Accueil A la une Réouverture de la frontière tuniso-libyenne : Risques sanitaires ou menaces sécuritaires ?

Réouverture de la frontière tuniso-libyenne : Risques sanitaires ou menaces sécuritaires ?

En temps normal, les échanges commerciaux avec la Libye étaient perçus comme un troisième poumon pour l’économie nationale, que dire si on rappelle que la Tunisie fait face à une crise économique sans précédent.

Alors que le pays était confronté, en juin et juillet dernier, à une accélération de la pandémie sur son sol, les autorités libyennes ont décidé, à l’issue d’une décision polémique, de fermer leurs frontières, ce qui a enfoncé davantage le clou. Si pour eux, la situation sanitaire en Tunisie exigeait une telle réaction, pour des centaines de commerçants et de sociétés tunisiens, cette décision a eu l’effet d’un coup de grâce pour leurs activités. Encore faut-il rappeler que de nombreuses sociétés d’import-export sont concentrées exclusivement sur le marché libyen. Idem pour de nombreux petits commerçants tunisiens qui dépendent de l’activité commerciale avec ce voisin. 

Si, effectivement, cette décision avait été prise après l’aggravation de la situation épidémiologique en Tunisie et l’augmentation du taux de contamination par le variant indien, ses effets étaient d’ordre économique. Arrêt des échanges économiques et commerciaux dans les deux sens, suspension de l’activité des passages frontaliers, paralysie du trafic aérien, baisse des entrées en devises… La situation ne pouvait pas continuer tant que le sort de plusieurs sociétés et commerçants dépendait de cette décision.

Dernièrement, les autorités libyennes ont annoncé la réouverture des frontières entre les deux pays. On espérait, donc, une bouffée d’oxygène pour des centaines de familles tunisiennes qui vivent de ces échanges entre les deux pays, notamment en ce qui concerne l’exportation de certains produits alimentaires.

Des raisons sécuritaires ?

En effet, le Premier ministre du gouvernement d’Union nationale libyen, Abdelhamid Dbeibeh, a annoncé, mardi 17 août 2021, la réouverture de la frontière libyenne avec la Tunisie. Une décision synonyme de reprise des échanges économiques dans les deux sens et de reprise du trafic terrestre et aérien. Sauf que tout cela n’a pas eu lieu en raison de la décision des autorités tunisiennes. Le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Othman Jerandi, a eu récemment un entretien téléphonique avec son homologue libyenne, Najla Al-Manqoush, axé notamment sur la question de la réouverture des postes frontaliers et de la reprise des déplacements par voie terrestre et aérienne, à la lumière des mesures prises par les deux pays, pour lutter contre le coronavirus.

A cette occasion, Jerandi a assuré à son homologue libyenne que la décision de maintenir fermés les postes frontaliers de Ras Jedir et de Dhiba-Wazen avec la Libye est dictée par les conditions sanitaires et épidémiologiques en Tunisie. « La Tunisie a pris des mesures de précaution pour parer à toute éventualité d’infiltration de nouvelles souches mutées et hautement contagieuses du Covid-19 », a-t-il dit, cité dans le même communiqué.

Par ailleurs, le ministre a souligné que la décision de lever les restrictions sur les déplacements entre les deux pays relève des prérogatives du Comité scientifique de lutte contre la pandémie de Covid-19. « La levée des restrictions dépend de l’amélioration de la situation épidémiologique », a-t-il ajouté.

S’agit-il seulement de raisons sanitaires qui expliquent le maintien de la fermeture des frontières mais aussi la suspension des vols entre les deux pays ? Ce n’est pas si sûr si on rappelle que selon des sources sécuritaires, la Tunisie fait actuellement face à une hausse de la menace terroriste, notamment sur la frontière sud du pays. D’ailleurs, un document fuité par des parties libyennes atteste que les autorités sécuritaires tunisiennes auraient livré une information à leurs homologues libyennes sur une éventuelle présence d’éléments terroristes dans une base militaire, celle d’Al-Wattia  à 140 kilomètres au sud-ouest de la capitale libyenne Tripoli.

En effet, des informations avaient circulé ce week-end, laissant croire qu’une centaine de terroristes appartenant à Daech se sont regroupés dans cette base militaire dans l’objectif de s’infiltrer en Tunisie. Des informations qui n’ont pas été confirmées par les autorités tunisiennes et ont été même démenties par un haut responsable libyen, sauf que le maintien de la fermeture des frontières entre les deux pays pourrait confirmer la présence de menaces terroristes ciblant la Tunisie.  

C’est dans ce contexte sécuritaire délicat qu’un élément terroriste a été arrêté récemment dans le gouvernorat de Monastir. Incitant sur les réseaux sociaux  au meurtre du Président de la République, il a été immédiatement arrêté par les forces de l’ordre. Une affaire qu’on ne peut pas décontextualiser des propos du chef de l’Etat qui avait évoqué un plan d’assassinat le visant.

Dans l’attente d’une bouffée d’oxygène

Loin de cette polémique autour de la fermeture des frontières entre les deux pays, l’arrêt des échanges commerciaux entre la Tunisie et la Libye nuit considérablement au tissu économique du pays.

 Au début, les commerçants tunisiens avaient espéré profiter de l’apaisement du conflit en Libye et de la réouverture des frontières pour reprendre les échanges, ces espoirs se sont rapidement dissipés avec une nouvelle fermeture des passages frontaliers avec la Tunisie en juin dernier. 

Jointe par La Presse, la Chambre de commerce de Sfax rappelle qu’une grande partie du tissu économique à Sfax, à Gabès et à Médenine mais aussi dans les autres gouvernorats du sud tunisien était toujours liée au rythme de ces échanges. « Le maintien de la fermeture des frontières, indépendamment des motifs, nuit considérablement à l’économie nationale, c’est une bouffée d’oxygène pour le tissu économique tunisien », a-t-on expliqué.

Mohamed Boussaïd, ministre du Commerce et du Développement des exportations, avait affirmé à notre journal que la Tunisie veut promouvoir ses échanges avec la Libye non seulement en tant que marché très important, mais aussi comme une route vers l’Afrique subsaharienne.

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