Kaïs Saïed campe sur sa position, refuse d’organiser un dialogue national à l’ancienne et exige une forte participation des jeunes, l’Ugtt rejette une telle proposition et tient à un dialogue national classique. La situation semble aller vers le blocage, sauf nouveau rebondissement. Présenté comme une issue à cette crise, le dialogue national s’avère une nouvelle source de tension dans un pays livré aux querelles politiciennes. A quand le dénouement ?
Cela fait plusieurs mois qu’on évoque la tenue d’un Dialogue national censé sortir le pays de cette situation de crise. Initiative de l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt) et solution proposée par la majorité des partis politiques, le Dialogue national devient lui-même une source de tension dans un paysage politique hautement tendu. La principale cause: une divergence de points de vue entre la Centrale syndicale et le Président de la République, Kaïs Saïed, qui a, dès le départ, multiplié les conditions sine qua non pour superviser ce dialogue jusqu’à ce que l’Ugtt commence à évoquer de nouveaux processus et issues pour cette crise.
Dernier rebondissement, le Chef de l’Etat, en recevant l’ancien ministre des Finances Nizar Yaïche, s’est dit prêt à organiser un «Dialogue national avec une forte participation des jeunes Tunisiens grâce aux nouvelles technologies de communication». L’objectif étant, selon lui, de «formuler des propositions et des demandes, au niveau local, qui seront revues, ensuite, par des spécialistes dans tous les domaines aux niveaux régional et national pour aboutir à des solutions». Sauf que l’annonce du président de la République n’est pas claire selon l’Ugtt. Veut-il mener son propre Dialogue national où il est question d’une réponse favorable à l’initiative de la Centrale syndicale ?
Sami Tahri, secrétaire-général adjoint de l’Ugtt, est clair à ce sujet. Pour lui, si le Président de la République veut faire cavalier seul, la Centrale syndicale ne sera pas concernée par son initiative et est toujours attachée à sa propre solution d’organiser un dialogue national en vue de résoudre la crise. Estimant même que «ce qu’a fait le Président de la République n’est pas adéquat», Sami Tahri rejette l’idée d’une large participation des jeunes au Dialogue national, car, pour lui, il s’agit d’un processus qui pourrait durer des années, alors que le pays est dans l’urgence. «La tenue d’un dialogue avec les jeunes à travers un système de communication développé peut durer de longues années, alors que le pays est au bord de la faillite économique, sociale et politique», a-t-il dit.
L’Ugtt passe au plan B ?
Après, avoir su que le Président de la République, Kaïs Saïed n’était pas chaud pour son initiative, l’Ugtt se tourne vers de nouvelles alternatives. En tout cas, c’est ce que ne cesse de répéter le secrétaire général de l’Ugtt, Noureddine Taboubi. La Centrale syndicale ne restera pas les bras croisés face à l’actuelle crise que connaît le pays, a-t-il haussé le ton, lui qui rappelle que l’Ugtt avait présenté une initiative de Dialogue national au Président de la République «que ce dernier ne l’a pas prise au sérieux». «Nous avons tous les atouts de pression pour rétablir la situation et rappeler à tous les intervenants la nécessité d’opter pour les choix et les décisions nationaux, nous passerons au plan B», a-t-il laissé entendre.
Mais que sera ce plan B évoqué par l’Ugtt ? S’agit-il d’un dialogue qui exclut le Président de la République ? Va-t-on vers un nouveau blocage alors que cette initiative est censée faire sortir le pays de sa crise et non pas en rajouter une autre ?
L’ancien secrétaire général de l’Ugtt, Houcine Abassi, pense à cet effet que Kais Saied est en train de faire perdre beaucoup de temps à la Tunisie. Il explique que le Président de la République avait, au départ, réagi favorablement à la proposition de l’Ugtt, mais n’a pas donné suite à cette initiative.
Commentant cette situation, dans une déclaration accordée à La Presse, le président du parti Machrou Tounès, Mohsen Marzouk, pense que cette situation de blocage menace les intérêts du pays. «Il faut dire aussi que la solution à cette crise ne se trouve pas à la présidence de la République si elle continue d’agir de la sorte. Nous avons appelé au dialogue national, ils ne l’ont pas fait, l’Ugtt s’est inscrite à cet appel, mais la présidence refuse toujours de le faire, le président du Parlement, pour des raisons partisanes, ne veut pas que ce dialogue ait lieu, le Chef du gouvernement suit sa ceinture politique, devant cet état de lutte nous devons nous diriger vers le peuple», nous a-t-il déclaré, affirmant qu’un tel dialogue doit être axé sur deux thèmes principaux : «La situation économique car le pays va droit vers la faillite», et l’axe politique portant sur la réformes des systèmes politique et électoral.
Fin de la lune de miel ?
Dès son élection en tant que Président de la République, un rapprochement entre Kaïs Saïed et l’Ugtt a été nettement observé. En effet, d’excellentes relations ont été consciemment entretenues entre Kaïs Saïed et Noureddine Taboubi, mais progressivement et au vu de l’évolution de la scène nationale, la lune de miel commençait à prendre fin. Divergences de points de vue, déclarations incendiaires et autres, ce front qui commençait à se profiler à l’horizon de la scène politique unissant le Président de la République à la Centrale syndicale et à d’autres acteurs politiques comme notamment le Courant démocratique et le Mouvement du peuple serait mort-né. Kaïs Saïed campe sur ses positions, refuse d’organiser un Dialogue national à l’ancienne et exige une forte participation des jeunes, l’Ugtt rejette une telle proposition et tient à un Dialogue national classique, la situation semble aller vers le blocage sauf nouveau rebondissement. Présenté comme une issue à cette crise, le Dialogue national s’avère une nouvelle source de tension dans un pays livré aux querelles politiciennes. A quand le dénouement ?