Epargnons- nous les cogitations, l’année en cours est déjà perdue. Un échec et une perte qui seront historiques. Loin de jouer les Cassandre, il faut être aveugle au sens figuré, bien sûr, pour croire le contraire, tellement les faits ne font que crever les yeux, matin et soir.
Historiques, à l’image de tous ces bricolages que leur auteur s’obstine à qualifier, à chaque fois, d’historiques et qui, certains soirs viennent nous conforter dans nos convictions que nous sommes au bord de la faillite économique après avoir fait le triste constat de la faillite politique, intellectuelle et morale de notre pays.
Obsédé par l’Histoire, dont son plus grand rêve est d’y entrer de plain-pied comme sauveur et grand bâtisseur, il ne rate aucune occasion pour jouer sur les symboles et les mythes (dates, langage, fac-similés de journaux anciens, cérémoniaux divers, etc.).Même la fameuse table du 12 mai 1881 et du 12 mai 1964 a été utilisée lundi pour la signature de ce qu’il appelle décrets-lois.
Une manie qui nous coûte cher, car elle empêche sa victime de voir la réalité et de comprendre les vrais problèmes auxquels le pays est confronté. Seules ses idées fixes comptent et à chaque fois qu’il fait un nouveau pas vers la concrétisation de l’une d’elles, on sent qu’il devient heureux et apaisé, après des accès de fièvre. Tel un enfant qui décide de prendre un objet et qui réussit dans son entreprise.
N’en déplaise à « Ommok sanafa » (Agences de notation) dont l’une d’elles vient de nous balancer à la figure son verdict sans recours, qui signifie que notre pays est devenu insolvable. Traduire, si besoin est, que la porte des prêts est définitivement close et que le seul recours qui reste, qu’est le FMI, sera intransigeant s’il daigne nous prêter de l’argent. Traduire encore que, la chirurgie de Bretton-Woods sera très douloureuse et du type « chirurgie de guerre ».
A l’approche de la banqueroute que l’Etat pourrait annoncer d’un moment à l’autre, producteurs (de biens et de services) et consommateurs sont aujourd’hui face à leur sort, qui risque de devenir sombre. Nous étions en récession, aujourd’hui c’est la panique, avec des « sauve-qui-peut ! » qui fusent de partout.
Oui, l’année 2022 sera une énième année de perdue pour notre pays qui avait, lors de sa lutte contre l’occupation française, beaucoup plus de chances de se développer que lorsqu’il a eu, à sa tête, un chef qui ne voulait faire qu’à sa tête et qui était conscient que l’Etat c’était lui et que les Tunisiens étaient ses sujets.
Toutes proportions gardées, nous sommes revenus à zéro. Hélas, avec cette fois-ci une personne avec zéro lutte, zéro structure de soutien et zéro programme. La misère ne peut qu’engendrer la misère. Et les échecs à répétition que le pays est en train d’accuser sont toujours imputés à des comploteurs et autres traîtres et virtuoses de l’art de retourner de veste.
Oui, l’année 2022 sera une énième année de perdue pour notre pays, car aucune réforme n’a été entamée. Ni celle qui doit concerner le système de production des compétences, ni de la justice, de la santé, de l’administration, de la fiscalité, de l’agraire, de la compensation, des caisses sociales et bien d’autres réformes aussi urgentes que vitales.
Or, l’administration dirigée par Saïed donne l’impression qu’elle est incapable d’appliquer même des lois et des règlements, disons de routine. Pire, zéro réaction face à la honteuse grève sauvage des agents des caisses sociales, ou encore les montagnes de déchets à Sfax.
Que dire alors de lutter contre la corruption qui gangrène le pays, contre la spéculation, contre le laxisme général, contre certains lobbies qui contrôlent certains secteurs- clés de l’économie et de l’opinion publique ?
A part l’appareil sécuritaire qui est discipliné et bien organisé, l’administration est, hélas, dans les nuages et les dossiers dont elle est chargée continuent de traîner. Or, la majorité des problèmes, dont souffre le pays, ne relèvent pas de complots et nécessitent des solutions autres que celles émanant d’un esprit hanté par le sentiment de persécution.
En dehors du processus participatif et représentatif cité, l’année en cours sera une énième année de perdue et participera à l’accélération de la régression de notre pays. Aucun salut n’est possible en dehors d’un dialogue institutionnalisé, sous forme d’un congrès national qui devra déboucher sur l’adoption d’un plan de sauvetage du pays.
Aucun salut, en dehors de la tenue d’un congrès national et le plus tôt possible, mais aussi sans l’adoption d’un plan national de remise à niveau de la population dans tous les domaines vitaux et un second de lutte contre l’analphabétisme politique et économique de l’écrasante majorité du peuple, appelé à s’exprimer à travers les urnes sur des questions vitales.
(*) VII et fin