Alors que politiques et idéologues ne cessent de se regarder en chiens de faïence, menant des heurts à n’en pas finir, nos agriculteurs continuent à cultiver leurs jardins. Sauf qu’au-delà de leur détermination, les questions qui se posent seraient du genre: Qu’en est-il de notre sécurité alimentaire dans un monde en pleine ébullition ? Qu’a-t-on fait pour notre autosuffisance en produits céréaliers face à cette flambée vertigineuse des prix internationaux ? Réalisons-nous l’importance d’une prévision partagée par les chercheurs en géopolitique : «La bataille des céréales aura-t-elle lieu »? Voilà les interrogations qui sautent à l’esprit, compte tenu d’une conjoncture mondiale mouvante.
Avant tout, il faut dire que la sécurité alimentaire englobe plusieurs secteurs. Mais il y a lieu de focaliser l’intérêt, cette fois-ci, sur le secteur des céréales, du fait de notre incapacité à assurer notre autosuffisance en la matière et de la croissance accrue des prix que connaît ce secteur sur le plan international.
Volatilité durable
En mars dernier, l’Indice FAO des prix des céréales a enregistré une hausse de 17,1 % par rapport à février, sous l’effet de fortes hausses des prix du blé et de toutes les céréales secondaires principalement dues à la guerre en Ukraine. La Fédération de Russie et l’Ukraine, à elles deux, représentaient environ 30 % des exportations mondiales de blé et 20 % des exportations mondiales de maïs, ces trois dernières années. Les prix mondiaux du blé ont grimpé de 19,7 % pendant le mois et des craintes concernant les conditions de culture aux États-Unis d’Amérique ayant accentué la hausse.
De pire en pire chez nous
En Tunisie, les besoins d’importations céréalières pour la campagne 2020/2021 (juillet / juin) ont atteint environ 3,8 millions de tonnes, soit environ 20% de plus que les importations de la campagne précédente et 5% de plus que la moyenne du précédent quinquennat, selon le Système mondial d’information et d’alerte rapide (Smiar) sur la sécurité alimentaire et l’agriculture de la FAO.
La production céréalière, durant ces vingt dernières années (à l’exception de 2003), n’est donc pas parvenue à assurer l’autosuffisance ni en blé dur ni en blé tendre.
Toujours est-il que les besoins pour ce qui est du stockage pour l’ensemble des céréales (alimentation humaine et animale) sont estimés à 3,3 millions de tonnes, y compris un stock stratégique pour une durée de 3 mois. Or, ce qui est actuellement couvert est à 89%, à travers une exploitation optimale des facilités existantes de l’Office des Céréales (33%), des deux sociétés coopératives (32%) et des opérateurs privés (35%). Ces derniers sont répartis entre silos de repli avec trois rotations (55%), silos de meunerie avec quatre rotations (33%) et silos de collecte avec une rotation (12%).
Des stratégies à tire-larigot
Des stratégies visant l’amélioration de la production céréalière en Tunisie, on en a parlé à tire-larigot, ces dernières années.
Pour la période 2010-2014, l’objectif était d’atteindre une production de 2,7 millions de tonnes à l’horizon 2014. Ce qui devait se traduire par une autosuffisance de 100% en blé dur et de 30% en blé tendre, soit un taux combiné de 65% pour les deux catégories de blé. Par rapport à la moyenne sur la période 2006-2010 la dépendance aux importations devait être réduite à un niveau de 35%.
L’on parlait également d’interventions à court terme (2012-2013). Ces interventions visaient le renforcement des capacités et des dotations budgétaires de l’Institut national des grandes cultures (Ingc) et de l’Office de l’élevage et de pâturage (OEP). L’Ingc intervient spécifiquement dans l’utilisation des semences améliorées pour des variétés à hauts rendements, dans la gestion de la fertilisation, la santé des cultures, l’irrigation d’appoint et la diversification des assolements à travers 16 exploitations expérimentales et pédagogiques.
Une stratégie à moyen et à long terme (2011-2030) a également été élaborée. Mais la période de vaches maigres n’a fait que trop durer.
Agir ou périr
Premier constat: le secteur agricole tunisien est encore à potentiel non réalisé.
Deuxième constat: la plupart des terres domaniales sont inexploitées, les puits ne sont toujours pas suffisamment électrifiés, surtout dans les régions du centre.
Troisième constat : l’encadrement des agriculteurs est en-deçà du niveau escompté.
Se prémunir contre les aléas d’un monde en pleine ébullition et à l’avenir incertain supposerait, au demeurant, l’atteinte d’un niveau respectable en matière de sécurité alimentaire. Car, il n’est point de souveraineté nationale dès lors que l’on continue à mendier notre pain quotidien.