Accueil A la une AU FIL DE L’ACTU: De l’audace pour montrer la voie

AU FIL DE L’ACTU: De l’audace pour montrer la voie

Le président du mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi, vient de limoger tous les membres du bureau exécutif du parti, dans l’objectif de mettre en place « une nouvelle organisation répondant aux exigences de cette phase », selon un récent communiqué de la mouvance islamiste. D’après la même source, une commission de gestion de la crise politique, présidée par Mohamed Goumani, s’emploiera à « faire sortir le pays de l’impasse ».De telles promesses, on en a entendu à tirelarigot au cours de cette houleuse décennie.

Ça frôle l’absurde
Cette nouvelle manœuvre du Cheikh sans turban n’est pas sans rappeler bien des faits frôlant
l’absurde. Des faits qui ont accéléré la descente aux enfers d’un pays qui ne cesse de boire le calice
jusqu’à la lie.
En procédant encore une fois à des réformes en trompe-l’œil, le Cheikh se tire, de nouveau, une
balle dans le pied. Car un simple changement de décor ne peut en aucun cas transmettre au peuple des
signaux annonciateurs de lendemains meilleurs. Et les Tunisiens sont loin d’être dupes pour avaler la
couleuvre.
Tout comme les huit gouvernements qui ont tenu les rênes du pays ces dix dernières années,
Ghannouchi et compagnie ne font que payer les Tunisiens en monnaie de singe, en contrepartie d’une
adhésion sans faille à la perpétuation de leur misère.
L’on entend ici par misère, un taux de pauvreté qui s’est installé à 21% en 2020, un PIB réel qui s’est
contracté de 8,2 % en 2020 — c’est le ralentissement économique le plus prononcé depuis que le pays
est devenu indépendant —, une hausse du taux de chômage à 16,2 % et un déficit des transactions
courantes qui s’est réduit à 6,8 % du PIB, selon le FMI.
S’y ajoutent consécutivement un déficit budgétaire qui a atteint 11,5 % du PIB et une dette de
l’administration centrale qui a augmenté à près de 87 % du PIB.
Loin de jouer les Cassandre, il faut dire que la mission allouée à l’équipe gouvernementale en
gestation n’est point une sinécure. Compte tenu de l’état général d’un bateau ivre naviguant sur une
mer agitée, il convient de dire que le choix de la prochaine équipe gouvernementale s’apparente à cette
ultime et décisive épreuve.

Miser sur la production de richesses humaines
Dire que le choix de la prochaine équipe gouvernementale s’apparente à une ultime et décisive
épreuve, c’est plutôt admettre que les nouveaux matelots de la barque tunisienne sont appelés à concilier deux faits : encourager les activités susceptibles de valoriser le capital et soutenir les activités inutiles
aux actionnaires mais utiles à la société.
Cela dit, nul ne peut nier que la classe dirigeante ne tire sa puissance que de la maîtrise du travail et
de l’aptitude à le conserver, en procédant à un changement continu de la production, de la recherche
et de l’entreprise. Sauf qu’il ne faut nullement perdre de vue que la production de valeur doit être organisée sur des bases sociales, anthropologiques, territoriales et écologiques acceptables. Cela implique
une franche unification du statut économique des personnes en admettant leur liberté et leur égalité en
droits dans le champ de la valeur.
La concrétisation d’un tel objectif passe, lato sensu, par l’attribution de trois droits à tout individu,
de l’avis d’illustres économistes internationaux : un salaire à vie qui entérine pour chacun le statut de
producteur de valeur, la propriété d’usage des outils de travail à utiliser et la participation aux instances
de coordination de l’activité économique.
Force est de constater, à ce stade, que le salaire à vie ci-dessus mentionné doit être organisé autour
d’une qualification associée à chaque individu, pour ainsi devenir un attribut personnel.
Reprendre du poil de la bête, ici et maintenant, pour le bien de cette nouvelle Tunisie qui trébuche
doit donc être la priorité du prochain gouvernement. Lequel gouvernement est appelé à faire sauter
certains verrous, dont l’hégémonie du capital sur le domaine marchand. Dans le cas tunisien, les déclarations de l’ancien ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, Patrice Bergamini, en disent long.
Dans une interview au journal Le Monde datant de juillet 2019, Bergamini a déploré des positions
d’entente, de monopoles handicapant l’évolution de l’économie tunisienne. Il a, aussi, fait remarquer
que « certains groupes familiaux n’ont pas intérêt à ce que de jeunes opérateurs tunisiens s’expriment et
percent ».
Corriger la trajectoire d’une barque tantôt en proie au vent des complotistes tantôt naviguant à vue
passe, in fine, par un vrai travail de réflexion sur les exigences de l’heure et non pas par le mélo de la
téléréalité ni par celui des cheikhs barbus.
Ériger — ce ne sont là que des exemples — l’éducation des enfants par leurs parents au rang de
travail productif et faciliter l’insertion des jeunes dans la chaîne économique serviraient la Tunisie et les
Tunisiens beaucoup mieux que ces manœuvres vaines et sans utilité aucune.
De l’audace pour montrer la voie, c’est tout ce dont on a besoin pour partir du bon pied et mettre un
terme aux quolibets fusant de toutes parts, en réponse aux fulgurances des politicards toujours prêts à
arracher son dernier soupir à la bête gisant à terre.

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