Accueil A la une Kaïs Saïed et la classe politique : Le fossé se creuse davantage

Kaïs Saïed et la classe politique : Le fossé se creuse davantage

La bipolarisation politique frappe de plein fouet en Tunisie, un pays livré à une crise politique, économique et sociale sans précédent. Si le Président de la République Kaïs Saïed, droit dans ses bottes, va jusqu’au bout de son projet, l’opposition politique, elle, s’organise et opte, pour l’instant, pour des alliances en vue de contrer le processus du 25 juillet.

Où va le pays ? Kaïs Saïed parviendra-t-il à concrétiser son projet politique ayant mis fin au régime des partis politiques ? Comment sortir d’une telle crise avec les moindres dégâts sociaux et économiques ? Tant de questions qui se posent, alors que les Tunisiens craignent plutôt la poursuite de la détérioration de leur pouvoir d’achat.

En tout cas, le fossé entre le locataire de Carthage et l’opposition politique se creuse davantage. Lundi, à l’occasion de la fête nationale des forces de l’intérieur, le Chef de l’Etat, évoquant ses opposants politiques, a considéré que plusieurs individus mentent en affirmant subir des atteintes à leurs droits et à leurs libertés. « Ils sont protégés par les forces de sécurité. Ils mentent en parlant de dictature… Ils veulent jouer les héros… Ils changent constamment de discours ! Nous allons continuer à permettre au peuple d’exprimer sa volonté et nous ne nous soucions pas de cette misérable politique », a-t-il ajouté.

Pour le Président de la République, ses opposants sont derrière « la misère du peuple tunisien et des pénuries actuelles ». Dans son dernier discours, Kaïs Saïed a rappelé qu’il restera fidèle à son engagement et qu’il ne «  succombera pas à leurs campagnes de dénigrement et à leurs calomnies ».

Revenant sur les derniers rebondissements politiques, il a considéré que les ennemis d’avant étaient devenus des alliés afin de se partager le pouvoir. Ces derniers, selon lui, ont même fait appel à l’ingérence étrangère puisqu’ils considèrent la Tunisie « comme un butin ».

Vers un front de salut national ?

Au fait, en citant les « ennemis d’hier », le Président de la République évoque clairement le dernier rapprochement entre Ennahdha et Ahmed Néjib Chebbi. En effet, le chef de l’instance politique du parti « Al Amal », Ahmed Néjib Chebbi, s’est entretenu lundi 18 avril 2022 avec le chef d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, et des membres du bureau exécutif du mouvement.

La rencontre a été, selon un communiqué publié par Ennahdha, une occasion pour présenter l’initiative de Chebbi visant à former un front de salut national pour sortir la Tunisie de sa crise.

Le parti a souligné le rapprochement entre les deux parties en ce qui concerne le traitement des questions les plus importantes de la situation générale du pays et de ses besoins de sauvetage, et il a été convenu de poursuivre la consultation et l’action conjointe avec les différentes parties concernées.

Mais qu’en est-il de ce front de salut national ? L’image rappelle en tout cas toutes les alliances contre nature ayant eu lieu depuis les évènements du 14 janvier, dont notamment le rapprochement entre Ennahdha et Nida Tounès en 2014 puis entre le même parti islamiste et Qalb Tounès en 2019. Au fait, pour le Président de la République, c’est ce genre d’alliance qui a conduit le pays à cette situation catastrophique. Kaïs Saïed s’est toujours opposé à tout faux consensus, estimant qu’il s’agit de mensonges pour établir des intérêts politiques et financiers.

Le dilemme du dialogue national

D’ailleurs, le Chef de l’Etat s’oppose toujours à la participation de ces partis au dialogue national qui a, selon ses dires, bien démarré. Il a affirmé dans ce sens que les résultats de la consultation nationale serviront de point de départ à la révision de la Constitution. « Pourquoi avons-nous organisé la consultation ? Afin d’identifier les éléments sur lesquels portera le débat », a-t-il rappelé.

Le Chef de l’État a révélé qu’il avait entamé le dialogue national avec les organisations nationales. Il a réaffirmé que les voleurs et ceux qui ont essayé de mener un coup d’Etat n’en feront pas partie. Il a expliqué qu’il comptait purifier l’Etat.

Sauf que cette démarche ne plaît ni à la classe politique ni à l’Union générale tunisienne du travail (Ugtt). Cette dernière a exprimé à maintes reprises son opposition à l’organisation d’un débat national de la sorte, appelant à réunir tous les intervenants autour d’une même table, car pour elle, un dialogue sans partis politiques n’a pas de sens. « Nous voulons une participation réelle et élargie pour réaliser un vrai débat avec des opinions opposées, et ce afin de parvenir à un accord national, fruit d’un consensus des Tunisiens et Tunisiennes. Le passage en force aura des répercussions sur de longues années, notre pays ne doit pas arriver au stade du désordre », a affirmé, dans ce sens, le secrétaire général de la Centrale syndicale Noureddine Taboubi.

Au fait, plusieurs partis politiques ont également refusé l’annonce du Président de la République portant sur le démarrage du dialogue national. La présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi, a affirmé que son parti n’était pas concerné par le dialogue national, car il n’y avait pas d’éléments clairs relatifs à la structure et au déroulement de ce dialogue. Elle a aussi considéré que ce dialogue n’aura aucune valeur juridique.

Pour sa part, le secrétaire général du mouvement Echaâb, Zouhair Maghzaoui pense que le Président de la République, Kaïs Saïed, dont respecter le rôle joué par plusieurs forces civiles et politiques ayant participé à l’instauration de la phase d’après le 25 juillet et qu’il doit dialoguer avec eux. « Le 25 juillet est une véritable révolution. Néanmoins, Kaïs Saïed ne l’a pas menée tout seul », a-t-il insisté.

Même son de cloche chez le bureau politique du parti, Afek Tounes, qui a exprimé son refus quant à la tenue d’un dialogue basé sur une approche unilatérale. Il estime que l’intention du Président de la République d’entamer un dialogue selon ses conditions, optant pour l’exclusion et fondé sur les résultats de la consultation démontre l’absence d’intention de dialoguer.

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