Oui, notre pays souffre d’une incompétence générale et généralisée. Traduire une incompétence qui touche tous les domaines, y compris celui chargé de produire les compétences certifiées et aussi l’ensemble de la population, y compris une bonne majorité de ceux chargés de veiller à l’acquisition desdites compétences.
C’est dire que nous sommes devenus l’illustration parfaite et généralisée du fameux principe de Peter. Celui-ci pourrait être énoncé ainsi : «Tout travailleur atteindra, tôt ou tard, son niveau d’incompétence». C’est- à-dire évoluer en passant d’un niveau à un autre supérieur, jusqu’à arriver à un poste pour lequel il sera incompétent. Ou encore laissé à un niveau inférieur jusqu’à ce qu’il perde toute motivation et devient ainsi incompétent à cause de l’absence de promotion.
C’est ce qui se passe dans nos administrations, nos entreprises, nos associations, nos partis, nos institutions régaliennes, etc. Tous nos présidents ont été l’illustration fidèle du principe de Peter. Bourguiba, par exemple, était un grand leader politique, mais un piètre chef de gouvernement (il était à la fois chef de l’Etat et du Gouvernement). Que dire alors de ceux qui n’ont jamais rien dirigé et étaient quasi-incompétents dans leur propre métier.
Notre pays baigne, en effet et depuis des décennies, dans l’incompétence et refuse de reconnaître cette dure réalité, devenue à force de sévir une triste vérité. Nous sommes devenus même incompétents quant à pouvoir nous exprimer dans notre langue maternelle, le dialecte tunisien avec ses multiples variantes. Ce qui est une véritable honte et le grand sacrilège d’un peuple à l’encontre de son identité primaire.
Nous sommes devenus également incompétents quant à la fondation de familles saines, harmonieuses et épanouissantes pour leurs membres. Incompétents à former des citoyens. Pire, nous sommes depuis des années et, pour la plupart d’entre nous, ce que nous avons appelé «anti-citoyens ».
Erreurs dans la «Constitution de Saïed», erreurs dans un manuel scolaire, des trains qui, de temps en temps, se tamponnent, des entreprises publiques devenues de très lourds fardeaux pour le peuple, des médicaments essentiels introuvables, des vaccins qui arrivent trop tard, etc.
Cela, sans oublier les négligences qui pullulent, les erreurs médicales, les défauts de fabrication qui vont du pain jusqu’à l’électronique et l’informatique, en passant par le prêt-à-porter, le bâtiment, les routes, etc.
Mais aussi des chefs de gouvernement mal choisis, des violations très graves et très dangereuses de la Constitution, l’incapacité du pouvoir en place à dialoguer, à se doter d’uns stratégie claire et efficace, ni même d’un plan pour sauver le pays de la faillite qui pointe son nez, ni même à résoudre des problèmes de routine, une loi de finances complémentaire qui n’arrive pas, des incidents diplomatiques dont certains sont graves et très coûteux, etc.
C’est dire que l’incompétence s’est, non seulement généralisée mais qu’elle a, hélas, touché aussi tous les types de savoirs (savoir, savoir-être, savoir-faire, savoir-dire, savoir-prévenir, savoir-devenir, etc.) Pire, elle a touché aussi ceux dont la responsabilité est de veiller à développer les compétences.
2.300.000 apprenants (soit 35 mille de plus que l’année dernière) iront cette année sur les bancs des écoles, collèges et lycées du pays et aucune réforme sérieuse ne concerne leur vie au sein des institutions chargées de les encadrer et censées certifier leurs connaissances (absence de transmission de savoir-être et de savoir-devenir).
Bon nombre d’entre eux vont, hélas, quitter leurs bancs sans avoir rien dans les poches (100 mille environ chaque année), d’autres vont, pour la plupart, grossir les rangs des chômeurs. Ce qui est inquiétant c’est que 60% des élèves n’arrivent pas à acquérir les compétences de base durant leur scolarité, selon une étude effectuée récemment par l’Ocde (Organisation pour la coopération et le développement économique).
Mais ce qui est réellement plus inquiétant, c’est que rien n’est fait pour lutter contre ces fléaux, sachant que l’ignorance est partout et que le sixième de la population est analphabète. Rien n’est fait car, à côté de l’incompétence généralisée, qui empêche toute réaction positive, il n’existe ni volonté sociétale ni volonté politique capables de renverser la vapeur.
Rappelons que, dans plusieurs de nos chroniques, sur ces mêmes colonnes et dans le cadre de notre présente rubrique, nous avons appelé à la conception et à la réalisation d’un plan national de remise et de mise à niveau générale de la population et dans tous les domaines. Surtout pour les langues, bases de l’acquisition de toute compétence, mais aussi dans le domaine du politique, du juridique, de l’économique, sans oublier le code de la route, la santé et la sécurité, etc.