La Tunisie ne bénéficie plus de marge de manœuvre dans ces négociations, et doit impérativement appliquer les accords qui doivent être conclus avec le FMI en vue de décaisser de nouvelles tranches d’assistance financière…
La Tunisie s’est lancée dans une course contre la montre pour réaliser ses équilibres budgétaires de l’année courante. Mais cela passe par une seule condition, parvenir à un accord avec le Fonds monétaire international (FMI). Si les négociations avaient commencé il y a plusieurs semaines, il semblerait que nous soyons à la dernière ligne droite de cette longue course à haut risque. Autrement, la Tunisie sera contrainte de restructurer ses dettes pour éviter tout défaut de paiement, un scénario catastrophique pour notre pays.
Mais heureusement, nous n’en sommes pas encore là, de bons indicateurs sont à souligner, et les deux parties se sont engagées dans des négociations transparentes axées, surtout, autour des réformes que doit opérer la Tunisie. Des réformes qui s’annoncent douloureuses pour une population déjà sanctionnée par une crise économique et sociale de taille. D’ailleurs, ce sont la masse salariale et la Caisse de compensation qui subiront de plein fouet ces réformes dans une tentative de sauver l’économie tunisienne d’un naufrage financier imminent.
Quoi qu’il en soit, la Tunisie ne bénéficie plus de marge de manœuvre dans ces négociations, et doit impérativement appliquer les accords qui doivent être conclus avec le FMI en vue de décaisser de nouvelles tranches d’assistance financière. Autant dire que les entreprises publiques sont également au cœur de ces négociations. Alors que les parties tunisiennes reconnaissent que la majorité de ces entreprises est en difficulté, le FMI pousse vers des plans sociaux et des plans de restructuration et même de privatisation pour éviter aux caisses de l’Etat des pressions budgétaires supplémentaires.
C’est donc dans ce contexte que la Tunisie participe aux réunions de printemps du Fonds monétaire international (FMI) et du Groupe de la Banque mondiale qui se tiennent, du 18 au 22 avril, à Washington.
Le ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saied, et le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Marouane Abassi, prennent part à ces réunions en présentiel, tandis que la ministre des Finances, Sihem Nemsia, y participe à distance. Samir Saïd et Marouen Abbassi ont eu une rencontre à Washington avec Axel Trotsenberg, directeur général des opérations à la Banque mondiale, selon un communiqué du ministère de l’Economie et de la Planification.
Elle a porté sur les derniers évènements internationaux, notamment la guerre russo-ukrainienne et les moyens susceptibles de faire face à son impact négatif sur l’approvisionnement en matières premières dans le monde, particulièrement à travers un soutien financier destiné à assurer l’importation de ces produits à court terme.
La réunion, qui s’est déroulée en présence de Farid Belhaj, vice-président de la BM chargée du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, a, également porté sur les moyens d’aide à la réalisation d’une étude exhaustive sur les chaînes de valeur, notamment dans le secteur des produits de base et de l’agriculture en général. Les participants ont aussi débattu des moyens de renforcer la coopération dans le domaine de la digitalisation de l’administration et l’encadrement des initiatives privées parmi les jeunes actifs dans le domaine des technologies modernes, outre l’exploitation optimale des opportunités offertes dans le secteur des énergies renouvelables, d’après le ministère.
La délégation tunisienne a présenté les différents axes du programme de réformes structurelles préparé par le gouvernement, lequel programme fait l’objet de consultations avec les partenaires sociaux.
Pour sa part, la ministre des Finances, Sihem Nemsia, a pris part à la première réunion entrant dans ce cadre, qui s’est tenue mardi entre la délégation tunisienne et des représentants du FMI, avec à leur tête Jihad Azour, directeur du département Moyen-Orient et Asie centrale au FMI
La réunion a porté sur les discussions en cours entre la Tunisie et le FMI visant à parvenir à un accord entre les deux parties et elle a été l’occasion de discuter des efforts déployés par la Tunisie pour accélérer le rythme des réformes et les mettre en application en concertation avec les organisations nationales.
La masse salariale sur le banc des accusés
Au fait, tout l’accent a été mis sur la question de la masse salariale en Tunisie. C’est le point qui entrave actuellement ces négociations, et que la Tunisie ne parvient toujours pas à résoudre. Pourtant, le bulletin de suivi du budget de l’Etat à fin décembre dernier publié mardi dernier a montré qu’au cours du dernier trimestre de l’exercice précédent, les salaires des fonctionnaires ont augmenté de 3.525.4 millions de dinars (MD) pour passer de 16.656.8 MD à la fin du mois d’octobre écoulé à 20.182.1 MD à fin décembre 2021. Cette hausse inédite revient à l’effet des nominations aux postes fonctionnels et aux promotions dont la publication est parue au Jort. A eux seuls, les frais de gestion administrative composée essentiellement des dépenses en carburants et entretien des voitures de fonction administratives se sont situés à 1.966.6 MD.
En tout cas, le constat est sans appel, la Tunisie n’est plus en mesure de répondre à sa masse salariale dans cette conjoncture financière délicate et tant que son économie ne connaît pas ses meilleurs jours. Tous les économistes n’avaient pas cessé d’avertir depuis plusieurs années sur les conséquences d’une telle masse salariale devenue un fardeau pour l’Etat tunisien. Si des recrutements massifs dans la fonction publique avaient été opérés depuis la révolution au nom de la préservation de la paix sociale, mais aussi en raison de certains calculs politiques et de pratiques de complaisance, aujourd’hui nous commençons à payer le prix cher de ces décisions irrationnelles.
Inflation galopante
En tout cas, cette situation explique en partie le taux d’inflation galopant en Tunisie. Les Tunisiens commencent en effet à sentir la crise frapper le pays de plein fouet. L’envolée des prix pendant le mois de Ramadan a enfoncé le clou et risque de dégrader davantage la situation. L’inflation a confirmé sa tendance haussière au cours des six derniers mois en augmentant à 7,2% au mois de mars 2022. Elle a augmenté pour le sixième mois consécutif et s’établit à 7,2% contre 7% en février, 6,7% en janvier et 6,3% en octobre 2021, selon les données publiées par l’Institut national de la statistique (INS).
Ce taux vient confirmer les prévisions de la Banque centrale de Tunisie (BCT) selon lesquelles l’inflation a poursuivi sa tendance haussière en 2021, pour clôturer l’année à 6,6% et 4,9%, une année auparavant. Les prévisions de la BCT tablent sur un taux d’inflation moyen de 6,8% en 2022, avant de s’atténuer à 5,6% en 2023.