Les scandales sanitaires et environnementaux se succèdent en Tunisie. Après les affaires des déchets italiens et des semences avariées et autres, le député Badreddine Gammoudi révèle un nouveau scandale environnemental qui, selon ses dires, met en danger la santé des Tunisiens.
A Béja, et plus précisément à Testour, ville qui abrite le plus grand barrage en Tunisie, celui de Sidi Salem, la surprise était grande, lorsque le président de la commission de lutte contre la corruption, Badreddine Gammoudi, a rendu une visite d’inspection à cet édifice. Déchets toxiques, cadavres d’animaux, saletés et eaux infectes, le constat de la désolation était grand pour ce député, qui ne cesse de révéler des affaires de corruption.
Au fait, pour lui, il s’agit d’un «crime contre l’humanité» commis à l’encontre des Tunisiens, d’autant plus que ce barrage approvisionne en eau potable Tunis, le nord-est, la région du Sahel et Sfax. Le député, qui crie au scandale sanitaire, affirme avoir constaté que les eaux usées et non traitées de la station d’assainissement de Béja sont déversées dans ce barrage.
Sur sa page Facebook, Badreddine Gammoudi a pointé du doigt le gouverneur de Béja, le ministre de l’Agriculture, le PDG de l’Office national de l’assainissement ainsi que le délégué régional à l’agriculture, compte tenu de ce qu’il appelle un crime contre les Tunisiens et contre l’environnement.
Il affirme que pratiquement tous les barrages tunisiens sont alimentés en eau d’assainissement comme notamment celui de Sidi El-Barrak à Béja. «C’est du terrorisme, c’est un crime contre les Tunisiens», s’est-il désolé.
« Il est temps que chaque partie assume ses responsabilités dans ce dossier, que ce soit aux niveaux régional ou central, c’est-à-dire le gouverneur de Béja, les directeurs régionaux de l’agriculture et de l’assainissement et les directions centrales à Tunis», a-t-il averti. Et d’appeler le ministère public à ouvrir une enquête dans cette affaire, ajoutant que les terres adjacentes, en majorité des champs de blé et d’orge, sont arrosées à partir des eaux polluées de ce barrage.
Quid de la qualité des eaux de barrages ?
La Tunisie, qui demeure un pays aride, s’est lancée depuis son indépendance dans la construction de barrages qui a permis une meilleure gestion des ressources hydriques. Les barrages tunisiens sont aujourd’hui gérés par la direction générale des barrages et des grands travaux hydrauliques (Dgbgth). Ce sont en majorité des barrages en terre et la majorité de ces barrages se trouvent dans le nord. Le barrage Sidi Salem est l’un des plus importants barrages en Tunisie, avec une capacité de 555 millions de m3. En effet, avec une hauteur de 57 mètres, une longueur en crête de 340 mètres pour une surface de réservoir de 4.300 hectares, il constitue le plus grand barrage du pays.
Sauf que la protection et le contrôle des barrages en Tunisie posent problème. Plusieurs associations et composantes de la société civile ne cessent de mettre en garde contre la dégradation de la situation environnementale dans nos barrages et de la qualité des eaux collectées.
D’après les analyses d’échantillons des eaux de boisson, réalisées par la Direction de l’hygiène du milieu et de la protection de l’environnement relevant du ministère de la Santé, en 2017, le taux de non-conformité des analyses bactériologiques et physico-chimiques dépasse largement les normes pour plusieurs régions. «Cette non-conformité est signalée dans les zones alimentées par la Sonede et surtout celles alimentées par le génie rural. Le contrôle de la pollution des eaux de surface par l’Agence nationale de protection de l’environnement a permis de constater que la situation ne s’est pas améliorée pour les principaux milieux affectés. Cette dégradation est due principalement aux rejets hydriques non conformes ainsi qu’à l’évacuation anarchique des margines et des huiles usagées et aux déchets solides», a-t-on expliqué.
Le rapport national sur le contrôle de la qualité des eaux publié en 2017 pointe du doigt la stratégie nationale de gestion des eaux usées et d’assainissement.
«L’Onas maintient la croissance de son réseau avec plus de 1,910 million d’abonnés. Malgré tout, environ un million d’abonnés à la Sonede ne sont pas raccordés à l’Onas. Cette différence provient en grande partie du fait que l’Onas n’a pas eu jusque-là vocation à prendre en charge les populations non urbaines. Les décisions du CMR de juin 2016 sur l’assainissement rural ne sont pas encore concrètement mises en œuvre. Des études sont effectuées à ce sujet et la Tunisie devrait rapidement se doter d’une stratégie d’assainissement rural, compatible avec la communalisation engagée avec la politique nationale de décentralisation», a-t-on expliqué.
Sauf que chaque année, l’Anpe suit avec une fréquence de deux fois par an un réseau d’environ 350 points d’échantillonnage répartis sur tout le territoire tunisien et touchant la plupart des types de milieux aquatiques, que ce soit pour les eaux de surface ou les eaux souterraines : oueds, zones humides, barrages, sebkhas, nappes souterraines, et effectue en moyenne 4.000 analyses. Ses différents résultats ne sont pas si alarmants.