Il y a une raison majeure qui explique la déroute de la classe politique : la Révolution a davantage servi les intérêts des minorités plutôt que ceux qui en étaient les principaux instigateurs. Le peuple étouffe et le vent de l’espoir ne souffle plus sur les électeurs d’hier. De toute évidence, on ne se débarrassera pas aussi facilement de tant d’accumulations et de tant de défaillances…
Ceux qui interviennent aujourd’hui pour justifier l’injustifiable, ridiculisent les objectifs de la Révolution avec leurs jugements inappropriés et à coups d’arguments inaudibles. Les aléas, voire les manquements, deviennent de plus en plus impérieux pour la Révolution et ses nobles causes.
Il faut dire que la classe politique a eu l’inestimable chance d’avoir le pouvoir de changer les choses, mais elle ne s’en est pas servie comme le voulaient vraiment les Tunisiens. D’une épreuve à l’autre, d’une crise à l’autre, les différents acteurs politiques n’ont jamais, ou presque, donné l’impression d’avoir de la considération pour ceux qui les ont propulsés là où ils sont aujourd’hui. Il vient rarement à l’esprit de ceux qui prennent garde à cette politique de l’autruche de s’interroger sur les besoins des Tunisiens et leurs aspirations. La pilule mettra certainement du temps à passer, mais la position et la réaction des Tunisiens à l’égard de tout le paysage politique traduisent une sanction justifiée sur fond de dix ans d’échec, de promesses non tenues et de mauvaise gestion. Effacés face aux problèmes, ceux qui s’étaient trouvés depuis 2011 et au hasard des événements aux commandes du pays, ceux qui sont apparus comme une alternative viable n’ont pas mis longtemps pour révéler leur impuissance à résoudre les crises: économique, sociale et surtout sanitaire et qui constituent un problème majeur pour la Tunisie. C’est dire combien ils se sont éloignés de la réalité et n’assument pas leurs responsabilités. Ou, du moins, comment ils perdent de plus en plus leurs bases électorales et l’aptitude de les convaincre.
Il reste à se demander comment la Révolution peut prospérer, alors que la situation politique, économique et sociale du pays est au plus mal ! Comment entrevoir une lueur d’espoir, alors que les zones d’ombre et les imprécisions font état d’un manque évident de solutions et d’alternatives.
Faut-il s’habituer aujourd’hui à répéter les mêmes constats et les mêmes causes qui empêchent les acteurs politiques de se métamorphoser, de se racheter et de prendre une nouvelle dimension, notamment au-delà de ce qu’ils ont pris l’habitude d’entreprendre.
Au fait, le processus démocratique est un peu plus complexe qu’il n’y paraît. La politique est une activité où les choses vont très vite dans les deux sens. De la gloire à la déchéance, ça ne tient qu’à un fil. Le pire, c’est qu’on ne peut aucunement revenir en arrière une fois la chute amorcée. C’est dur de voir aujourd’hui certains partis renoncer à leurs fondamentaux. Les valeurs ont plus que jamais perdu leur sens et leur vocation dans le paysage politique. Elles font désormais appel à des considérations rarement justifiées et encore moins argumentées. A la place des programmes et des projets, on a désormais droit à des agissements et des prises de position qui divisent plus qu’ils ne rassemblent. Les attitudes et le comportement de la plupart de ces acteurs font état d’un mode complètement différent de ce qui est souhaité. La reconversion ratée des partis politiques s’explique par un entourage pas suffisamment impliqué dans les affaires du pays, des choix hasardeux, des égarements souvent répétés et des tensions interminables.
Il est évident qu’aucune partie politique n’est ressortie grandie des tiraillements et des jeux d’influence qui ne cessent d’opposer les différents acteurs. Des conflits regrettables et qui ne sont pas isolés. Des conflits qui tendent à écorner l’image de la Tunisie post-Révolution.
On doit admettre que le destin et l’avenir de la Tunisie ne peuvent plus dépendre de certaines parties, ni laissés au bon vouloir de quelques-uns.