En Tunisie, on commence à s’apercevoir des dangers de la bipolarisation et des clivages idéologiques, au service d’intérêts partisans étriqués et qui pourraient être à l’origine de la dégradation du pays et de l’explosion de la situation sociale.
Jusqu’où vont mener les contextes d’hostilités, de tension, de violence et de tiraillements ? Sommes-nous face au pire scénario lorsque la rivalité politique et idéologique se transforme en violence et en accrochages en pleine rue ?
Personne ne sortira gagnant du conflit qui met à mal la stabilité du pays et la paix sociale. Les derniers événements liés au sit-in organisé par le Parti destourien libre (PDL) devant le siège de l’antenne tunisienne de l’Union des oulémas musulmans sont révélateurs et en disent long sur la prochaine période en Tunisie. Tous les observateurs s’accordent sur ce fait, les images de désolation et la tension au sein du Parlement ne pouvaient pas rester sans conséquences. Et ce que nous avons toujours redouté commence malheureusement à se concrétiser sous silence radio de la part des autorités qui, à part une réponse sécuritaire, n’ont rien présenté comme alternative à cette situation chaotique.
Si mercredi dernier, le sit-in organisé par Abir Moussi pour fermer le siège de cette association controversée a été levé par l’usage de la force — d’ailleurs, tous les accès menant à l’avenue Kheireddine-Pacha étaient fermés —, la situation pourrait dégénérer à tout moment. Entre les partisans de Abir Moussi qui ont été appelés en renfort pour soutenir ce sit-in et ceux d’Al-Karama et des autres mouvements à tendance islamiste qui venaient défendre cette association «au nom de l’Islam», le scénario de 2012 et de 2013, lorsque la Tunisie était au bord d’une guerre civile, pourrait se reproduire.
Dans la nuit de mercredi dernier, les forces de l’ordre ont, en effet, dû intervenir pour évacuer par la force, le sit-in organisé par le PDL à Montplaisir à Tunis devant le siège de l’Union mondiale des oulémas musulmans à Tunis. La police a procédé à la démolition des deux tentes installées par les partisans de Abir Moussi dans une ambiance extrêmement tendue. Cependant, cela n’a pas mis fin à la tension entre les deux parties rivales. D’une part, nous avons les sympathisants du Parti destourien libre (PDL) et notamment ceux de sa présidente Abir Moussi ainsi que certains courants dits libéraux, et d’autre part, les partisans de la Coalition Al-Karama ainsi que des représentants des mouvements à tendance islamistes qui sont prêts à entrer en confrontation à tout moment.
Au vu des messages et des discours de haine et de violence diffusés directement sur le réseau social Facebook émanant même de nos députés, la situation est tellement dangereuse qu’on peut passer à l’acte à n’importe quel moment. En effet, l’effervescence est à son comble entre les deux «clans» rivaux, à tel point que les menaces sont lancées dans tous les sens.
Le spectre de 2012 !
Violence, divergences, insultes et accusations, tiraillements politiques et idéologiques, crise politique et autres, tout renvoie à un contexte conflictuel, où le consensus et l’entente n’ont pas place actuellement en Tunisie. Cette situation rappelle en effet l’épisode noir de l’histoire post-révolution de la Tunisie, lorsque le pays était, en 2012 et 2013, livré à la violence dans la rue, à la divergence et au chaos sur fond idéologique et politique. En effet, le spectre de 2012 rôde en Tunisie, où on commence à s’apercevoir des dangers de la bipolarisation et des clivages idéologiques, au service d’intérêts partisans étriqués, qui pourraient être à l’origine de la dégradation de la Tunisie et de l’explosion de la situation sociale.
Le développement de la violence et des discours de haine et la dégradation de la situation sécuritaire, phénomènes face auxquels tout le monde semble étrangement passif, alimentent une tension politique et idéologique qui contribue à scinder la société tunisienne en deux pôles antagoniques, l’un « islamiste » et l’autre « progressiste ». Ces mêmes contextes, rappelons-le, avaient mené vers un premier assassinat politique en Tunisie, celui du leader national Chokri Belaïd, le 6 février 2013. Cet acte terroriste qui trouve ses origines dans cette tension politique et idéologique marquait le début d’une séquence de violence inédite en Tunisie, quand les Tunisiens étaient livrés à la violence et au chaos. Un deuxième assassinat politique a également secoué la Tunisie, sur fond de ces divergences politiques et idéologiques. Le 25 juillet 2013, le député Mohamed Brahmi est également assassiné devant son domicile à l’Ariana.
Rappelons également que cette violence a atteint son paroxysme le 18 octobre 2012 avec la mort de Lotfi Nagdh, coordinateur régional de Nida Tounès à Tataouine, après l’assaut lancé par un groupe apparenté aux ligues de protection de la révolution, alors qu’il était en réunion avec des membres de l’Union régionale de l’agriculture et de la pêche.
Tout cela pour dire que la Tunisie est réellement menacée par ces clivages politiques et idéologiques qui commencent à s’installer dans nos rues. Les événements liés au sit-in du PDL devant le siège de l’antenne tunisienne de l’Union des oulémas musulmans est assez révélateur. Il doit constituer un signal d’alarme pour mettre fin à ces formes de violences qui pourraient basculer à tout moment dans des confrontations directes entre les Tunisiens.