Tout le pays est en train de retenir son souffle. Position inconfortable qui risque de devenir douloureuse car elle semble vouloir s’étendre dans le temps. La crise politique, déjà grave, semble empirer et la crise économique aussi, et avec elles une grave crise sociale à nos portes.
Tout cela est très coûteux et constitue, aussi, un puissant frein pour l’investissement économique et humain et un facteur décisif pour la perte des marchés, la fuite des capitaux et également celle des cerveaux. Traduire, impossibilité d’atteindre un niveau de croissance capable de relancer l’économie. Nous risquons, donc, de voir s’accroître le rythme de fermeture des entreprises, s’amplifier le chômage, flamber encore davantage les prix et avec eux l’endettement aussi bien privé que public et préparer le terrain à la faillite totale du pays. Une faillite devenant imminente car le pays est transpercé de part en part par les conflits et il n’existe aujourd’hui aucune intention de la part du pouvoir de fait à Carthage de concevoir et de mettre en œuvre un plan de sauvetage de l’économie. Pour ce dernier, le plus important, est de concevoir une nouvelle Constitution qui instaurera un régime présidentialiste sur mesure. En somme, le rêve éveillé d’un enseignant en droit constitutionnel sirotant son café entre deux TD, qui se considère investi d’une mission divine à un moment décisif de l’histoire de l’Humanité.
Faillite totale à nos portes et absence totale d’un processus de dialogue fût-il timide. Rien, silence radio. La vie politique se résume, hélas, depuis le 25 juillet en une pléthore de harangues télédiffusées et une pluie de décrets et de décrets-lois. Saïed, cela est devenu très clair, fait tout pour espérer concrétiser ses rêves idéologiques et le plus rapidement possible et rien pour sauver l’économie du pays.
A la place d’un dialogue solennel pouvant réanimer le pays, le locataire de Carthage avait lancé son projet de référendum électronique pour se rattraper un peu plus tard car ayant compris enfin que cette dernière expression de la souveraineté du peuple ne peut être conduite de cette manière expéditive. Résultat, une pseudo-consultation, dépourvue de toute crédibilité, car d’abord sans échantillonnage, ensuite sans objectivité, le participant devant livrer le numéro de sa carte d’identité et, enfin, et c’est très important, car les participants sont en majorité analphabètes en matière de politique, d’économie et de développement.
Après avoir dévoré La Kasbah, le Bardo et Bab-B’net, il semble, par ailleurs, s’acheminer vers la chasse au pigeon bleu, ce qu’une bonne partie de la population désire, sans toutefois en mesurer les conséquences, la dissolution des conseils municipaux, une nouvelle loi qui gèrera la Banque centrale et il est en train de se frotter les mains face à une tempête interne qui pourrait disloquer la centrale syndicale des travailleurs. Quant à la vie économique, elle est suspendue aux lèvres d’un éventuel accord qui serait conclu entre une administration toute nue et le FMI avec toutes ses conditions de plus en plus chirurgicales. Une administration dirigée par une personne qui a tordu le cou à la Constitution, qui s’est adjugé tout les pouvoirs, perdant ainsi toute légalité et toute légitimité. Une situation kafkaïenne qui ne semble pas gêner une bonne partie des politiciens, toujours accrochés à leurs idéologies surannées et certaines franges de la population sous l’effet de manipulations diverses croyant ainsi à tort qu’un seul homme est capable de sauver le pays.
Aucun salut, donc, en dehors d’un dialogue qui devra déboucher sur l’adoption d’un plan de sauvetage du pays. Un dialogue institutionnalisé sous forme d’un congrès national qui regroupera les représentants de toutes les structures nationales élues, (Présidence, Parlement, organisations nationales, corps élus, conseils municipaux, conseils scientifiques, etc.) avec exclusion de toute personne sujette à des poursuites judiciaires.
L’élément humain restera, hélas, le maillon faible de toute la chaîne. Une grande opération de lutte contre l’analphabétisme politique et économique et à entreprendre et le plus tôt possible. Aller à des élections et à un référendum, avec pour électeurs des têtes vides et brouillées, c’est être au bord du précipice et faire un pas en avant.