Lorsque l’on associe politique, terrorisme et corruption à la justice, certaines parties ont une fâcheuse tendance à venir directement à l’esprit. La dernière décennie a été marquée par l’éclosion incessante d’affaires mettant en cause la probité des dirigeants nahdahouis et de leurs alliés. Les révélations du Collectif de défense des martyrs Belaïd et Brahim et qui constituent un choc pour les Tunisiens ne plaident pas en faveur d’une réputation sans tache du mouvement islamiste. Les effets dévastateurs de l’ingérence politique dans la justice sont en effet déroutants. A un certain moment, ils ont même affaibli la légitimité de l’Etat, notamment en sapant les institutions et les valeurs démocratiques, mais surtout l’éthique de la justice.
Des accusations accablantes dont l’ampleur surprend, notamment par le fait qu’elles étaient couvertes pendant des années par le silence et l’inaction de certains magistrats. La foi des Tunisiens en la justice est en quelque sorte éprouvée. Pour avoir fermé les yeux sur tout ce qui se passait, l’inertie de l’appareil judiciaire a tacitement autorisé tous les dérives et dérapages en tous genres. Tout ce qui se faisait, tout ce qui se tramait, on ne le voit pas désormais seulement comme défaillant, mais surtout comme une déviance constituée et entretenue par certains juges censés pourtant veiller aux exigences absolues de la vérité.
Le problème est que la couverture politique génère tellement de profit que la plupart de ses aspects attirent souvent des personnes malhonnêtes et provoquent les tentations. Tout est sujet à des pratiques douteuses qui font de certains politiciens des acteurs corrompus. Tant qu’il y a de l’argent sur (et sous) la table, la dénaturation politique peut tourner à plein régime et provoquer même le mal absolu.
Une affaire en chasse une autre. Pour Ennahdha, c’est dans le sens contraire aux bonnes habitudes et aux valeurs que la tendance se confirme. C’est dire à quel point la décennie noire, avec ses acteurs et ses nouveaux instigateurs, avait inspiré les idées et les actes les plus déplacés, les plus dénaturés. Il y avait de plus en plus d’intrus, d’opportunistes et d’indésirables.
Enferrés dans le déni, sûrs de leur bon droit, les dirigeants d’Ennahdha et leurs alliés ne veulent aujourd’hui rien lâcher de leurs prérogatives et de leurs privilèges. Ils sont toujours indifférents aux accusations qui les accablent. L’image peu reluisante qu’ils ne cessent d’afficher est imputable à des gens qui se voient au-dessus de la loi. Il leur est toujours facile de spéculer sur la valeur et l’exemplarité de la justice et des juges. Cela ne manque pas cependant de rappeler une vérité : quelle que soit leur influence, quel que soit leur pouvoir, ils ont tout simplement une durée de légitimité déterminée.
On mesure aujourd’hui l’ampleur de leurs procédures et on réalise que les instances concernées étaient souvent impuissantes devant leur égarement. Tant qu’elle héberge des parties emblématiques, des fois symptomatiques, la justice est encore en danger. Nous sommes dans le regret de reconnaître que la fracture judiciaire est toujours aussi compromettante, aussi inquiétante. A-t-on vraiment les magistrats qui font vraiment honneur à la mission dont ils sont investis? Tout ce que l’on peut dire est que le contexte politique a poussé au-devant de la scène certains juges qui n’auraient jamais dû être là où ils sont actuellement. Pendant de longues années, les affaires brûlantes s’étaient perdues dans des circuits impossibles à tracer, encore moins à cerner et cela provenait tout particulièrement des personnes qui gravitent tout au tour.
Le recours à des méthodes controversées et illicites compromet de plus en plus le passé, le présent et l’avenir d’Ennahdha. Les événements prennent ainsi une tournure plus que jamais décisive. Chacun dans son coin, ses principaux dirigeants nahdhaouis continuent pourtant à s’enfermer dans le mensonge et la provocation. Ils avancent insensiblement au-devant d’un échec qu’ils croient inimaginable. Mais, parce qu’ils pensent avoir un statut particulier, ils se croient encore dispensés d’avoir une morale. Ils n’ont pas toujours compris que nous sommes dans l’après-25 juillet.
Et puis, à quoi bon s’efforcer d’être vertueux quand tout ce qui a été préconisé n’a plus aujourd’hui de crédibilité auprès des Tunisiens ? A trop miser sur les mensonges, la vérité a fini pourtant par éclater. Au grand jour…