Avant d’écoper du label d’Etat failli, le Liban, gouvernants et gouvernés, avait déjà balisé le terrain accélérant la chute. Si 80% d’une population de près de 7 millions de personnes sombrent aujourd’hui dans une pauvreté extrême, il ne faut néanmoins pas blâmer les dieux. A quoi bon ça sert de le faire, sinon ?
D’après la Banque mondiale, la crise économique et financière que connaît le Pays du Cèdre « pourrait être classée parmi les 10, voire les 3 crises mondiales les plus sévères depuis le milieu du XIXe siècle ».
Selon la même source, le PIB réel du pays a dévissé de 20,3 % en 2020, après une contraction de 6,7 % en 2019. Les conditions monétaires et financières demeuraient — et le sont encore — extrêmement volatiles, dans un contexte de pluralité des taux de change. Les effets sur les prix se sont traduits par une inflation galopante atteignant plus de 84% depuis 2020.
Qui dit faillite de l’Etat libanais dit insolvabilité, effondrement des systèmes bancaire, hospitalier et éducationnel, dépréciation vertigineuse de la monnaie nationale, appauvrissements en masse, absence d’électricité, d’eau courante, de gaz et augmentation du taux de criminalité.
Tout ce malheur est attribué et à l’incompétence du pouvoir et à une population qui n’a fait que verser dans une assassine fuite en avant.
En Tunisie, nous ne sommes pas loin de la condition libanaise qui a précédé l’annonce officielle de la faillite de l’Etat. Nos gouvernants de la décade 2011-2021 ont déjà coché toutes les cases relatives au grand désastre : opportunisme, clanisme, népotisme, ego surdimensionné, le profit à tout prix, lois contraignantes, modèle de développement caduc. Et les riches, seuls rescapés d’une barque en plein naufrage, creusent l’écart.
Le pire de nos maux est aujourd’hui très clair : gouvernants et gouvernés, nous étions et — le sommes encore — peu disposés à comprendre le monde qui nous entoure. Alors qu’il suffit d’ouvrir les manuels d’économie politique ou de surfer sur le Net pour déchiffrer les clés de réussite d’autres pays ou nations plus ou moins similaires.
Si la montée en flèche de pays, comme la Corée du Sud ou encore la Chine, est aujourd‘hui reconnue et saluée par les économistes et géostratèges les plus avérés dans le monde, ils doivent leur envol à des Etats stratèges qui ont su jongler entre libre-échange et protectionnisme. Ils ont très tôt réalisé que le protectionnisme n’est pas l’autarcie (économie autosuffisante et fermée). Ils ont compris, avant qu’il ne soit tard, que le protectionnisme doit s’appliquer de façon sélective et temporaire et qu’il doit être assorti de politiques économiques d’accompagnement.
Ces pays, qui ont brillamment réussi à se faire une place dans le concert des nations, ont également compris que « trop d’Etat tue la croissance et que peu d’ouverture la ralentit et favorise des comportements rentiers parasitaires, voire le clientélisme et la corruption ».
Sachons, au demeurant, raison garder chez nous ! Et sachons, tout comme le soutenait l’ancien président américain William Clinton, que « le commerce libre et ouvert nous enrichira comme nation ».
Autrement, on finira, tout comme nos frères libanais, par sombrer dans la panade.