La réussite d’un parti ou d’un homme politiques relève aujourd’hui d’une sorte de miracle au quotidien. Dix ans après le changement de régime, les différents acteurs peinent à tirer profit d’un environnement qui n’est plus pourtant soumis — notamment à travers ses modes de fonctionnement — aux restrictions et aux privations d’autrefois. Ils se perdent, s’arrêtent à mi-chemin ou finissent tout simplement par sombrer.
Les horizons manquent aujourd’hui pour la plupart des acteurs politiques. S’ils avaient réussi dans le passé à s’affirmer dans l’opposition, ils ne parviennent pas aujourd’hui à s’assumer dans une majorité dominante, à s’imposer avec des alternatives crédibles, à contrôler leur communication, à éviter les faux pas, à maîtriser les règles, à intégrer un nouveau monde. Ils n’ont pas compris, et ils ne comprennent pas toujours, que la résistance, la rivalité et le combat n’ont plus la même signification. En continuant à s’égarer, ils ne se contentent pas de se tromper, ils deviennent l’incarnation pure et simple d’un manque évident de discernement.
En dix ans, les politiques ont perdu plus qu’ils n’ont gagné et il n’est plus difficile désormais de comprendre que cela met à nu l’inaptitude de tout le paysage à se relancer. Un paysage installé sur une montagne de dérives et affecté par la dégringolade continue des valeurs et des principes. Ce qui a été entrepris jusque-là s’est avéré inadapté, dénué, voire incomplet. Le sens déchaîné des uns et des autres, souvent surmultiplié par le milieu ambiant, a transformé ce qui n’était qu’un raisonnement idéologique en moyen d’expression des réactions les plus inconséquentes.
Le problème est que le changement auquel on aspirait s’est avéré artificiel. Les partis politiques, aujourd’hui au pouvoir, mais aussi ceux de l’opposition, ne savent pas comment crédibiliser et gérer leur statut actuel, encore moins comment développer leurs structures et leurs bases. Dans la gestion des dossiers, dans les choix stratégiques, dans la mise en place des alternatives, mais aussi dans la continuité entre ce qui a précédé et ce qui devrait se construire, les contraintes et les impératifs en tous genres font sens d’un paysage politique de plus en plus marqué par les aléas et les défaillances. Des défaillances qui ne doivent pas cependant constituer une excuse aux dérapages.
Cette situation irrigue des enjeux et des agissements antidémocratiques, irresponsables, souvent au-delà de ce qui est permis. Au-delà des constats, il faut se demander aujourd’hui s’il existe vraiment une vision collective des problèmes ? Ou alors chacun défend-il tout simplement son agenda, ses propres intérêts?