Deux questions émergent après la toute récente flambée de foot.
La première est d’ « opportunité » : était-ce bien le moment ? Le pays trime, l’État perd ses moyens, les prêteurs internationaux se débinent. Au rouge tous les voyants. Se distraire de « baballe » était-il adéquat ?
La réponse est la même partout. Le football est le sport le plus populaire et le plus couru au monde. Et quelle que soit la situation. En pays nanti il égaye,passionne et enrichit. Business mirobolant ! Ici, il peut nous consoler de nos manques, compenser nos nombreuses autres déceptions.
Des milliers de supporters ont subitement investi les cafés lors de la Coupe Arabe du Qatar, et des centaines ont pris l’avion. Quasiment la même chose pendant la Coupe d’Afrique du Cameroun. Le couvre-feu sanitaire a été même ignoré. Subitement est le mot, les stades étaient désertés durant le championnat national, et il en résultait peu, si peu d’échos dans les médias. Inquiétudes partout ailleurs, instabilité politique, épidémie, chômage et cherté de la vie. Pis : un surendettement qui menace de faillite. On cherche provisoirement,désespérément « remède » dans un exploit à l’échelle continentale. On oublie, on s’oublie, on se console à la seule idée d’une victoire de prestige. On a conscience de tous nos dangers,simple alors : on reporte tout sur le ballon rond.
La seconde question a trait au foot même. À notre façon d’y faire principalement. À nos attentes,nos ambitions, finalement aux résultats que l’on y obtient.
Nos participations aux dernières Coupes arabe et africaine ont mécontenté tout le monde. Au Cameroun, avec trois défaites sur cinq matches et un rachat au 2e tour; on a parlé de score indigne et d’humiliation. Pas un n’y a échappé,en fait. Joueurs pointés du doigt, fédération mise en cause,entraîneur évincé. Le plus remarquable et qui suscite précisément question est que tous semblent regretter du « mieux », un meilleur passé, de meilleures performances, de meilleurs talents.
Approximatif tout cela, pour ne pas dire illusoire, voire, simplement, faux. La vérité est, qu’à l’exception des décennies 60 -70 et de la courte parenthèse Roger Lemerre, le football tunisien a toujours fonctionné sans structures, sans projet, sans potentiel générationnel, sans lien avec une politique sportive. En conséquence,plus clairement (et puisque tout se rejoint) sans réels titres, sans grands résultats. La Tunisie a gagné une seule Coupe d’Afrique des nations (et à domicile) en 46 années et seize participations,et n’a jamais franchi le premier tour sur les cinq Mondiaux disputés. Le football tunisien ne produit pas de joueurs de carrure mondiale depuis le seul Hatem Trabelsi à Ajax. Et, parlons franc enfin, ceux qui renforcent aujourd’hui la sélection nationale ne sont ni de cet apport ni de ce format.
À quoi sert, dès lors, de s’illusionner de « passé» et de rêver de « lendemains », de compter sur d’improbables talents, d’aligner les entraîneurs et de tenir « sous serre » une fédération ? Le foot en particulier (le sport en général) est culture et science à la fois. C’est-à-dire mode d’être et savoir. Règles et déontologie. N’y réussissent, n’y dominent que ceux qui s’y conforment. Réfléchissons un bout, seules les grandes nations. Le meilleur football,le meilleur sport est allemand, russe, français, brésilien, américain, bientôt, si ce n’est déjà le cas, chinois. Nous les rejoindrons quand nous comprendrons le sport comme ils l’ont toujours conçu et pratiqué : comme instrument d’intelligence et de progrès. À défaut, nous continuerons à traîner derrière, chantonnant nos courts exploits.