Certaines maisons de jeunes, dont l’infrastructure s’est considérablement dégradée, sont devenues des lieux insalubres dans lesquels des délinquants se retrouvent pour fumer, boire, consommer des stupéfiants…
Nous avions soulevé, à la faveur d’une précédente édition, les problèmes que connaissent un certain nombre d’installations ou d’infrastructures en raison des lourdeurs administratives.
Le cas de la Maison de jeunes de Jaâfar, du côté de Raoued, prête depuis 2015 et qui attend son ouverture, a délié quelques langues. Rappelons que des vols d’équipements sanitaires et de matériels informatiques ont été la cause de ce retard incompréhensible pour le commun des mortels.
Bien entendu, il ne fallait même pas se poser des questions à propos de l’insouciance des autorités concernées. Ni le ministère, ni la municipalité, ni les autres intervenants concernés ne semblent décidés à donner signe de vie.
Ils l’ont peut-être fait, mais… de 2015 à 2022, de l’eau a coulé sous les ponts. Les jeunes, qui auraient dû être pris en main, ont eu le temps de squatter bien des zones et des quartiers, se prêter à des agissements plus ou moins louches et perdu au passage de belles années de leur vie.
Bien entendu, il n’est nullement question d’affirmer que ces maisons de jeunes constituent le milieu idéal pour former les jeunes, mais il n’en demeure pas moins qu’entre le choix de les laisser dans la rue ou de leur offrir un lieu de loisirs, il n’y a pas photo.
Le département des Sports et de la Jeunesse, au lendemain de cette révolution, et même avant, avait bien d’autres chats à fouetter. Il y a bien eu quelques réalisations, un stade par-ci, une piscine ou une salle de sport par là, mais face à la vétusté des infrastructures existantes en manque d’entretien, tout se réduit à une gestion des fédérations qui se dépatouillent dans des problèmes sans fin. Des fédérations qui donnent l’impression qu’elles n’ont été créées que pour gérer des calendriers, en raison de l’absence de plans d’actions qui auraient pu relancer le sport et la jeunesse.
Indiscipline et insouciance
Et c’est un ancien responsable d’une maison de jeunes qui s’est chargé de nous expliquer ce qui se passe : « Il est inexact de croire qu’une maison de jeunes, par les temps qui courent, constitue un lieu privilégié pour ces milliers de jeunes qui cherchent encore où passer leurs heures libres. Je suis allé il y a quelques semaines dans l’une d’elles et j’ai été dégoûté. Il n’y a plus de discipline. Les jeunes qui y vont finissent leur visite par une dispute et les chaises volent dans tous les sens. Les éclats de voix s’entendent de loin. On fume partout et personne n’est respecté. Il y a beaucoup d’impulsivité, de l’arrogance même, qui ne facilite pas les relations. C’est à l’image de ce qui se passe ailleurs. Quant aux équipements, ils sont en mauvais état. Pourtant, personne n’ose signaler ces dépassements».
Un protocole d’accord
Des ordinateurs, une télévision, des jeux d’échecs ou une table de pingpong, cela n’attire plus. Il faudrait qu’on passe la vitesse supérieure et c’est une question de moyens. On n’en a pas. En attendant, ces bâtiments ne rendent plus les services que l’on attend d’eux et se détériorent, faute d’entretien sérieux. Pourquoi pas un protocole d’accord entre les services de la formation professionnelle et les maisons de jeunes pour exploiter ces espaces de manière utile, tout en répondant aux besoins de bien des jeunes désœuvrés ?
« Je pense qu’aucun jeune ne nous croira si nous lui disons qu’au lendemain de l’Indépendance, les premières équipes nationales tunisiennes dans presque toutes les disciplines effectuaient leurs stages de préparation dans des maisons de jeunes ! Tout a changé, sauf les lourdeurs administratives qui épuisent toutes les bonnes volontés, découragent et viennent à bout des plus courageux ».
Former les formateurs
Il existe, bien entendu, des écoles de formation du personnel d’encadrement, mais cela ne suffit pas. De toutes les façons, tout est question de moyens et d’ambitions. Personne ne demande à ce qu’il y ait partout des laboratoires ou des ateliers pourvus de matériels sophistiqués et dotés d’un personnel d’encadrement adéquat, mais il y a un minimum à respecter pour en faire un pôle attractif, motivant, intéressant.
On a l’impression que ceux qui gèrent, se murent dans leur propre bulle. Le milieu ambiant les inquiète et cela ne les motive nullement. Ils gèrent en l’absence de toute pédagogie et cela finit par lasser les parents qui emportent leurs enfants ailleurs.
Là où on paie de l’argent pour faire de la musique, du sport ou pour apprendre quelque chose d’intéressant, d’utile. Ces « académies » coûtent cher et cela provoque une rupture qui marque l’esprit des enfants dont les parents sont incapables de payer des centaines de dinars. Tout le monde le sait, mais personne ne réagit. Au nom de la liberté ? Peut-être, mais nous avons un sport à deux vitesses, une formation de la jeunesse qui piétine et qui perd tous les jours de sa vocation.
Entretien et maintenance
Les responsables se succèdent, mais la tendance se limite à laisser une trace de son passage en inaugurant un terrain de football, une piscine dans une ville qui manque cruellement d’eau potable, une salle ou une maison de jeunes que l’on oubliera très vite. Le manque d’entretien et de maintenance a rongé presque tout ce que nous avons réalisé. Encore une fois, c’est à cause des lourdeurs administratives et de la roublardise des responsables des lieux qui se transforment en petits roitelets et font ce qu’ils veulent, aux dépens d’un fonctionnement normal et régulier.
On a, bien entendu, parlé de la mise en place d’un organisme, d’un office pour assurer cet entretien et cette maintenance, mais rien n’a encore filtré, alors qu’il aurait été facile de redéployer du personnel qui ne trouve rien à faire pour démarrer et remettre à niveau bien des installations.
Quelles ambitions ?
Pour finir, et considérant le temps perdu, la qualité de l’infrastructure, la démobilisation que l’on constate au premier contact avec les différentes parties prenantes, le peu de moyens que l’on accorde, il est difficile de faire des choix porteurs.
Pour faire œuvre utile, pour intéresser et motiver ces jeunes désœuvrés, inquiets, trompés par les premiers venus, il faudrait se fixer des ambitions et se doter des outils (moyens financiers, personnel d’encadrement qualifié, infrastructures irréprochables), nécessaires pour déverrouiller les portes et s’ouvrir sur de nouveaux horizons.