Un pouvoir unitaire est triste et ennuyeux, outre les questions majeures qu’il pose au regard des règles démocratiques et des droits humains.
Rien ne vaut un paysage politique multicolore et animé, où les protagonistes confrontent leurs plans et visions, proposent des projets d’avenir viables et les mettent en application le moment venu. Dans cet univers, le citoyen est, de fait, l’objet de toutes les convoitises, l’être suprême à servir et séduire.
L’adversité, incarnation même du pouvoir, prend alors tout son sens. Dans cette arène, parce que c’en est une, des fondamentaux devraient cependant traverser les partis politiques et les clivages idéologiques pour s’ériger en règles convenues, en principes non négociables, à l’abri des compétitions et des conflits. A savoir l’Etat et ses fonctions régaliennes: la sécurité, l’ordre public, la police, la défense, la justice, la monnaie et les finances, la diplomatie et les affaires étrangères. Les collectivités et administrations doivent avoir les prérogatives requises et bénéficier d’un climat serein pour exercer leurs rôles dans les meilleures conditions et quelles qu’en soient les conjonctures. Objectif ultime, ne pas entraver le bon fonctionnement de l’Etat.
Question, cela a-t-il été le cas en Tunisie ? La réponse est négative. Il n’est pas obligatoire d’être analyste avisé de la chose publique pour l’admettre. Depuis 2011, la sécurité et la police, pour ne prendre que cet exemple, ont fait l’objet d’incessants conflits ouverts, associés à une volonté manifeste et assumée d’affaiblir l’institution sécuritaire. Une méthode devenue un modus operandi de certaines familles politiques, plus que d’autres, qui se reconnaîtront.
L’on se souvient comment chaque formation d’un gouvernement, chaque remaniement, pouvait prendre des mois de négociations serrées aux dépens de l’intérêt général et même du bon sens. A fortiori, lorsqu’il s’agissait de prérogatives régaliennes. Dans cet ordre, le ministère de l’Intérieur a toujours été au cœur des transactions et autres marchandages.
Champion est celui qui parvient à obtenir le plus grand nombre de portefeuilles et de postes stratégiques pour placer ses «pions». Des responsables sommés de servir les intérêts, non pas de la nation, mais d’une entité politique. Les qualités requises des hauts commis de l’Etat, à savoir la compétence, l’expérience et l’intégrité, viennent en dernier lieu des évaluations. La loyauté étant le critère rédhibitoire.
Ce manège a duré plus d’une décennie. Nombreux sont les Tunisiens à ne pas l’avoir oublié, si l’on en croit les résultats des sondages qui se ressemblent depuis plus d’une année et sacrent de manière persistante les mêmes acteurs politiques à la présidentielle comme aux législatives. Ceux qui caracolent en tête sont des souverainistes et fervents opposants à la décennie écoulée. Pour rester prudent, on dirait que la donne peut changer d’ici aux prochaines échéances électorales.
Seulement, il est de la vie des gens comme celle des nations, lorsque tout va de travers, on aimerait avoir des remparts, des digues qui empêchent une personne de se perdre et un pays de sombrer dans la violence et le chaos généralisé. Une réalité somme toute banale et encore une fois prouvée.