. Pas même un petit débat national. Aucune instance officielle n’a pris la peine de créer l’événement dans ce sens. Absence scandaleuse d’un débat général au sein de l’Assemblée des représentants du peuple.
Des impressions, rien que des impressions et des avis, généralement négatifs et dont la plupart sont sous influence. Plusieurs observateurs avertis vous le diront, une terrible machine de propagande à agendas hostiles aux intérêts du peuple tourne à plein régime depuis 2011.
Rien. Silence radio ! Un ou deux colloques organisés par la société civile, les traditionnels mini-dossiers de presse comportant des témoignages de spécialistes, que les médias publient chaque année à la même période depuis 2012, quelques essais publiés, aux prix décourageants, pour un peuple qui ne lit pas et puis c’est tout. A provoquer la déprime d’un héros au faîte de sa gloire.
Il est vrai que la notion d’évaluation, pourtant vitale, n’a apparemment jamais constitué une composante de notre culture qui brille par le manque de rigueur et l’absence de la notion de planification. Sachant que l’évaluation est une composante essentielle et incontournable de toute planification.
Prenons l’exemple de la catastrophe qui s’est abattue, en mars dernier sur nous et qui continue de sévir, à cause de la pandémie provoquée par le nouveau virus à couronnes. Aucune évaluation sérieuse du bien-fondé des décisions prises le mois cité et pourquoi elles ont pris la forme que nous avons subie, n’a été effectuée. Elles ont pourtant provoqué une vraie catastrophe économique et sociale dans notre pays.
Revenons aux événements de janvier 2011 et leur suite. Le bon sens recommande pourtant d’entreprendre une telle action d’évaluation d’un vrai tsunami social et politique. A moins que nos responsables n’aient pas senti le besoin d’une telle initiative, occupés comme ils le sont à gérer notre quotidien. Un quotidien qui va déterminer notre avenir avec, hélas, des méthodes d’hier.
Il est vrai que le pays patauge aujourd’hui dans le flou et que la plupart de ses rêves au lendemain du 14 janvier 2011 ont été brisés. Dégoûté, abattu, envahi par le désespoir et l’absence d’horizons, le peuple semble comme quelqu’un qui se rend compte qu’il a été encore une fois le dindon de la farce. Que de déceptions aux lendemains de l’indépendance. Idem pour l’après 7-Novembre 1987. La coïncidence du 14 janvier, avec le démarrage d’un confinement total de quatre jours pour une énième phase de lutte contre la flambée de l’infection par le coronaires, a participé, pour sa part, à focaliser sur l’instant. Mais les opérations d’évaluation démarrent généralement des mois à l’avance et les deux pouvoirs concernés (L’exécutif, le présidentiel et le législatif) sont en place depuis plus d’une année et possèdent chacun les outils nécessaires pour les réaliser à temps et dans les règles de l’art.
La violence nocturne et les pillages qui se sont déclenchés à la veille de la date anniversaire constituent une illustration réelle à la faillite dont nous n’avons cessé de parler ici même, la faillite, morale, intellectuelle, sociale et économique qui nous attend si nous ne procédons pas au sauvetage du pays. Et toute action de sauvetage doit être précédée d’un diagnostic méticuleux de la situation.