Accueil A la une La Tunisie dans la catégorie des pays exposés à un stress hydrique « élevé » : Le jour de la soif est-il imminent ?

La Tunisie dans la catégorie des pays exposés à un stress hydrique « élevé » : Le jour de la soif est-il imminent ?

La Tunisie est connue comme étant un pays pauvre en ressources en eau et fortement exposé à un stress hydrique. En effet, si l’activité humaine n’est pas seulement source de pollution, elle agit négativement sur les ressources hydriques, lesquelles sont soumises à une pression croissante.

Selon le récent rapport publié par le « World Resources Institute (WRI- Institut des ressources mondiales) », le spectre du « jour zéro », où toutes les réserves en eau potable seront à sec, guette un quart de la population mondiale. Si la Tunisie ne figure pas sur cette liste, il n’en demeure pas moins qu’elle n’est pas vraiment à l’abri d’une telle menace, puisque le WRI la classe à la 30e position sur 164 pays, la répertoriant ainsi dans la catégorie des pays exposés à un stress hydrique « élevé ».

Cependant, avec une moyenne de 410 m³ d’eau par habitant et par an, la Tunisie se trouve clairement sous le seuil du stress hydrique (moins de 500 m³/ habitant / an), atteste Rafik Aini, directeur de l’unité de planification stratégique de l’eau au Bureau de planification des équilibres hydrauliques (Bpeh) du ministère de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche (Marhp).

Face à cette situation, il fallait agir sur le long terme si la Tunisie ambitionne d’éviter un tel scénario catastrophique qui mettrait à mal sa sécurité hydrique et donc alimentaire. C’est dans ce contexte qu’elle s’est fixée comme objectif d’améliorer la gouvernance des ressources en eau dans une approche de gestion intégrée, englobant toutes les dimensions : technique, économique, sociale, environnementale, culturelle, juridique, institutionnelle et financière, tout en sécurisant le service de l’eau en quantité et en qualité pour toutes les parties prenantes de la production à l’usage, y compris pour les générations futures.

Aussi, il a été conçu afin de permettre une amélioration de la gouvernance des ressources en eau dans une vision de gestion intégrée et à long terme. Il s’agit d’un projet visant à mettre en place une stratégie innovante et participative pour la gestion des ressources en eau à moyen et long termes, une sorte de référentiel unique d’intervention pour tous les acteurs de l’eau (administrations, grand public, usagers de l’eau, société civile, etc.). Il est également question de financer des actions prioritaires visant à sauvegarder les ressources en eau et la promotion du potentiel hydrique du pays.

Rafik Aini, chargé de l’élaboration de la stratégie EAU 2050, explique à La Presse que la Tunisie « est l’un des pays africains qui subit de plein fouet les impacts négatifs des changements climatiques. Il fallait agir au plus vite pour mettre en place une telle stratégie, dont l’objectif concret est de contribuer au développement socioéconomique, en sécurisant la disponibilité et l’accès aux ressources en eau à l’horizon 2050, de manière efficiente, inclusive de toute la population tunisienne, équitable et durable, suivant une approche de gestion intégrée des ressources en eau ».

Aini ajoute : « Dans les phases 1 et 2, nous avons tout rassemblé en matière d’études et de documentation relatives au secteur de l’eau. Maintenant nous sommes dans la scénarisation de la situation hydrique en Tunisie. Nous étudions même les scénarios écartés pour mobiliser tous les outils nécessaires en vue d’offrir une meilleure efficacité à cette stratégie ». Il souligne l’approche participative et consultative de cette stratégie, affirmant que la société civile et les jeunes ainsi que les GDA (Groupements de développement agricole) sont les plus concernés par cette stratégie. « Si nous évoquons une stratégie à l’horizon 2050, ce sont les jeunes qu’il faut cibler, car on parle de leur avenir, de leur sécurité et de leur bien-être social », ajoute-t-il.

Le coût total du projet est de 2.655.000 euros, cofinancé par un don de la Facilité africaine de l’eau pour un montant de 1.345.000 euros, soit 50,7 % du coût total, la Kfw (Banque allemande de développement de 1.038.000 euros, soit 39.1 % du coût total et de la GIZ pour un montant de 272 000 euros, soit 10.2 % du coût total.

Stress hydrique récurrent

On parle de stress hydrique lorsque la demande en eau dépasse la disponibilité de cette eau dans un pays donné. Il est important que la population sache que le climat tunisien méditerranéen au Nord et saharien au Sud (semi-aride à aride dans ¾ du pays), que la pluviométrie possède une grande irrégularité de 1.500 mm au Nord (3% du pays) à moins de 50 mm au Sud dans 40% du pays. De ce fait, la sécheresse représente un phénomène naturel et fréquent (quatre années déficitaires pluviométriquement pour deux pluvieuses). Ce qui nous met, nous Tunisiens, en position de stress hydrique récurrent et nous devons gérer cela convenablement.

Actuellement, la disponibilité de l’allocation annuelle par habitant est de 450 m3 par an, alors que le seuil de pauvreté est de 1000 m3 par an et par habitant. Malheureusement et du fait de l’accroissement indéniable de la population, cette allocation va être réduite à 350 m3 par an et par habitant et de 250 m3 par an et par habitant à l’horizon 2050 (Source Marhp). En dessous de 500m3 par an et par habitant, l’eau devient une contrainte au développement socioéconomique du pays. La Tunisie est à présent précisément dans ce dernier cas de stress hydrique minimal. Elle est parmi les 33 pays du monde les plus sévèrement touchés par le stress hydrique et dans ce classement déjà inquiétant, elle compte parmi les dix derniers pays du monde en matière de dotation hydrique, indique Aini.

Pour la mauvaise mobilisation de la pluviométrie, le directeur de la planification stratégique nous informe qu’il tombe sur la Tunisie en moyenne environ 36 milliards de m3/an d’eau de pluie. Or, les eaux de surface mobilisées dans les lacs, les barrages et dans les nappes aquifères ne totalisent qu’environ 4,8 milliards de m3/an. Il reste pour clore le bilan, environ 31,2 milliards de m3 /an qui vont s’évaporer, rejetés dans les sebkhas et la mer. Parmi les challenges de la stratégie Eau 2050, pouvoir récupérer le maximum de cette eau et augmenter ainsi la mobilisation des ressources en eau en Tunisie. En effet, cette nouvelle stratégie Eau 2050 compte limiter considérablement les pertes des eaux pluviales en menant des projets d’envergure dans différents gouvernorats.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le stress hydrique commence lorsque les disponibilités en eau par habitant/an sont inférieures à 1.700 m3. Lorsque ces disponibilités sont inférieures à 1.000 m3 /hab/an, on parle déjà de pénurie d’eau dans le pays. En dessous de 500m3 /hab/an, l’eau devient une contrainte au développement. La Tunisie est à présent précisément dans ce dernier cas de stress hydrique minimal. Elle est parmi les 33 pays du monde les plus sévèrement touchés par le stress hydrique et dans ce classement déjà inquiétant, elle compte parmi les dix derniers pays du monde en matière de dotation hydrique.

Faut-il vraiment s’inquiéter ?

Bien que la Tunisie se trouve actuellement au niveau du stress hydrique minimal, l’infrastructure hydraulique existante lui permet jusqu’à l’horizon 2030 de faire face à la demande en eau des différents secteurs sans risque majeur de pénurie ou de déficit structurel sauf pour l’eau potable rurale et par endroits seulement.

En tout cas, la Tunisie n’aura ni soif ni à être confrontée à une contrainte hydrique pour son développement jusqu’à cet horizon. Toutefois, les perspectives d’évolution démographique, de développement économique et de promotion sociale préparent le secteur de l’eau à affronter de sérieuses contraintes et des défis à relever. Afin de faire face à ces défis et contraintes, la Tunisie, qui dispose de nombreuses compétences dans le secteur de l’eau, a capitalisé une grande expérience et un savoir-faire reconnu dans le domaine. Nous avons tous le devoir de nous investir davantage à l’avenir dans le développement du patrimoine connaissance concernant les éléments du bilan hydrique en général, le régime des pluies, les régimes hydrauliques et hydrologiques de surface et souterrains et déployer des efforts dans les eaux non conventionnelles (les eaux usées traitées, les eaux de drainage, la recharge artificielle des nappes, le dessalement des eaux saumâtres et de mer).

Rafik Aini pense à cet effet que l’inquiétude est toujours là, d’autant plus que les réserves en eau sont de plus en plus faibles en raison des changements climatiques et de la pollution. « L’inquiétude n’est pas née aujourd’hui, la Tunisie a toujours été confrontée à ce stress hydrique qui s’accentue jour après jour. Selon nos prévisions, avec l’élargissement de la population et l’augmentation des effets néfastes des changements climatiques, on se dirige vers un amenuisement de la part de chaque personne en eau par an », explique-t-il.

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