Seuls les simples d’esprit peuvent croire que c’est la « révolution», qui est responsable de tous les problèmes qui ont rendu la vie dure aux Tunisiens, depuis 2011, et que c’est elle qui a fait que le pays soit aujourd’hui exposé à un grave danger, celui d’une faillite totale.
Faillite, car nous avons dépassé le stade de dépendance chronique dans lequel nous baignons depuis de longues décennies pour nous retrouver à deux doigts de perdre notre souveraineté. Faillite totale, politique, économique, sociale, intellectuelle et morale. Et aucun sauvetage de l’économie n’est possible en dehors d’un sauvetage global.
Nous sommes, donc, aux antipodes des espoirs nés à la suite de la chute, en janvier 2011, du régime qui était en place. Plus de pauvreté, plus de chômage, moins de sécurité, instabilité politique inquiétante et moins de paix sociale. Nous sommes tout simplement dans une nouvelle forme de guerre civile avec comme issue possible la libanisation du pays.
Entendons-nous tout de suite sur le concept. La « révolution »n’est pas une entité sociale qui décide et qui agit. Elle n’est qu’un cataclysme social et politique survenu grâce à un concours de causes et qui enfanta une nouvelle situation, fortement instable, caractérisée par de grands conflits, laquelle situation continue d’empêcher la réalisation des aspirations légitimes du peuple tunisien. Pire, elle est en train de les détruire.
La «révolution », comme chacun le sait, à été la réaction sociale à l’asphyxie dont le peuple était victime depuis des décennies. Une réaction à d’énormes dysfonctionnements qui n’aurait pas eu lieu si ces derniers ne se sont pas accumulés.
Une réaction fortement attendue surtout après la répression des mouvements sociaux survenus en 2008 dans le sud du pays, qui a été canalisée puis facilitée par des forces extérieures, essentiellement américano-sionistes, dans le but de créer une région arabe encore plus dépendante d’elles, entièrement soumise à l’Etat sioniste et en conflit ouvert avec l’Iran.
D’autres forces extérieures, principalement la France, ont rejoint le terrain considéré, depuis plus d’un siècle et demi, comme leur chasse gardée, afin de retarder encore l’intégration maghrébine avec un œil sur la Libye et ses immenses richesses énergétiques et afin d’écarter le bouillonnant Kaddafi, principal rival en Afrique subsaharienne.
Pour l’Occident, la Tunisie doit rester fortement dépendante de lui. Pour des raisons politiques, économiques et civilisationnelles, elle doit rester un poste avancé pour la domination de l’Afrique et un laboratoire pour la région arabe, et ce, en plus de son statut de marché intéressant, de producteur de certains produits appréciés, de pépinière pour les compétences et comme destination presque gratuite pour touristes démunis.
La «révolution du peuple tunisien» n’a pas eu lieu. La grossesse a été interrompue. Cela s’appelle avortement. La «révolution» a été avortée et c’est sa mort qui est responsable de la situation actuelle du pays et non elle.
Le peuple est entré en ébullition à partir du 17 décembre 2010. Au cours de la première quinzaine de janvier, des slogans politiques sont venus s’ajouter aux slogans à caractère socioéconomique.
La réaction, qui a été essentiellement sociale et sans leaders visibles, avait subitement pris un caractère politique. Le 13 janvier le pouvoir perd la partie et le 15 janvier un changement eut lieu à la tête du régime qui, il faut le rappeler, avait déjà perdu sa légitimité depuis des années.
Le changement cité s’est déroulé, rappelons-le, d’une manière ne pouvant laisser aucun doute sur l’existence d’une intervention étrangère. Celle-ci va conditionner tout le processus révolutionnaire qui a démarré depuis. Des forces étrangères ont fait que ce processus se soit rapidement transformé en un processus de transition démocratique censé placer le pays sur l’orbite du progrès.
C’est donc commettre une absurdité dans le raisonnement et une erreur méthodologique en sciences sociales si l’on s’amuse à comparer deux époques qui, à première vue, paraissent bien distinctes, alors qu’elles sont en réalité intimement liées.
L’échec presque total du processus révolutionnaire trouve ses causes dans ce qui prévalait avant son déclenchement, dans l’expression par les Tunisiens de leurs frustrations qui se sont accumulées tout au long de plusieurs décennies, dans les calculs des forces extérieures, mais aussi dans l’action de tous les perdants.
Laurent FRENTZ
11 février 2021 à 10:09
M/ Allani,
vous faites grand cas de la France, davantage préoccupée par la stabilité de la Tunisie que par une volonté délibérée d’empêcher une grande intégration maghrébine. Les causes sont internes, ne cherchez pas de boucs émissaires aux maux qui assaillent le pays et que nous cherchons à résoudre ensemble.