Un commentaire sur la télé Ramadan. De préférence court. Prudent. On s’étalait jusque-là. Jusqu’à Ramadan 2020. Résultat, on dérangeait un peu tout le monde. Public, oui, qui ne partageait pas toujours nos réticences. Les spécialistes de l’audiovisuel qui développaient, eux, d’autres arguments. Nos confrères des chaînes, médias de métier comme nous, et dont nous ne pouvions ignorer ni les contraintes financières ni les obligations de la concurrence et du marché.
Ce que l’on ne pourra taire toutefois, ce sont les négligences, les répétitions, les rares réussites, non plus, il y en a, Dieu merci. Une grosse négligence : les plateaux politiques se raréfient pendant le mois saint. Pourquoi? Est-ce le jeûne, sont-ce les horaires qui défavorisent les débats? Personne ne l’a jamais démontré. A preuve, El Hiwar, Nessma et Hannibal ne s’interrompent pas cette saison, et nul n’y trouve à redire, nul ne s’en plaint. Au contraire, tout y appelle, tout l’exige cette fois-ci. Les «batailles» politiques, la crise économique, le virus qui tue, le vaccin qui manque. Mais peu importent les contextes, l’information et l’opinion sont les piliers de base de la télé.
Une répétition dont on ne saisit vraiment pas l’intérêt : cet amoncellement des dramatiques et des comédies, en 15-30 jours et sur une dizaine de chaînes à la fois. Les professionnels et les publicitaires entre eux invoquent l’audimat, son rapport en gain d’argent, et pendant ces mois d’épidémie «les recettes par ricochet» du couvre-feu. Peut-être bien. Mais le plus probable, le plus ressenti même, chez les téléspectateurs, dans les foyers, est un méli-mélo sans issue. Nos compatriotes célèbrent encore des titres, comme «El khottab al bab», «Chouffli hall», «Gamret Sidi Mahrouss» et autres. S’ en délectent encore. Le succès de ces fictions ne tient pas qu’à leur qualité, à l’époque, aussi, les dramatiques se répartissaient en toute cohérence dans le temps et à l’occasion.
Avantage de la Chaîne nationale unique certes, mais que nos patrons de chaînes privées y songent un peu, est-ce une impossibilité aujourd’hui. Quel pactole retirent-ils enfin de la guerre ramadanesque des feuilletons ? A compter juste, peu, si peu, dans un si petit marché. La solution dès lors : éviter la cohue, se répartir raisonnablement, intelligemment, artistiquement, les temps de passage et l’argent. La réussite, pour finir : «Harga» de Lassaâd Oueslati sur la Watania 1. Ce qui nous y a plus, à nous simples non-initiés ? L’histoire, l’image et le récit.
L’histoire rapporte un vécu tel quel, douloureux, présent, lancinant. «Kan ya makanech» de Abdelahmid Bouchnaq est plutôt surréaliste. Alors que les appréciés «Foundou» et «Ouled El Ghoul» racontent des attitudes et des situations sans doute trop récentes pour nous. L’image est proche, très proche du cinéma. Plus esthétique et moins feuilleton. Travaillé comme film, sans la contrainte des épisodes, «Harga» aurait convoité d’autres succès. Lassaâd Oueslati en a le talent, croyons-nous.
Le récit, enfin, naturel, comme vécu par tous. Les affectations se multiplient par ailleurs au prétexte d’innover. La vérité quand on en rajoute est que l’on n’y croit pas. Au final personne n’y croit. Authentique «Harga».