Accueil A la une Enregistrements fuités, accusations et contre-accusations : Jusqu’où ira l’immoralité de la vie politique ?

Enregistrements fuités, accusations et contre-accusations : Jusqu’où ira l’immoralité de la vie politique ?

En Tunisie, l’immoralité de la vie politique n’a plus aucune limite. Après les accusations, les contre-accusations, l’échange d’insultes et même la violence au sein du Parlement, le temps des conversations fuitées est venu.
La scène politique vit actuellement au rythme des informations laissant savoir que des conversations enregistrées et fuitées pourraient bouleverser la donne politique. C’est le chef du bloc démocratique, Mohamed Ammar, qui est visé par ces enregistrements dans lesquels il évoquait, entre autres, le système judiciaire en Tunisie, le rôle du Président de la République sur la scène nationale, mais aussi l’affaire Nabil Karoui et la présidente du Parti destourien libre (Pdl), Abir Moussi.

Au fait, c’est le député démissionnaire du bloc de la Coalition Al-Karama connu pour ses positions extrémistes, Rached Khiari qui est à l’origine de ces enregistrements fuités. Créant la polémique sur les réseaux sociaux  et visant à entretenir le suspense  auprès des internautes pour donner de l’ampleur à ce qu’il appelle des «révélations qui bouleverseront la scène politique», ce député est allé jusqu’à s’afficher sur la chaîne de télévision Nessma TV, ayant consacré dimanche dernier un plateau pour traiter cette affaire. Défendant ouvertement le parti Qalb Tounès, et son président Nabil Karoui, Khiari a accusé, sur fond de ces enregistrements, le Président de la République, Kaïs Saïed, «d’ingérence dans le système judiciaire et de vouloir mettre en place une nouvelle autocratie», le comparant même au dictateur Adolf Hitler. 

Mohamed Ammar réagit !

Dans ces enregistrements, on entend Mohamed Ammar évoquer un certain rôle du Président de la République dans le corps des magistrats par l’intermédiaire de son épouse, Ichraf Chebil, qui est elle-même magistrate. Il a affirmé même que «c’est l’ancien ministre et ex-leader du Courant démocratique Mohamed Abbou, qui a semé la zizanie au sein du corps des magistrats dont le conflit entre le premier président de la Cour de cassation Taïeb Rached et l’ancien Procureur général à la Cour d’appel, Béchir Akremi, est l’illustration»

Dans un autre enregistrement vocal attribué également au président du bloc démocratique Mohamed Ammar, on entend ce dernier  évoquer le parti Qalb Tounès affirmant qu’il est fini et que d’autres dossiers de justice viseront prochainement Nabil Karoui. «Qalb Tounès est sur le point de disparaître de la scène politique en Tunisie. D’autres partis cherchent à récupérer les députés de son bloc parlementaire».

Prenant la parole sur son compte Facebook, Mohamed Ammar n’a pas démenti ces enregistrements affirmant, en contrepartie, «qu’un montage a été fait pour faire croire à l’opinion publique que Kaïs Saïed contrôlait la justice, or ce n’est pas vrai». Accusant Rached khiari de l’avoir enregistré à son insu, il a dénoncé un sale jeu de la part des islamistes», tout en assurant qu’il portera plainte contre Rached Khiari pour le crime de montage d’une vidéo.

Il a ajouté que les députés Rached Khiari et Moadh Ben Dhiaf l’ont contacté pour demander la signature de la motion de censure contre le président de l’ARP, Rached Ghannouchi. «Je les ai reçus chez moi, convaincu qu’ils voulaient participer à une lutte contre les lobbies et les politiciens contrôlant la Tunisie, mais ils m’ont enregistré alors que je pourrais dire les mêmes propos en plein public», a-t-il expliqué dans une vidéo publiée sur sa page Facebook, ce qui laisse penser à un piège tendu à ce député. 

Récupération politique

Sauf qu’indépendamment du contenu de ces conversations fuitées, cette affaire témoigne, bel et bien, du fait que toutes les limites ont été dépassées dans la scène politique et nationale. Désormais, pour s’attaquer à ses adversaires politiques, tous les moyens sont bons et toutes les armes sont permises. Mais jusqu’où mènera l’immoralité de la vie politique ? Que veut-on faire de la scène politique ? Quelle sera la prochaine étape alors que toutes les limites semblent dépassées ? Ne dirigeons-nous pas vers une confrontation ouverte entre les différents protagonistes politiques qui risque, à tout moment, de basculer dans la violence ?

Cette affaire témoigne aussi des fortes intentions de récupération politique. Alors que le parti Qalb Tounès vise à tout prix à présenter son leader Nabil Karoui comme victime de la vie politique et comme acteur visé par une campagne de diffamation, les islamistes, dont notamment le parti Ennahdha et la Coalition Al-Karama et leurs alliés, veulent exploiter cette affaire pour s’attaquer notamment au Courant Démocratique.

C’est ce qui explique, en tout cas, les déclarations des leaders du parti Ennahdha qui appellent la justice à l’ouverture d’une enquête à cet égard. «Des extrémistes du parti du Courant démocratique visent un nouveau positionnement politique, mais Ennahdha est devenu habitué à ce genre de pratiques et de plans, nous laisserons la justice faire son travail», a laissé entendre, dans ce sens, le président du Conseil de la Choura, Abdelkarim Harouni. 

Idem pour le leader du parti Qalb Tounès, Iyadh Elloumi qui a appelé le parquet à l’ouverture d’une instruction «sérieuse» sur les propos attribués au député et président du bloc démocratique, Mohamed Ammar, fuités dans un enregistrement audio diffusé samedi dernier sur les réseaux sociaux.

Il dénonce le fait que dans l’enregistrement audio en question Mohamed Ammar parle de « la mainmise du Président de la République sur la justice, par l’intermédiaire de son épouse » et souligne que le palais de Carthage s’est transformé en un lieu dans lequel « des complots sont tramés pour frapper la justice », affirmant même que Nabil Karoui en est la principale victime.

Si du côté des partis soutenant le gouvernement cette affaire révèle «un scandale qui met en péril la vie politique tunisienne», du côté du Courant démocratique il s’agit d’une tempête dans un verre d’eau. D’ailleurs, pour Hichem Ajbouni, député du bloc démocratique, le «ridicule» de Rached Khiarai n’a pas de limites. « Nos coutumes, traditions et morale religieuse nous apprennent comment l’invité traite l’hôte, et vice versa», a-t-il posté sur son compte Facebook, laissant croire à un piège tendu au président de leur bloc, Mohamed Ammar.

Quoi qu’il en soit, cette immoralité de la vie politique et cette vive tension qui s’est installée au sein du paysage politique ne pourraient mener que vers le chaos, alors que les prémices de conflits dans la rue avaient été observées dernièrement en marge des événements liés au sit-in organisé par le PDL devant le siège de la branche tunisienne de l’Union des oulémas musulmans. 

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