Accueil A la une Sommet Berlin 2025 : Quand le monde se penche sur le handicap

Sommet Berlin 2025 : Quand le monde se penche sur le handicap

Quelque 4.000 participants ont pris part au Sommet mondial sur le handicap. Parmi eux, ministres, ONG et organisations spécialisées ont appelé à une action collective pour une inclusion réelle et durable des personnes handicapées. La Tunisie y a porté une voix engagée, prônant une approche transversale fondée sur la dignité et l’autonomie.

 Tenu les 2 et 3 avril, le Sommet mondial sur le handicap 2025 a rassemblé près de 4.000 participants venus du monde entier. Ce rendez-vous d’envergure a permis de réaffirmer des engagements forts en faveur d’une inclusion pleine et entière des personnes handicapées. C’est dans ce cadre que le ministre des Affaires sociales, Issam Lahmar, a multiplié les rencontres bilatérales avec plusieurs de ses homologues. Au cœur de ces échanges, le renforcement de la coopération dans le domaine social, avec une attention particulière portée au soutien aux personnes à besoins spécifiques et à l’échange d’expertises sur les politiques d’inclusion.

Un sommet pour une inclusion mondiale effective

Ainsi, M. Lahmar s’est entretenu avec la ministre du Développement social de Palestine, celle du Développement social et de la Famille du Qatar, la ministre de la Femme, de l’Enfance et des Catégories vulnérables de Guinée, la ministre du Développement social de Bahreïn, ainsi qu’avec le ministre des Moudjahidine de la République démocratique et populaire d’Algérie.

Ces rencontres ont été l’occasion de réfléchir ensemble aux moyens de renforcer les relations bilatérales entre les pays et les organisations présents, tout en partageant les bonnes pratiques en matière de prise en charge des personnes en situation de handicap.

Co-organisé par l’Allemagne, la Jordanie et l’International Disability Alliance, le Sommet de Berlin a constitué une plateforme unique d’échange et de mobilisation autour d’un objectif central : faire de l’inclusion un levier structurant de toutes les politiques publiques.

Pour une approche globale du handicap

Parmi ses principales avancées, le Sommet a vu l’adoption de la Déclaration d’Amman-Berlin, qui engage les États signataires à consacrer au moins 15 % de leurs programmes nationaux de développement à l’inclusion des personnes handicapées. Plusieurs axes prioritaires ont également été définis : favoriser un emploi inclusif et décent, garantir une éducation réellement accessible, transformer les systèmes de santé pour une prise en charge équitable, et renforcer la participation active des jeunes handicapés aux processus décisionnels.

Au-delà de la coopération internationale, le ministre tunisien a souligné l’urgence d’inscrire l’intégration des personnes à besoins spécifiques dans une démarche transversale. Leur inclusion ne saurait être cantonnée à un seul secteur mais doit irriguer toutes les sphères de la vie : santé, mobilité, éducation, emploi, culture et loisirs. La Tunisie entend ainsi s’inspirer des expériences régionales et internationales pour faire évoluer son approche, en plaçant la dignité et l’autonomie des personnes handicapées au cœur de ses politiques publiques.

Quand le handicap devient une tragédie silencieuse

Dans notre pays, le défi de l’inclusion ne pourra être relevé sans une prise de conscience réelle des contextes sociaux dans lesquels le handicap s’inscrit. Trop souvent, il se conjugue à la pauvreté, à la précarité familiale, à l’isolement des zones rurales ou des quartiers défavorisés. Dans ces environnements fragiles, le handicap cesse d’être une condition individuelle pour devenir une tragédie collective. Il ébranle l’équilibre familial, épuise les ressources disponibles, creuse les inégalités. Parfois, il pèse si lourd qu’il empêche les autres membres de la famille — y compris les enfants dits «valides» — de poursuivre leur scolarité, de bâtir un avenir, ou simplement de vivre sereinement. 

Face à cette réalité, penser le handicap uniquement sous l’angle de l’assistance sociale ne suffit plus. Il est devenu indispensable de repenser l’ensemble du système d’accompagnement, avec une éducation réellement inclusive, un emploi protégé et digne, l’accessibilité pleine et entière des infrastructures publiques et privées ; qu’il s’agisse des transports, des bâtiments et des espaces collectifs. Mais aussi engager un soutien psychologique et social à la hauteur des besoins, et surtout alléger le fardeau qui repose trop souvent sur les seules épaules des familles. 

Car l’accessibilité ne se limite pas aux lieux physiques. Elle doit inclure l’accès aux technologies, à l’information, aux services et aux loisirs. L’objectif n’est pas simplement de permettre aux personnes handicapées de vivre, mais de leur donner les moyens de participer pleinement, activement, à la vie sociale, professionnelle et culturelle, sans entraves ni conditions.

Mais au-delà de tous les dispositifs à mettre en place, il faut aussi porter un regard nouveau. Parce que ce regard, ce changement profond dans nos perceptions, commence dès l’enfance, à l’école, et se prolonge dans les médias. Ces deux piliers qui façonnent notre imaginaire collectif peuvent devenir des leviers puissants de transformation. À l’école, cela suppose des programmes qui montrent des figures inspirantes en situation de handicap, qui intègrent des récits inclusifs dans les manuels, qui valorisent l’empathie et la coopération dans les activités pédagogiques. Mais cela exige aussi des enseignants formés, capables d’accompagner les élèves à besoins spécifiques, et de parler de la différence avec justesse, sans condescendance ni maladresse.

Quant aux médias, leur responsabilité est immense. Il ne suffit plus de reléguer le handicap aux rubriques «société». Il faut rendre visibles les personnes handicapées dans toutes les sphères de la vie publique, sans que leur condition soit toujours mise au premier plan. Leur donner la parole, leur place, raconter leur quotidien sans misérabilisme. Normaliser leur présence dans les débats, les fictions, les chroniques. Et penser à l’accessibilité comme un droit fondamental. Ainsi sous-titrer les émissions, proposer des contenus en langue des signes, c’est tout simplement reconnaître que ces publics existent, qu’ils comptent, et qu’ils ont droit à une pleine citoyenneté.

Porter un regard nouveau, ce n’est pas faire preuve de pitié. C’est reconnaître une richesse humaine encore trop ignorée. Car derrière chaque statistique, il y a des vies, des combats silencieux, des résistances invisibles. Il est grand temps que la société tunisienne, par ses politiques, ses institutions, mais aussi par ses mentalités, permette à ces citoyens trop souvent relégués à la marge de vivre avec dignité, et non simplement de survivre dans l’ombre.

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