Accueil A la une Culture et politique : Faut-il une révolution des esprits ?

Culture et politique : Faut-il une révolution des esprits ?

L’éradication de l’autorité religieuse et politique dans les établissements d’activités culturelles s’impose donc dans une société mi-conservatrice mi-libérale. Les artistes prônent, dans ce sens, une égalité sans concession, défendent une liberté totale de penser et de publier et en appellent à la révolution, la révolution des esprits !
• Mohamed Boudhina, producteur : «Lotfi Abdelli était visé par une tentative de meurtre».

Cet été, la saison des festivals a été marquée par une polémique suscitée malheureusement par des questions politiques. Au départ, l’annulation puis la reprogrammation des «shows» de Lamine Nahdi, interprétées par ses proches comme un complot de nature politique, puis c’était au tour du comédien Mokdad Shili de voir son spectacle annulé à Monastir, et enfin les incidents durant le spectacle de l’humoriste et acteur Lotfi Abdeli.

En effet, dimanche dernier, le spectacle de Lotfi Abdelli à Sfax a tourné au chaos en raison d’une tension et de la colère des syndicats des forces de l’ordre. Ces derniers, se sentant offensés par certains propos de Abdelli, ont décidé de ne pas sécuriser le spectacle en question, ce qui a provoqué sa perturbation. Dans son style habituel, Abdelli a tenu des propos jugés vexants à l’adresse des policiers et des sécuritaires. Ces derniers, présents sur place, se sont sentis humiliés et leur image ternie. Ils ont décidé de quitter les lieux. L’artiste a dû interrompre à plusieurs reprises sa performance pour entrer en altercation verbale avec les forces de l’ordre.

Hier lundi, le syndicat des forces sécuritaires a annoncé, via sa page Facebook, qu’il était de son droit de ne plus sécuriser les spectacles, notamment à l’intérieur des espaces réservés. On annonce également qu’une plainte sera déposée contre l’artiste en question pour atteinte à autrui au nom de la liberté d’expression.

Chokri Hamada, le porte-parole dudit syndicat, précise dans ce sens que, dorénavant, chaque spectacle qui porte atteinte aux mœurs sera boycotté par les sécuritaires. «Nous ne serons pas témoins de l’atteinte à autrui ni aux mœurs», a-t-il martelé.

Sur les réseaux sociaux, Lotfi Abdelli annonce même être en danger, et lance un cri d’alerte contre les pratiques de répression. Son producteur, Mohamed Boudhina, témoigne également d’incidents graves qui ont eu lieu au cours du spectacle, il annonce qu’Abdelli était visé par une tentative de meurtre.

En tout cas, le ministère de l’Intérieur a publié, hier, un communiqué pour préciser que les forces de l’ordre ont sécurisé ce spectacle en dépit d’un geste de provocation commis par l’artiste à l’égard des forces de l’ordre. Le département annonce également avoir entamé une enquête administrative pour revenir sur les incidents durant ce spectacle.

Le cas Mokdad Shili

Au fait, cet été, l’activité culturelle vibre malheureusement au rythme des aspects politiques. Quelques jours avant, l’humoriste et chanteur Mokdad Shili a vu son spectacle à Monastir annulé en raison de propos à l’égard du leader  Habib Bourguiba. En effet, le festival international de Monastir a indiqué, dans un communiqué, que la nouvelle pièce de théâtre de l’artiste Mokdad Shili a été déprogrammée.

La direction du festival a précisé que la décision a été prise pour ne pas «encourager toute incitation à porter atteinte de près ou de loin aux symboles de la ville», expliquant qu’une grande partie du public a décidé de boycotter le spectacle en réponse à des propos précédemment tenus par l’artiste contre le leader Habib Bourguiba.

Une semaine avant, c’était au tour de l’affaire Lamine Nahdi d’être politisée. Une polémique a éclaté suite à l’échec de sa pièce de théâtre «Nmout Alik» sur la scène du Festival international de Carthage, le public a quitté l’amphithéâtre avant la fin du spectacle. Son entourage et notamment son fils, l’acteur et réalisateur Mohamed Ali Nahdi, soupçonnent un complot politique exercé par le mouvement Ennahdha contre son père.

Nous y voilà replongés !

Tout ça pour dire que les rapports entre culture et politique en Tunisie posent vraiment problème. Si la culture est synonyme de liberté d’expression, l’agir culturel et artistique n’a pas été libéré d’une lecture systématiquement politique, nous y voilà replongés, même après la révolution. Malheureusement, la politisation de l’action culturelle et artistique est devenue une monnaie courante en Tunisie au point que les artistes sont continuellement exposés à des menaces, même physiques. En effet, les controverses qui touchent les œuvres de l’esprit et de l’imagination sont omniprésentes et les artistes craignent une nette atteinte à la liberté d’expression.

L’éradication de l’autorité religieuse et politique dans les établissements d’activités culturelles s’impose donc dans une société mi-conservatrice mi-libérale. Les artistes prônent, dans ce sens, une égalité sans concessions, défendent une liberté totale de penser et de publier, et en appellent à la révolution, la révolution des esprits !

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