Après le 14 janvier 2011, la Tunisie est devenue le théâtre de nombreux conflits qui semblent s’éterniser et sont en train de la détruire, son économie en premier. La société entière a été en effet ébranlée et la liberté, quasi-totale, qui a accompagné la chute de l’ancien régime et qui s’est amplifiée après, a donné naissance à tous les dérapages.
Assoiffées de justice, gonflées à bloc par des attentes et des espoirs qui dépassent les capacités du pays à cette époque-là, toutes les franges de la population voulaient obtenir tout et l’obtenir maintenant. Une réalité qui a été exploitée à fond par les syndicats mais aussi par des lobbies qui avaient intérêt à ce que le pays baigne dans l’instabilité et le doute.
La guerre civile, qui a éclaté quelques semaines après en Libye pour s’étaler sur toute la décennie écoulée, a contribué, elle aussi, à la récession économique dont est victime notre pays depuis plusieurs années. Son action néfaste à touché ce pays voisin en tant que marché vital pour la Tunisie (marchandises et tourisme,) et fournisseur d’opportunités d’emploi et a amplifié les risques du terrorisme.
Ce sont là quelques-uns parmi les nombreux facteurs qui sont entrés en action et qui ont tous convergé pour mettre à genoux l’économie et de là plonger la population dans le pessimisme et le défaitisme, créer toutes les conditions pour la fuite des capitaux et des cerveaux et dissuader les investisseurs. Situation critique qui perdure et qui risque de conduire le pays à la faillite.
La décapitation de l’ancien régime ayant permis l’apparition, en effet, d’un cocktail explosif de contradictions qui étaient latentes ou en veilleuse, ainsi que bon nombre de dysfonctionnements. Mais elle a mis, aussi, face à face des courants politiques prêts à tout pour imposer leurs choix. Parmi eux des ennemis de longue date. Tous les coups ont été ainsi permis et toutes les armes utilisées. Y compris le fait de comploter contre le peuple.
Situation qui continue d’envenimer la vie politique car cette dernière est devenue un champ de bataille entre les idéologies d’exclusion, dont l’Islam dit politique, lui-même résultant de 55 ans de domination par une autre idéologie d’exclusion violente et sournoise, celle du parti-Etat qui gouvernait le pays jusqu’au début de 2011 et qui est revenue en force depuis ces toutes dernières années.
Résultats : violence des mouvements sociaux, actes terroristes, assassinats politiques, une constitution bourrée de lacunes et de dispositions prêtant à confusion ou à des interprétations contradictoires illogiques et contre son esprit même, système électoral favorisant l’émiettement, etc. A cela est venu s’ajouter le torpillage du processus de justice transitionnelle, des réformes vitales et urgentes, de la mise en place de la Cour constitutionnelle, etc. Le processus lui-même de transition démocratique s’est retrouvé en panne.
Rappelons que la chute de l’ancien régime a été favorisé par le soulèvement populaire ayant démarré un mois plus tôt, à la suite d’un vrai ras-le-bol et aussi par l’intervention de puissances étrangères, dans le cadre d’un projet américano-sioniste visant à restructurer toute la région arabe, à la mettre sous l’influence de l’entité sioniste et à en finir avec la cause palestinienne.
Il s’agissait, entre autres, de favoriser l’accession de l’islam dit politique au pouvoir, bien encadré par les renseignements occidentaux et de le discréditer ensuite pour en finir avec lui à jamais, et ce, après avoir favorisé l’Islam dit djihadiste. Deux courants qui ont été favorisés par les puissances occidentales puis utilisés par elles dans leur lutte contre le camp de l’Est.
Les formations contemporaines, issues de l’islam politique, n’ont en effet jamais possédé de programmes politiques au vrai sens du mot, ni de réseaux solides au sein des structures, ni eu de vrais intellectuels dans leurs rangs. Certaines parmi elles ont pu être tolérées ici et là dans le monde arabe, surtout après la chute du chah d’Iran et l’avènement des mollahs.
Ennahdha, organisation qui reste accrochée au modèle politico-religieux et paramilitaire instauré par le parti du Destour depuis la lutte pour l’indépendance et celui de prise du pouvoir par les mollahs iraniens et fille naturelle des politiques volontaristes et nettement pro- occidentales, de l’ancien régime, est devenue, depuis 2011, une pièce maîtresse du jeu politique en Tunisie.
Jouissant d’une discipline interne reposant sur la culture de l’obéissance, de fonds à l’origine douteuse, et d’un passé de victime de la dictature, elle a réussi à obtenir le soutien d’une bonne partie de la population qui se déplace pour voter. Cela pourrait s’expliquer, entre autres, par le fait que bon nombre de Tunisiens ont eu peur de la vague du libéralisme des mœurs, et en avaient marre des corrompus et des menteurs.
Ce qui a suscité la panique dans les rangs de la gauche, de ceux qui croient réellement à la démocratie et au caractère civil de l’Etat et de ceux qui se disent modernistes. Depuis, on s’échine pour la contrecarrer ou pour faire tout pour s’allier avec elle ou encore gagner ses faveurs. Et c’est le pays tout entier qui est en train de payer les pots cassés. Une décennie qui a été placée sous le signe de conflits qui semblent devenir de plus en plus complexes et de plus en plus dangereux. Rappelons ici qu’aucun travail d’évaluation approfondi n’a été effectué pour analyser ladite décennie.
Pour notre part, nous avons évoqué la nécessité de mettre sur pied un tribunal populaire. Un tribunal qui siégera à la lumière de rapports d’experts, de témoignages et d’enquêtes effectuées par des structures indépendantes et qui aura pour mission de définir les responsabilités de chacun dans tout ce qui s’est passé depuis 1955 et jusqu’à nos jours, surtout en ce qui concerne les crimes suprêmes tels que la trahison et les crimes politiques, économiques et de développement.
(*) XII et fin